Sydney 2000 : Catherine Freeman, à la folie

Avant sa course légendaire à Sydney, Catherine Freeman était partout. Dans les journaux, sur les murs des gratte-ciel, adulée par tout un peuple qui ne doutait pas un seul instant de son triomphe en finale du 400 m, sur le coup de 20 h 10 à Sydney le lundi 25 septembre 2000. À 48 heures de son entrée en lice, la fièvre montait sévèrement dans les rues de la cité olympique…

Sydney 2000 : Catherine Freeman, à la folie
(IOC)

À Darling Harbour, lieu de rencontre traditionnel très fréquenté au cœur de Sydney, devenu site olympique, Catherine Freeman est visible de partout. Peinte sur toute la hauteur d'une tour de verre : une réalisation de l'équipementier américain qui la parraine. Elle s'affiche aussi sur les bus, seul le nageur vedette Ian Thorpe lui disputant l'espace. Son statut d'icône nationale est encore renforcé par son apparition en tant que dernière relayeuse à la fin de la cérémonie d'ouverture pour allumer la vasque olympique au milieu d'une cascade de feu et d'eau.

Les tabloïds locaux, comme le Daily Telegraph, s'en donnent chaque jour à cœur joie à l'encontre de sa grande rivale et double tenante du titre olympique du 400 m, Marie-José Pérec. Ainsi dans son édition du 20 septembre : "La photo que Pérec ne veut pas voir" (la championne française prise au téléobjectif sur son lieu d'entraînement), au-dessus d'une autre photo : "Celle qu'elle verra" (l'arrière des chaussures de Catherine Freeman !).

(IOC)

Dans le quartier des Rocks, l'ambiance nocturne est chaude. L'immense paquebot "Crystal Harmony", grand comme un immeuble, est amarré depuis le début des Jeux sur le Circular Quay. Devant le grand navire blanc, il y a des tables et une sono qui diffuse de la techno à plein volume.

Belinda et Jose s'arrêtent de danser un instant pour s'exclamer : "Catherine, c'est la meilleure, elle va gagner. Elle battra cette fille… quel est son nom déjà ?" Belinda a son billet en poche. Elle ira au stade olympique le grand jour et elle ne peut déjà plus attendre. Un peu plus loin, Nathalie, drapée dans un drapeau australien, résume en trois mots ce qu'elle pense de Catherine Freeman : "She's so cool !"

Tout un peuple derrière Catherine Freeman

Finlay, d'origine finlandaise, se moque des symboles : "Elle est Australienne, voilà tout. Elle est comme nous." Ce 20 septembre, Phil et Troy fêtent la victoire de l'archer australien Simon Fairweather. Ils se régalent aussi depuis le début des Jeux avec les exploits des nageurs de leur pays. "Ce qui nous intéresse, nous, ce sont les titres gagnés par l'Australie. Nous n'avons pas de très bons coureurs. Alors l'athlétisme ne nous intéresse pas tant que ça. En fait, nous n'avons qu'une chance, et croyez-moi, nous serons tous là pour soutenir Catherine Freeman."

Devant la station de métro Circular Quay, deux écrans géants ont été placés par un célèbre fabricant d'électronique japonais, sponsor des Jeux. La foule vient se rassembler là chaque soir, notamment pour vibrer aux exploits des nageurs australiens. Ben et Matthew, deux policiers bonhommes sont là pour assurer la sécurité. "Toute l'Australie est pour Catherine", affirme Ben. "Le soir de la finale, tout le monde sera devant son téléviseur, il n'y aura personne dans les rues à part ceux qui se rassembleront ici, et il y aura une sacrée ambiance !" Pour sa part, Matthew a été très surpris de voir Catherine Freeman allumer la vasque olympique, pinacle de la cérémonie d'ouverture. "J'ai trouvé ça vraiment super !"

Catherine Freeman ne s'appartient plus. Elle appartient à tous les habitants de Sydney, à tout un continent. Personne ne la battra en finale de son épreuve. Sûr ? Au milieu de tous ces supporters drapés dans les couleurs locales (au choix, soit le drapeau australien avec l’"Union Jack" britannique dans un coin et six étoiles blanches sur fond bleu, ou bien du jaune et du vert), se balade un extraterrestre arborant du bleu-blanc-rouge. Pierre est Français, il est venu suivre les Jeux pour le plaisir. "Ah, si Freeman ne gagne pas, quelle claque ils vont prendre !" Et d'ajouter : "Le plus drôle, ce serait que ni Pérec ni Freeman ne s'imposent." On n'ose y penser…

"Si intense et si beau !"

Mais tout ne se passera pas exactement comme l'ont prévu les supporters. Les premières séries le 22 septembre se disputent en l'absence de Marie-José Pérec qui a précipitamment quitté Sydney moins de 48 heures plus tôt. Nullement déstabilisée, la double championne du monde en titre australienne (1997 et 1999) remporte aisément la sienne en 51.63. Le lendemain, au deuxième tour, sous les ovations d'un public qui n'a d'yeux que pour elle et qui remplit chaque jour à ras bord les gradins du stade olympique de Homebush Bay, Catherine Freeman domine sa course en 50.31, puis elle monte encore en puissance le 24 septembre en demi-finale, passant la ligne d'arrivée la première en 50.01 et réalisant le meilleur temps à ce stade de la compétition.

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La suite fait partie de la légende des Jeux Olympiques, ce 25 septembre où son tour de piste en finale est accompagné par 112 000 gorges déployées dans un vacarme assourdissant, sans compter les incessants crépitements de flashes. En fusion avec son public, habillée d'une combinaison intégrale, coiffée d'une capuche moulante verte et blanche, Catherine Freeman s'impose en 49.11 sous des clameurs redoublées, semblant ensuite s'écraser sur la piste sous le poids du torrent d'émotions qui dévale des gradins. Elle offre à l'Australie sa 100e médaille olympique et symbolise magnifiquement l'unité de son pays.

"Toute cette histoire est devenue bien trop grande pour moi", dira Catherine Freeman des années plus tard. "Quand ces moments se produisent, c'est presque comme assister à un spectacle magique. J'ai essayé chaque jour, chaque année où je prenais de l'âge de respecter la façon dont le public se souvient de cette course en septembre 2000. C'est si intense et si beau", explique-t-elle en 2018. C'est peu dire qu'il y a tout juste vingt ans, tout un peuple a accompagné Catherine Freeman vers la médaille d'or !

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