Records olympiques : La course qui a fait de la petite Ireen Wüst la reine du patinage de vitesse
Une course de patinage de vitesse rare et légendaire a inculqué chez la jeune Ireen Wüst la détermination qui a fait d’elle la Néerlandaise la plus couronnée de succès de l’histoire olympique. Quatorze ans après sa première médaille d’or décrochée alors qu’elle n’était encore qu’une adolescente, elle nous explique que c’est la force de volonté qui la maintient au plus haut niveau de son sport.
Ireen Wüst n’a que 10 ans lorsqu’elle assiste à la fameuse course néerlandaise de patinage de vitesse Elfstedentocht ("Tour des 11 villes"). La dernière avait eu lieu deux mois avant sa naissance et les conditions météorologiques ont fait qu’il n’y en a pas eu d’autres depuis. Mais le fait de voir son père y participer en 1997 fascine Wüst et contribue à faire d’elle l’olympienne néerlandaise la plus décorée de tous les temps.
L’Elfstedentocht n’a lieu que lorsque les canaux, rivières et lacs du nord des Pays-Bas sont suffisamment gelés pour permettre aux participants de patiner les près de 200km qui relient les 11 villes historiques de la province de Frise. Même si cette course peut théoriquement se dérouler une fois par an, les conditions sont si rarement réunies que dès qu’il y a quelques jours de gel, cela peut déclencher une véritable effervescence nationale.
Une fois que la course est annoncée, elle peut commencer dans les 48 heures. En 1997, le père d’Ireen Wüst saisit sa chance. Sa jeune fille est conquise, et déterminée à montrer ce dont elle est capable dans ce sport.
“Mon père y avait participé et j’étais intriguée par le patinage de vitesse”, se souvient-elle. “J’ai supplié mes parents de m’acheter des patins et, cet hiver-là, nous avons beaucoup patiné sur la glace naturelle. J’adorais cette ambiance.
“J’allais tous les dimanches matin à la patinoire d’Eindhoven avec mon père. Je le suivais et j’essayais de copier sa technique. C’était un bon patineur dans sa jeunesse.”
Il était très vite clair que la jeune Ireen allait être exceptionnellement bonne. Un jour, en quittant la glace, un homme lui demande son nom et quand elle le lui dit, il lui répond : “Je vais m’en souvenir car il sera célèbre un jour.”
La célébrité n’arrive toutefois pas facilement. La petite fille intègre un club de patinage de vitesse et intensifie son entraînement à mesure qu’elle grandit. Mais en dépit de tous ses efforts, elle désespère de voir arriver le succès.
“J’étais très petite. À 15 ans, la majorité des filles avaient déjà beaucoup grandi, mais pas moi. La plupart de mes camarades étaient plus grandes et plus fortes que moi. Mes entraîneurs me disaient que tant que je continuais de bien patiner techniquement, je deviendrai automatiquement plus forte et plus rapide.”
Faisant preuve d’une concentration extraordinaire qui fera plus tard sa renommée, Wüst suit les instructions et récolte bientôt les récompenses.
“J’ai intégré un groupe d’entraînement spécial, j’ai reçu une invitation pour la sélection régionale et j’ai finalement fait partie de l’équipe nationale junior à 16 ans”, dit-elle. “Pour moi, c’était vraiment quelque chose. J’allais faire du shopping avec ma veste de l’équipe nationale et j’étais très fière.
“Quand j’ai intégré l’équipe, j’étais timide, mais j’ai appris très vite. La première année, je m’étais déjà qualifiée pour les Championnats d’Europe et les Championnats du monde toutes distances avec Sven Kramer [qui deviendra aussi un multiple champion olympique].
“J’ai terminé quatrième au classement général des Championnats d’Europe et cinquième aux Mondiaux. Je n’arrivais pas à y croire.”
Malgré sa progression fulgurante au sommet du patinage de vitesse international, Wüst n’ose pas rêver des Jeux Olympiques d’hiver à Turin qui doivent se dérouler un an plus tard, en 2006.
“Je pensais que si tout allait bien, je serais prête pour les Jeux Olympiques de Vancouver, quatre ans après.”
Durant l’été, elle passe de l’équipe nationale junior à une équipe professionnelle néerlandaise.
“J’ai signé un contrat de trois ans et ils ne voulaient pas me mettre la pression. Ils me disaient de ne pas me soucier des résultats, mais moi j’étais impatiente.
“Au début de la saison, je me suis surentraînée. Je voulais faire la même chose que, par exemple, [ma coéquipière] Renate Groenewold, mais c’était ridicule. Elle avait 10 ans de plus que moi et 10 années d’entraînement de plus dans les jambes.”
Son entraîneur, Gerard Kemkers, sort la jeune patineuse fatiguée du programme d’entraînement. Elle ne retourne sur la glace que pour les Championnats nationaux néerlandais, où elle fait une équation simple.
“Si je voulais me qualifier pour une épreuve quelle qu’elle soit aux Jeux Olympiques de Turin, je devais remporter cette épreuve particulière”, explique-t-elle.
Elle remporte alors le 1000m, le 1500m et le 3000m.
“À partir de ce moment-là, il y a eu un flux positif énorme.”
À Turin, à l’âge de 19 ans, Wüst décroche le titre du 3000m et devient la plus jeune championne olympique néerlandaise, avant d’ajouter le bronze dans le 1500m.
“J’avais toujours admiré les champions olympiques", dit-elle. "Puis j’ai moi-même décroché le titre olympique le 12 février 2006. Quand je me suis réveillée le 13, je me souviens que je me disais "Je suis toujours la même personne qu’hier"".
“Mais cela a changé quand je suis rentrée chez moi. Tout d’un coup, tout le monde vous connaît et tous veulent quelque chose. J’ai dû m’y habituer et j’ai dû apprendre à dire non. C’est juste impossible de satisfaire tout le monde.”
Bien que d’autres titres suivent rapidement, sa propension au surentraînement fait que Wüst endure deux saisons décevantes avant les Jeux Olympiques de 2010 à Vancouver. Mais elle relève à nouveau le défi et s’empare du titre du 1500m “par la force de la volonté”.
Cette même détermination l’aide à décrocher ensuite deux médailles d’or et trois d’argent à Sotchi 2014, tandis qu’elle monte à nouveau sur le podium à PyeongChang pour porter son record olympique à cinq médailles d’or, cinq médailles d’argent et une médaille de bronze.
Elle vient tout juste d’ajouter un 20e titre mondial alors qu’elle continue de dominer ce sport 14 ans après son triomphe à Turin. C’est la preuve même de la volonté inébranlable de cette jeune fille, plus petite que ses camarades mais techniquement meilleure, à qui l’on a dit un jour qu’elle deviendrait physiquement plus forte et que tout se mettrait alors en place.
“Cela a renforcé ma conviction que si vous vous engagez sur une voie particulière et que vous continuez à bien faire les choses, lorsque vous avez la patience et la foi, les occasions finiront par se présenter à vous”, dit-elle.
“Tant que je sais que j’ai ne serait-ce qu’un pour cent de chance de réussir, ça me suffit pour aller de l’avant.”