Poliana Okimoto : « En nage marathon, il faut courir avec sa tête »
La championne brésilienne Poliana Okimoto participera à ses troisièmes Jeux à Rio, et donc à autant d’épreuves de nage marathon 10km depuis leur introduction au programme olympique. Elle détaille pour nous tout ce qui différencie sa discipline de la course en bassin de 50m.
La nage marathon est apparue aux Jeux de Beijing en 2008, et sera disputée à Rio dans un troisième contexte différent. La première fois, il s’agissait de parcourir les 10km en aller-retour dans le bassin d’aviron et de canoë-kayak en ligne de Shunyi. La seconde fois, les marathoniens et marathoniennes de la natation se sont expliqués dans la rivière Serpentine, au coeur de Hyde Park à Londres. Cette fois, il s’agit d’un retour aux origines : la course aura lieu en mer, et donc dans l’eau salée, en partant de la plage de Copacabana. L’autre nom de la course marathon « Open Water », inclut des notions de tactique, de choix de sa trajectoire qui prendront tout leur sens dans l’océan atlantique.
La championne brésilienne Poliana Okimoto, née le 8 mars 1983 à Sao Paulo, était présente à Beijing pour l’inauguration de sa discipline au programme olympique. Elle avait pris la 7e place de sa course. En 2012 à Londres, elle avait abandonné. Mais l’année suivante à Barcelone, elle est devenue championne du monde sur 10km, en claquant la plaque d’arrivée 3/100e de seconde avant sa compatriote Ana Marcela Cunha. Poliana a même fait carton plein en Catalogne, puisqu’elle a aussi remporté la médaille d’argent sur 5km marathon, et le bronze de l’épreuve par équipes avec le Brésil. Elle est également détentrice du record national du 1500m nage libre (16:26.80) et a remporté la médaille d’or du 800m aux Jeux Militaires de Mungyeong (Corée du Sud) en octobre 2015.
Poliana Okimoto détaille pour nous ce qui différencie la nage marathon de la course en bassin et les qualités requises pour être performant au plus haut niveau international. « La différence entre la nage marathon et les épreuves en bassin de 50m, ce sont principalement les conditions climatiques. Nous affrontons toujours les facteurs extérieurs dus aux aléas de la nature. La plupart du temps, nous devons nager soit dans une eau très froide, soit très chaude. L’environnement n’est pas sous contrôle, il y a donc parfois beaucoup de vent, et parfois, la mer est calme. Il y a aussi le kilométrage, puisque la plus longue distance en piscine est le 800m, alors que la nage marathon olympique se court sur la distance de 10km », explique-t-elle.
« Les nageurs en piscine sont très fins et ont plus de force. Les « marathoniens » doivent s’entraîner énormément, et ils finissent par perdre de la masse musculaire. Nous devons donc avoir un peu plus de graisse, bien que cela ne soit pas mon cas. Mais beaucoup de nageurs peuvent compter dessus pour se protéger du froid, et parce que c’est une épreuve très éprouvante. Cela dit, je crois que pour nager, ou pour n’importe quel sport, un athlète plus grand et plus maigre aura toujours un avantage. »
« Nous sommes totalement tributaires de l’environnement. Avec beaucoup de soleil et de l’eau salée nous allons sévèrement nous déshydrater. Nous perdons du poids et de la masse musculaire, ce qui crée de gros dégâts. Je peux perdre 2 kilos durant une course si je ne m’hydrate pas correctement. Au milieu de la course, le cœur bat à 140-150 pulsations et sur la fin, il va même jusqu’à 190-200. Je pense que le nageur marathon fait plus travailler le haut de son corps, ses abdomens, ses trapèzes et ses bras. Au bout de la course, les bras et les abdos fatiguent plus que les jambes. Les jambes fatiguent aussi dans la mesure où vous finissez sur un sprint, mais après la course, au moment de se détendre, ce sont les bras qui font mal. »
« Je pense qu’il faut plus courir avec sa tête dans la nage marathon, par rapport aux épreuves en piscine. La nage en bassin de 50m est plus « automatique ». Le rythme de votre entraînement peut se dupliquer en compétition. Tandis que dans le marathon, il faut composer avec la nature, le contact physique avec les adversaires, et le timing. Chaque course est différente. Il faut être bien dans sa tête. Souvent, l’eau est très froide, à 16 ou 17 degrés, et il y a beaucoup de vent. Souvent aussi, vous devez affronter les coups de pieds et de coudes, et les tirages de jambes. Vous devez être préparé mentalement pour laisser glisser tout ça et pour ne penser qu’à votre course ».
« Je pense qu’en nage marathon, le départ n’a pas une grande importance. Pour moi, c’est mieux de partir un peu derrière et d’avoir 2 heures de course devant moi. Au milieu de la course, les officiels vous tendent des bouteilles d’eau pour que vous vous hydratiez. Nous ne nous arrêtons que pour quelques secondes en essayant de perdre le moins de temps possible. Nous buvons de l’eau ou prenons du gel de glucose. Le dernier kilomètre est la partie la plus importante de la course. Là, tout le monde essaye de donner son maximum. C’est le moment où vous vous rappelez que vos jambes existent, car au début de l’épreuve, on les oublie. Dans ce dernier kilomètre, il faut d’autant plus pousser ! J’ai perdu des marathons pour quelques millièmes de seconde, et j’en ai aussi gagné pour quelques millièmes ! »
De quel côté les millièmes tomberont-ils le 15 août prochain au Fort de Copacabana ? Devant son public Poliana Okimoto espère bien qu’ils seront pour elle !