Les secrets du combiné nordique avec le "roi" de la discipline, Eric Frenzel
Combiner la technique complexe et très précise du saut à ski avec le caractère essoufflant et belligérant du ski de fond peut paraître un défi de trop pour bon nombre de personnes, mais aux yeux du triple champion olympique Eric Frenzel, c’est justement cette dichotomie qui fait du combiné nordique la discipline reine des sports d’hiver.
Lorsqu’on lui demande quelle est la clé pour maîtriser les exigences contrastées du combiné nordique, Eric Frenzel, l’athlète qui domine ce sport chez les hommes depuis une dizaine d’années, donne une réponse simple mais surprenante.
“Tout est question d’équilibre”, explique l’Allemand. “Il faut un bon équilibre entre l’endurance, la force et la légèreté nécessaire pour sauter. Ensuite, il faut une bonne stratégie [d’entraînement] et une bonne compréhension de votre corps. Ce n’est pas facile, mais j’ai appris très tôt ce que je devais faire pour ressentir mon corps.
“C’est une des choses les plus importantes, savoir ce que ressent votre corps et ce dont il a besoin avant un grand événement. Parfois, il faut une pause plus longue pour reprendre des forces ou vous sentez qu’il vous faut plus de puissance pour le ski de fond. Ce n’est pas facile.”
C’est là une révélation fascinante de la part d’un homme qui, après son triomphe sur le petit tremplin des Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi 2014, a décroché le titre général de la Coupe du monde petit tremplin à chaque saison jusqu’aux Jeux Olympiques de PyeongChang 2018, où il a remporté sa deuxième médaille d’or individuelle successive.
Contrairement à bon nombre de ses pairs, Frenzel n’a pas commencé par le saut à ski ou le ski de fond, mais a pratiqué le combiné nordique dès le début. Ce n’était pas seulement un coup de foudre à l’âge de cinq ans, mais aussi une compréhension apparemment innée des exigences de chaque discipline.
“J’aimais le saut parce que c’est beaucoup de plaisir et d’adrénaline, puis le ski de fond parce que vous pouvez vous donner totalement, donner toute votre puissance et affronter les autres athlètes”, explique-t-il. “Pour moi, ce sport m’apportait tout ce dont j’avais besoin et tout ce que j’aimais. À aucun moment je ne me suis ennuyé, et tout ce que vous faites est forcément bon pour le sport. J’aimais ça aussi.
“C’est ce qui fait à mes yeux du combiné nordique la discipline reine des sports d’hiver.”
Alors qu’il progresse rapidement, remportant l’épreuve de sprint aux Championnats du monde juniors 2007 de la Fédération Internationale de Ski, Frenzel a trouvé autre chose qui lui plaît dans ce sport. Quelque chose qu’il trouve unique au combiné nordique.
“Lorsque vous faites uniquement du saut à ski, vous n’avez que deux sauts et si vous n’êtes pas en forme le jour J sur le tremplin, ce ne sera pas une bonne journée. C’est la même chose si vous faites uniquement du ski de fond. Mais dans le combiné nordique, vous avez toujours une seconde chance”, dit-il.
“Lorsque vous sautez et que vous faites un bon saut, vous pouvez être très tactique et avoir beaucoup de stratégie [en ski de fond], mais si vous faites un saut moyen, vous avez toujours la possibilité de l’améliorer, de donner le meilleur de vous-même et d’espérer terminer tout de même à une bonne place. Vous avez une deuxième chance de transformer une journée plutôt mitigée en une meilleure journée.”
L’athlète de 31 ans a connu un nombre extraordinaire de bonnes journées sur la neige. Outre ses deux médailles d’or individuelles, il faisait aussi partie de l’équipe vainqueur du relais à PyeongChang et, à ce jour, il est le fier détenteur de sept titres aux Championnats du monde et 53 en Coupe du monde.
Même s’il était meilleur sauteur que fondeur au début de sa carrière, Frenzel n’a jamais pu et ne pourra jamais choisir sa discipline favorite. Encore une question d’équilibre.
“Lorsque j’en ai assez du saut, je dis "OK, aujourd’hui je ne saute pas, je vais courir ou skier ou faire du rollerski”, dit-il. “Je peux faire une pause et penser à autre chose. C’est bon pour moi.
“Un jour, vous préférez l’un, et le lendemain c’est l’autre. J’aime les deux.”
Une compétence que l’Allemand passionné n’avait pas anticipée dans sa jeunesse est la maîtrise de la logistique. Mais à présent qu’il est l’un des athlètes de combiné nordique les plus décorés de tous les temps, il sait que c’est une nécessité pour réussir.
“Que je parte pour deux jours ou pour deux semaines, j’emporte les mêmes bagages”, explique Frenzel avec le sourire, en parlant des différents skis, chaussures et vêtements dont il a besoin pour chaque discipline. “J’ai appris très tôt ce qu’il me fallait pour la compétition. Il faut avoir une routine.”
Le double champion olympique individuel en titre n’est peut-être pas encore monté sur le podium de la Coupe du monde cette saison, mais pour Frenzel, l’important c’est de concourir sur la plus grande scène. Et c’est ainsi qu’il explique finalement son long succès.
“Je vise les Jeux Olympiques”, dit-il. “Pour moi, c’est la chose la plus importante dans le sport. Lorsque j’étais jeune, je rêvais de devenir champion olympique, comme tous les athlètes je pense.
“Les derniers Jeux Olympiques, c’était quelque chose de fantastique, de savoir que je pouvais le refaire après Sotchi. C’était vraiment un grand honneur de porter le drapeau pour la délégation allemande [à la cérémonie d’ouverture des Jeux de PyeongChang 2018]. C’était un sentiment formidable d’avoir tous les athlètes derrière moi. C’est quelque chose dont je rêvais aussi quand j’étais petit.
“Et après ça, c’était vraiment spécial car j’ai remporté également la médaille d’or.”