Les secrets de l’escalade dévoilés par Sean McColl, quadruple champion du monde
La formule permettant d’exceller en escalade, l’un des cinq sports qui rejoindront le programme olympique aux Jeux de Tokyo 2020, est aussi délirante que variée. Cela peut aller de refuser de faire la vaisselle jusqu’à engager un entraîneur de sprint en athlétisme, comme le révèle le Canadien Sean McColl, expert polyvalent.
Personne n’est sans doute plus qualifié que le Canadien Sean McColl quand il s’agit de mettre en lumière la préparation de ceux qui espèrent remporter la toute première médaille d’or olympique d’escalade. Âgé de 31 ans, il participe à des compétitions au plus haut niveau depuis plus de deux décennies, et a été l’un des principaux artisans de l’admission de ce sport au programme olympique. Quatre fois champion du monde du combiné au cours des dix dernières saisons, il est également l’un des favoris pour se couvrir de gloire dorée à Tokyo.
En premier lieu, Sean McColl tient à souligner que de nombreux grimpeurs ont dû relever un défi majeur : s’adapter au fait que le premier champion olympique d’escalade sportive sera l’athlète ayant obtenu le meilleur résultat combiné, en fonction des résultats obtenus dans les trois disciplines habituellement distinctes que sont la difficulté, le bloc et la vitesse.
"Il n’y a pas de schéma directeur sur la façon de s’entraîner pour les trois [disciplines] en même temps", indique Sean McColl, numéro 5 mondial actuel du combiné. "On ne peut pas se baser sur l’histoire, on ne peut même pas demander des tuyaux à de nombreux concurrents plus âgés. Chacun d’entre nous doit vraiment décider de la fraction de temps qu’il consacrera à chaque discipline."
À cet égard, Sean McColl a comme une longueur d’avance sur ses adversaires. Originaire de Vancouver, il a en effet fait preuve de polyvalence depuis le tout début, se délectant en permanence des exigences à multiples facettes de chaque discipline.
Les meilleurs tuyaux d’entraînement en difficulté
"La difficulté est notre discipline aérobique, même si elle ne dure que six minutes. Les parcours contiennent entre 40 et 60 mouvements et nécessitent donc de l’endurance", dit-il au sujet d’une épreuve qui demande aux concurrents de grimper un mur de plus de 15 m, en passant leur corde dans des anneaux de sangle pré-installés sur le parcours. Le classement est établi en fonction de la hauteur atteinte, les éventuels ex aequo étant départagés par le chronomètre.
"Les spécialistes de la difficulté sont élancés, comme des coureurs de fond. Une grande part de l’entraînement consiste simplement à passer du temps sur le mur. Il faut être très fort."
Les meilleurs tuyaux d’entraînement au bloc
Pour les fans qui suivront l’escalade à Tokyo, une partie de la magie résidera dans la simple variété des défis à l’affiche. Lorsque les concurrents se présenteront au pied du mur de bloc, ils auront quatre minutes pour résoudre le puzzle proposé par les différents itinéraires placés sur des murs de 4 m de haut, chacun nécessitant des compétences distinctes. Tous les athlètes découvriront au dernier moment les passages, puisqu’ils auront été confinés auparavant dans une salle close. À noter qu’aucune corde ne sera utilisée.
"Le fait est qu’il est extrêmement difficile de réussir un bloc à son premier essai. Tout réside dans la façon de s’adapter pour repartir après une chute. Il semble impossible de terminer l’ascension dans le temps imparti", explique Sean McColl.
"Le vainqueur est celui qui a atteint un maximum de blocs en un minimum d’essais. C’est athlétique, il faut sauter, cela demande de la coordination. Cela ressemble un petit peu au parkour, il faut utiliser son élan. C’est presque comme si on était des gymnastes, mais au lieu de créer son propre enchaînement, on nous en impose un qu’on doit réaliser parfaitement."
Les meilleurs tuyaux d’entraînement en vitesse
L’escalade de vitesse est peut-être la plus spectaculaire des trois disciplines, puisque les athlètes grimpent sur des murs de 15 m de haut avec un surplomb de six degrés, en un clin d’œil ou guère plus.
"C’est l’entraînement le plus scientifique qui soit, car il est très proche de celui de l’athlétisme, souligne Sean McColl. Les entraîneurs ont recours aux ralentis. La façon dont on démarre en vitesse est très similaire à un départ de 100 m. Le record du monde masculin est actuellement de 5,48 s et le départ est évidemment capital. Pour être grimpeur de vitesse, on sait qu’on a besoin de muscles. On s’entraîne les yeux bandés en suivant le parcours. Tout n’est qu’une question de répétition."
Une compétence clé
Sean McColl, qui compte cinq victoires et 23 podiums en Coupe du monde, est sans équivoque quant à l’attribut le plus important en escalade.
"Il est extrêmement important d’avoir de la force dans les doigts", dit-il en riant, avant d’expliquer comment il essaie d’avoir les doigts les plus robustes de la discipline.
"Je pousse cela à l’extrême. Je me laisse simplement pendre à raison de 60 suspensions de 15 secondes [sur une poutre d’entraînement pour les doigts] avec un repos de 45 secondes entre chaque. Cela prend donc une heure à chaque fois. Il y a tout un tas de prises différentes. On commence par les plus difficiles lorsqu’on est le plus frais, puis on va vers les plus faciles."
Tout naturellement peut-être, étant donné leur importance vitale, les grimpeurs se préoccupent remarquablement de leurs précieuses mains.
"Certains refusent de faire la vaisselle, sourit Sean McColl. En fait, ça ne me dérange pas de la faire, mais je suis un diesel le matin, j’ai beaucoup de mal jusqu’à ce que mes mains soient réchauffées, alors je porte tout le temps des gants. Certaines personnes utilisent de l’eau salée pour les soigner, d’autres font circuler du courant dans de l’eau, utilisent des crèmes, des gels. On fait ce qui fonctionne, ou ce qu’on pense qui fonctionne."
La collaboration est essentielle
Le meilleur élément du Canada estime avec beaucoup de fierté que même durant la finale olympique, la collaboration demeurera au cœur de son sport. Alors que les concurrents ne peuvent pas regarder leurs camarades grimpeurs pendant qu’ils tentent l’épreuve, ils bénéficient tous d’une période chronométrée avant la compétition, au cours de laquelle ils étudient ensemble les parcours établis et discutent des moyens de les résoudre.
"C’est un volet de notre sport qui est plutôt fantastique, dit Sean McColl. En escalade, nous ne sommes jamais vraiment en compétition directe avec un autre concurrent. Si je dis quelque chose à quelqu’un, cela ne pourra jamais me nuire. Ça peut rendre ce grimpeur plus fort et si je peux ainsi l’aider, c’est génial."