La star de l'équitation Georgina March refuse de croire à sa "malédiction olympique" et se concentre sur ses espoirs et ses ambitions
Après avoir renoncé à faire ses débuts aux JO à domicile pour cause de blessure, la Britannique Georgina "Piggy" March était dans une forme olympique en 2019. Pourtant, loin de se décourager du report des Jeux de Tokyo 2020, la cavalière s'attelle à maintenir son niveau de performance et celui de ses partenaires à quatre pattes pendant 12 mois supplémentaires.
C'est une chose de gérer la déception et le report en tant que sportive adulte, mais c'en est une autre pour les chevaux de compétition, si longtemps préparés pour donner le meilleur d'eux-mêmes sur une période de seulement deux semaines une fois tous les quatre ans.
“Ce ne sont pas des machines, ce n'est pas comme une raquette de tennis que vous rangez quelque part et que vous reprenez", a déclaré sur le ton de la plaisanterie Piggy March, star britannique de l'équitation, en évoquant l'enjeu de taille de mettre ses deux meilleurs chevaux, Vanir Kamira, vainqueur du Badminton Horse Trials 2019, et Brookfield Inocent, vainqueur du Blenheim Palace Horse Trials 2019 (sic), "en attente”.
“Vanir Kamira a 15 ans, elle approche donc de la fin de sa carrière. Certains chevaux sont un peu comme des moteurs diesel : il faut s'en servir régulièrement et continuer de les faire fonctionner. C'est la même chose avec les athlètes plus âgés : il vaut mieux qu'ils continuent à bouger pour ne pas se rouiller.
Arrêter d'un coup l'entraînement et prendre beaucoup de temps libre est un souci si l'on veut être en mesure de revenir au sommet sans se blesser ni provoquer de crampes ou de douleurs. L'entraînement des chevaux plus âgés demande beaucoup de réflexion et d'attention. Il faut éviter d'en faire trop peu, sans pour autant les épuiser inutilement.”
Trouver les équations physiques adaptées à chaque cheval est assez difficile, mais comme Georgina March, qui a été classée numéro deux mondiale d'équitation par la Fédération Équestre Internationale (FEI) fin 2019, l'explique ensuite, il faut également tenir compte de leur caractère.
“Ils ont tous leur personnalité, dit-elle en souriant. Ils peuvent être très nerveux, plus sensibles ou un peu fous, comme nous. Il faut maintenir leur esprit occupé.
Il y a plus de risques à les laisser tranquilles en les mettant au champ ou au box, car cela causerait davantage de dégâts. Ils doivent continuer de travailler pour rester forts mentalement."
Georgina March sait qu'elle a la chance de vivre et de travailler sur un site de près de 10 hectares dans la campagne du Northamptonshire en Angleterre. Si les effets de la pandémie de COVID-19 ont naturellement inquiété l'athlète et son équipe de palefreniers et de jeunes cavaliers, la vie quotidienne à la ferme n'a pas beaucoup changé.
“Nous n'avons pas de voisins, il n'y a personne à proximité. Il n'y a que notre équipe qui vit sur le site, a-t-elle expliqué. Nous avons de la chance d'être en bonne santé et de passer nos journées en extérieur avec les chevaux. Les chevaux sont un bon moyen de garder le moral en ce moment, car on est à l'air libre et on a toujours un objectif."
En tant que jeune cavalière, Georgina March a longtemps eu pour objectif de concourir aux Jeux Olympiques. Elle a été sélectionnée à juste titre pour Londres 2012 après avoir remporté les épreuves préolympiques et s'être hissée à la 12e place du classement mondial. Mais à quelques semaines de concourir devant ses supporters à domicile pour la plus prestigieuse des compétitions, son parcours s'arrête brutalement lorsqu'elle est déclarée forfait après la blessure de son cheval, DHI Topper W. Son autre monture étant également blessée, la jeune femme doit se résigner à quitter l'équipe britannique. Ces événements lui font perdre confiance en elle, ainsi que ses sponsors et même son financement de la loterie du sport.
Avec le report de Tokyo 2020 alors qu'elle était à nouveau au sommet de sa discipline, on pourrait penser que son rêve olympique est maudit. Mais la jeune femme de 39 ans est bien trop intelligente pour tomber dans ce piège.
“On traverse beaucoup d'épreuves quand le sort s'acharne, alors quand on a dépassé tout ça, on en sort plus fort et on voit les choses sous un autre jour, a-t-elle déclaré. Avec les chevaux, je me rends compte que ce qui doit arriver arrivera. Tout ce qu'on peut faire, c'est l'accepter, faire de son mieux et tout donner."
“J'y arriverai... ou pas.”
Cet admirable pragmatisme cède parfois la place à des périodes d'agacement, ce qui n'est guère surprenant de la part d'une cavalière ayant décroché 15 victoires internationales la saison dernière.
“C'est très galvanisant pour un cavalier d'avoir des chevaux à ce niveau, à cet âge et à ce stade de sa carrière, parce que le succès du cavalier dépend en grande partie des capacités de ses chevaux, et ils ont tous les deux toutes les chances de se distinguer en compétition. C'est donc frustrant d'avoir des chevaux en bonne santé et au top de leur forme sans pouvoir concourir avec eux", a-t-elle déclaré à propos de Vanir Kamira et de Brookfield Inocent.
“Mais c'est comme ça. Quand la vie est dans la balance, le sport peut attendre."
Au lieu de se préparer pour le plus grand événement de sa carrière, Georgina March profite donc de son temps libre pour s'essayer à quelque chose de nouveau : faire une pause.
“C'était sympa de trier les affaires dans la maison, de commander une photo de mariage ou deux, ce que je ne pensais pas faire avant 20 ans", raconte-t-elle en riant. “Et vous savez quoi ?" a-t-elle ajouté. “J'ai passé une excellente année l'année dernière et c'était incroyable ; mais je passais d'une chose à l'autre, sans jamais me poser par manque de temps. J'ai donc apprécié de pouvoir déballer quelques cartons, de regarder des résultats, des photos ou des lettres et de reprendre contact avec des gens que j'avais perdus de vue depuis longtemps."
Le temps qu'elle a passé avec son fils de trois ans et son mari, deux facteurs déterminants de son retour au sommet de l'équitation, a aussi été un vrai plus pour elle. Mais cela ne signifie pas pour autant que Georgina March, connue pour son travail acharné, prenne les choses à la légère... Elle consacre la plupart de ses journées à ses 26 chevaux et aux sept autres membres de son équipe. Ensemble, ils se préparent pour être dans la meilleure condition physique possible lorsque la compétition reprendra. Après tout, il y a une médaille olympique en jeu.