Kévin Aymoz : « Je veux performer aux Jeux Olympiques »
Une belle progression ces deux dernières années, mais des blessures qui viennent freiner son évolution... Kévin Aymoz est bien présent aux Jeux Olympiques de Beijing 2022 et entre en lice mardi 8 février, plein d'espoir. Le patineur français s'était confié à Olympics.com.
« Les Jeux Olympiques, c'est un rêve d'enfant que je veux accomplir. Je veux y performer. »
Troisième des Internationaux de France 2019, deuxième du Trophée NHK 2019, troisième de la Finale du Grand Prix ISU 2019, neuvième des Championnats du monde 2021 et septième des Championnats d'Europe 2022 : depuis un peu plus de deux ans, Kévin Aymoz s'est invité à la table des meilleurs patineurs de la planète même s'il vient de vivre un début de saison olympique compliqué, marqué par les blessures.
À 24 ans, le natif de Grenoble aimerait toutefois faire bonne figure à l'occasion de ses premiers Jeux Olympiques, à Beijing 2022.
Grâce à sa créativité et aux nouveautés de son programme libre, Kévin Aymoz peut espérer relever ce nouveau défi malgré une pubalgie qui a perturbé son été et une blessure au pied droit qui l'a notamment contraint à abandonner le Grand Prix de Skate America 2021. Il s'est toutefois affirmé comme le numéro 1 du patinage artistique masculin tricolore et aura une nouvelle occasion de le prouver à Pékin.
En octobre 2021, Kévin Aymoz s'était entretenu avec Olympics.com pour discuter de son déclic, de ses ambitions olympiques et de son coming-out, entre autres sujets. Retrouvez cette interview ci-dessous avant l'épreuve hommes de patinage artistique aux Jeux de Beijing 2022, le 8 février.
Le programme complet du patinage artistique à Beijing 2022 est ici.
Olympic Channel : En étant blessé cet été, à l'entame de la saison olympique, dans quel état d'esprit étiez-vous lors de votre préparation ?
KA : J'essayais de ne pas le montrer, j'essayais d'être le plus souriant possible et d'avoir le moins peur possible mais c'était la panique à bord. On sait que c'est une saison très importante et qu'il faut être prêt assez tôt pour pouvoir s'entraîner au maximum et performer.
C'était un été pas facile mais on remet en perspective pas mal de choses pour s'améliorer à l'entraînement. C'est sûr que j'aurais préféré avoir deux nouveaux programmes pour le début de la saison et arriver avec de la nouveauté car c'est une de mes qualités. Cette année, avec le peu d'entraînements, c'était difficile de créer deux nouveaux programmes en si peu de temps alors avec mon staff, on a décidé de reprendre un ancien programme court qui avait bien marché et que j'aime beaucoup. On a gardé la nouveauté pour le programme libre.
« J'ai reçu une vague d'amour »
OC : Cet été, vous avez aussi fait l'actualité avec votre coming-out dans le documentaire Faut qu'on parle. Quelle a été la démarche de cette prise de parole publique ?
KA : Quand les réalisateurs m'ont contacté, ils m'ont demandé si je voulais faire partie d'un projet pour libérer la parole sur l'homosexualité dans le sport. Ça m'a paru normal de dire oui. Mais je me suis laissé 24-48 heures de réflexion. Puis je suis revenu vers eux, j'ai dit oui, je suis d'accord. Ils m'ont suivi pendant plusieurs mois en compétition, à l'entraînement. Un jour à l'entraînement, on a fait une très longue interview. On a discuté pendant trois quatre heures, ils ont posé beaucoup de questions. À la fin j'étais lessivé. J'avais vidé mon sac. Comme j'ai dit aux réalisateurs, quand j'ai fait mon coming-out il y a quelques années, j'avais mis un pansement sur une blessure. Ce documentaire, en parler publiquement et me libérer m'a donné la possibilité de retirer ce pansement pour laisser respirer la blessure, et il y avait pas de blessure. C'était fini. Ça m'a fait du bien. Et si ça a pu aider les autres, ça m'aide aussi à me sentir mieux.
OC : Quels retours avez-vous reçu ?
KA : Je me sens extrêmement bien. Les deux réalisateurs ont fait un travail extraordinaire. Ils ont apporté ce documentaire avec de la finesse, de la douceur, du respect, du non-voyeurisme. C'était très important pour en faire un documentaire utile. J'ai eu 100% de retours positifs, une vague d'amour m'est tombée dessus. J'ai eu beaucoup de messages, j'ai eu des remerciement, des témoignages. Ça m'a fait chaud au cœur. Après ce documentaire, plein de petites choses ont pu se mettre en place. C'était vraiment chouette. Au début j'avais très peur, je parlais de moi sur l'écran. À une semaine de la diffusion j'ai un peu paniqué, je me demandais ce qui allait se passer. Mais quand il a été diffusé, je suis resté scotché devant ma télé car le rendu était très beau. Je n'ai fait que pleurer.
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Des objectifs olympiques
OC : Quels sont vos objectifs ?
KA : Les Jeux Olympiques, c'est un rêve d'enfant que je veux accomplir. Je veux y performer. Le but est de se rapprocher le plus possible du podium. Si je peux monter dessus, ça serait magnifique. Ensuite, les Championnats du monde sont à la maison, en France [à Montpellier, du 21 au 27 mars 2022], donc c'est que du bonheur, il faudra lâcher les chevaux et tout donner.
OC : Quelle est la recette pour monter sur le podium des Jeux Olympiques ?
KA : Le patinage artistique est un sport très complet avec un équilibre à bien respecter entre l'artistique et la technique. Il ne faut pas forcément sortir le programme de sa vie mais le programme propre. Qu'il y ait un ou cinq quad, le but est de présenter quelque chose de solide qui tienne la route, qui plaise aux juges et au public avec des lignes de corps les plus propres possibles, une chorégraphie qui dépote au maximum et une technique sûre et qui tienne.
OC : Le couple star Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron participera également aux Jeux Olympiques. Selon vous, qu’ont-ils apporté au patinage artistique français ?
KA : Il n'y a pas qu'au patinage artistique français qu'ils ont apporté quelque chose. Ils ont apporté quelque chose dans le monde entier. Il y a un avant et un après. Ils ont leur personnalité, leur manière de patiner, ils sont extraordinaires. Pour moi, ce sont les meilleurs patineurs au monde.
Qui ne rêve pas de patiner comme eux ? Si je pouvais avoir leur patinage, je serais super heureux. Ils le méritent. Ça fait des années qu'ils bossent tellement dur. Ils sont devant tout le monde, ils apportent toujours de la nouveauté. Je n'ai pas beaucoup de modèles ou de personnes que j'admire, mais eux, ils en font partie. Je les admire beaucoup. Ils sont simples, gentils, ce sont de grands sportifs de haut niveau. Ils méritent et doivent aller chercher cette médaille d'or aux Jeux Olympiques. Elle est là pour eux.
« J'étais à moins d'un point du double champion olympique en titre »
OC : Pour obtenir le quota olympique, vous aviez été contraint de faire vos programmes vous-même. Comment avez-vous procédé ?
KA : La saison dernière était très compliquée. J'étais séparé de mon staff américain, c'était dur, je ne pouvais pas aller les voir pour faire mes programmes. En France, je n'avais personne sur qui compter à la création. Je me suis retrouvé au pied du mur à quatre mois des premières compétitions. Il y avait urgence, j'ai choisi mes musiques, j'ai fait mes programmes tout seul. Le programme court que j'ai aimé a super bien marché. Le programme libre un peu moins. Vu que c'était une saison importante avec la qualification olympique qui arrivait, c'était important d'arriver aux Championnats du monde avec un programme prêt et qui marche. Il n'y avait pas beaucoup de compétition, alors c'était difficile de le rôder et de l'entraîner en ayant des retours. J'avais pris la décision de reprendre le programme de l'année précédente car je le connaissais par cœur et que j'avais eu des retours. Je savais le nombre de points que je pouvais espérer. J'ai gardé le nouveau programme court parce que sur la seule compétition, tout le monde avait kiffé. Mais pour le programme libre les retours étaient durs. Il faut le digérer, le voir plusieurs fois pour le comprendre. Il n'y avait pas le temps alors il a fallu être stratégique pour assurer le quota.
OC : Ce top 10 mondial est venu confirmer vos performances de la saison 2019-2020. Vous avez franchi un cap cette année-là ?
KA : Je ne m'en suis pas rendu compte tout de suite. Pour la saison 2019-2020, je ne visais pas du tout les finales. Ça m'a atterri dessus parce qu'on ne sait jamais ce qui peut arriver. Au premier Grand Prix de l'année, à Grenoble, j'avais terminé le programme court en pensant n'avoir pas mis un pied devant l'autre. Finalement, j'ai terminé troisième.
À la fin de la saison, je participais au Trophée NHK au Japon, c'était le dernier GP de l'année, et j'ai décroché la qualification pour les finales. Je n'en revenais pas et j'y suis allé sans pression. J'y suis allé tellement serein que j'ai presque tout fait à la perfection, et j'étais à moins d'un point du double champion olympique en titre Hanyu Yuzuru sur le programme court. Je n'étais pas stressé et j'ai fait une super compétition. J'étais sur mon petit nuage.
Malheureusement, les Championnats d'Europe [2020] sont venus percer ma bulle de confiance. Contrairement aux Grands Prix, j'étais attendu et je ne savais plus qui j'étais, j'ai découvert un stress totalement nouveau. Je me suis raté. Par la suite, je me suis entouré d'un psychologue, et d'un préparateur mental, pour apprendre à me connaître pour gérer tout ce stress et toutes ces émotions. Aujourd'hui, on a pu gérer le stress et c'est pour ça que j'ai su gérer la quête du quota, assurer et y aller sans douter.