Kaori Ichō pour une historique passe de cinq à Tokyo 2020
La lutteuse japonaise Kaori Ichō est la seule femme à avoir gagné quatre médailles d'or olympiques individuelles consécutives dans la même discipline. Superstar au Japon, elle est invaincue aux Jeux depuis l'arrivée de la lutte libre féminine au programme à Athènes en 2004, et entend bien poursuivre la série, mettant tout en place pour s'attaquer au défi numéro cinq : la victoire à domicile aux Jeux de Tokyo !
"Je serais la seule personne en vie à avoir jamais relevé le défi de devenir cinq fois de suite championne olympique en lutte féminine. Je veux me souvenir de la joie de gagner une médaille olympique", confie Kaori Ichō en juillet 2019, quinze ans après avoir inauguré le palmarès de la discipline à Athènes en 2004, et qui n'a jamais depuis lors perdu un combat aux Jeux. "Quoi qu'il arrive aux Jeux, je veux juste tout donner jusqu'au bout du bout."
Un tournant après le doublé à Beijing en 2008
En prenant le dessus sur l'Américaine Sara McMann 3-2 en finale des - 63 kg le 23 août 2004 à Athènes, elle fait partie du quatuor des premières championnes olympiques de la lutte libre féminine : l'Ukrainienne Iryna Merleni en - 48 kg (victorieuse sur sa sœur Chiharu Ichō), sa compatriote Saori Yoshida en - 55 kg, et la Chinoise Wang Xu en - 72 kg. Elle conserve son titre à Beijing en 2008 où elle affronte la championne d’Europe russe en titre, Alena Kartashova, et l’expédie au tapis dans la 2e période, là où Chiharu Ichō perd une deuxième fois consécutive en finale des 48 kg et prend sa retraite sportive. Kaori Ichō songe aussi à la retraite après ce deuxième titre. Puis elle retrouve un surcroît de motivation en se tournant vers la lutte masculine.
"Je pense que cela a été un tournant majeur pour moi. J'avais envisagé de me retirer après les Jeux de Beijing, Chiharu l'avait fait et j'avais du mal à voir l'intérêt d'aller disputer les Jeux toute seule. Je sentais que même si je remportais une autre médaille d’or, cela n’aurait pas tant d’importance pour moi. C’est à cette époque que je suis entrée en contact avec la lutte masculine et je me suis vite rendu compte que je ne connaissais pas vraiment les choses les plus basiques à propos de la lutte. Le fait de ne pas comprendre l’essence de la lutte m'avait tellement déconcertée que j’étais vraiment embarrassée d’avoir remporté deux médailles d’or olympiques. J'ai décidé de recommencer à apprendre la lutte à partir d'un tableau vierge, et je me souviens d'avoir pensé à quel point c'était amusant, comme redevenir une jeune fille. Je ne me souciais pas des Jeux Olympiques, de gagner ou de perdre, je voulais juste étudier la quintessence de la lutte", raconte-t-elle.
je ne savais pas jusqu’à quel point je pouvais aller, mais la pensée lancinante répétitive de vouloir lutter à nouveau m'a poussé à faire mon retour. Quand je me suis demandé si je voulais vraiment y aller, la réponse a été catégorique : Oui ! Kaori Icho Jap - Kaori Icho Jap
Ce nouveau départ l'emmène à s'adjuger ses sixième et septième titres mondiaux en 63 kg, à Moscou en 2010 et à Istanbul en 2011, puis à être sacrée pour la troisième fois aux Jeux, à Londres le 8 août 2012 face à la Chinoise Rui Xue. Toujours aussi puissante et explosive, elle lui fait subir la même chose qu’à toutes ses autres adversaires dans ce tournoi 2012, la dominant grâce à son inégalable technique, chacun de ses mouvements précis, parfaits, s’enchaînant l’un après l’autre avec fluidité. 5-0 ! "Ces trois Jeux sont passés si vite ! Les quatrièmes vont arriver à la même vitesse. Mais pour le moment, je n’en ai aucune idée", indique-t-elle à chaud.
Passant dans la catégorie 58 kg après les Jeux disputés dans la capitale du Royaume-Uni, Kaori Ichō parvient à un total de dix titres mondiaux en s'imposant à Budapest en 2013, à Tachkent en 2014 et à Las Vegas en 2015 avant d'entrer en territoire inconnu pour les femmes aux Jeux avec un quatrième titre individuel d'affilée dans la même discipline remportée à Rio le 15 août 2016, où elle bat la Russe Valeria Koblova 3-1, en déclenchant un mouvement gagnant en fin de rencontre.
"L’idée de remporter ma quatrième victoire consécutive ne m’a pas mis la moindre pression, mais je pense que c’étaient les premiers Jeux où j’ai ressenti de la peur. Ma maman n’était pas là, et il y avait beaucoup d’autres choses dans ma tête, mais je pense que j’ai gagné ce titre à grâce à mon désir", explique-t-elle en montant sur la plus haute marche du podium comme l'ont fait avant elle pour la quatrième fois Al Oerter au lancer du disque en 1968 à Mexico, Carl Lewis en saut en longueur en 1996 à Atlanta et Michael Phelps sur 200 m quatre nages à Rio.
Pause de deux ans avant le retour aux affaires
Après cet exploit, la lutteuse aux 189 victoires consécutives, invaincue aux Jeux, fait une pause de deux ans avant de reprendre la compétition en 2018 pour viser la passe de cinq à Tokyo. En attendant, quand on lui demande en juillet 2019 de citer ses trois meilleurs moments olympiques, elle répond : "J'ai tellement de souvenirs de chacun de mes Jeux, et en choisir trois est vraiment difficile. Je me souviens qu'à Athènes et à Beijing, ma sœur ainée Chiharu et moi étions toutes deux en quête de la médaille d'or. Après sa retraite, je me suis intéressée de près à la lutte masculine et suis arrivée à temps à Londres avec une nouvelle manière de lutter et j'ai continué dans ce style aux Jeux de Rio. Je voulais apprendre les aspects profonds, les difficultés et les joies de la lutte, en étant déterminée à suivre ce chemin pour devenir encore plus forte."
Kaori Ichō aura fêté ses 36 ans (elle est née le 13 juin 1984 à Hachinohe, au nord de l'île principale de Honshū) au moment de lancer son défi numéro cinq à domicile. Elle explique qu'au moment de reprendre la compétition à moins de deux ans de l'objectif, "je ne savais pas jusqu’à quel point je pouvais aller, mais la pensée répétitive de vouloir lutter à nouveau m'a poussé à faire mon retour. Quand je me suis demandé si je voulais vraiment y aller, la réponse a été catégorique : Oui ! Je savais que je le voulais et j’y suis allée. Je me suis préparée mentalement et j'ai décidé de donner tout ce que j'avais jusqu'à la fin, peu importe la difficulté de la tâche et les résultats."
Elle ajoute : "La principale raison de mon retour au sport, c'est de gagner ma cinquième médaille d'or consécutive, et maintenant, je m'entraîne d'arrache-pied, et je participe à des tournois pour que ce rêve devienne réalité. Répéter les entraînements, disputer des combats et accumuler de l'expérience apporte de grands bénéfices à la fin. Je crois que ne jamais gâcher le moindre jour, et absorber chaque petit détail va m'aider à décrocher ce cinquième titre à Tokyo 2020. Je n'ai pas l'expérience d'avoir disputé beaucoup de tournois majeurs dans mon pays, et je ne suis pas sûre de la façon dont ça va marcher. En fait, je trouve difficile d'imaginer comment je me sentirai quand je monterai sur le tapis pour la première fois à Tokyo. Ça va être vraiment spécial !"
Retrouver l'instinct de la compétition
Pour sa reprise en compétition lors des Championnats du Japon en décembre 2018, elle s'est imposée dans la nouvelle catégorie olympique féminine des - 57 kg. En avril 2019, elle a terminé troisième des Championnats d'Asie remportés dans sa catégorie par la Chinoise Rong Ningning.
"Je veux retrouver mon instinct compétitif", précise-t-elle à un an des Jeux de Tokyo, "et aussi travailler pour évoluer plus loin. C'est un aspect sur lequel je veux me concentrer plus particulièrement. Si je peux retrouver mes instincts et continuer à les développer, je serais alors capable de gagner l'or olympique. Pour le moment, je suis un peu inconsistante, mais quand je vais être capable de mettre les choses en place, je suis confiante sur le fait de pouvoir montrer mes vraies capacités. L'entraînement intensif est la seule façon de remédier à cette inconsistance."
Kaori Ichō est déjà la plus grande lutteuse de tous les temps, et une véritable icône sportive dans son pays. Début août 2020, elle sera soutenue par tout un peuple. Entrer un peu plus dans la légende du sport avec le titre n°5 ? "Je ne sais pas ce que cela représente tant que je ne l'ai pas réussi. C'est mon but, donc je pense que le fait que je le poursuive a pour moi beaucoup de sens. Je pense que les Jeux de Tokyo représenteront mon ultime effort, et je veux les disputer avec cet état d'esprit."