Championnats du monde de judo 2023 : Blandine Pont, la sensation du début d'année
Tout sourit à Blandine Pont. À 24 ans, la Française reste sur trois victoires en Grand Slam avant les Championnats du monde de judo organisés à Doha du 7 au 14 mai 2023. Elle s’est confiée à Olympics.com sur son explosion soudaine, mais pas si surprenante.
Sur le fil ! In extremis, Blandine Pont a été la neuvième et ultime judokate retenue dans la délégation française pour les Championnats du monde 2023 à Doha au Qatar. Une sélection plus que méritée pour la combattante de 24 ans qui connaît un début de saison extraordinaire avec trois médailles d’or en autant de Grand Slam disputés.
« Ce sont des Championnats du monde, il y a de l’enjeu certes, mais en même temps, c'est magnifique. Je suis trop contente », confie-t-elle avec un large sourire.
Nouvelle coqueluche du judo français, Blandine Pont se distingue par sa jovialité ainsi que par sa personnalité éveillée sur son monde et ses passions hors tatami. Jamais avare de sujets de conversation, elle est revenue avec Olympics.com sur son nouveau statut et l’ambition qui en découle, avec l’objectif des Jeux Olympiques de Paris 2024 en ligne de mire.
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Blandine Pont, une explosion soudaine mais programmée
D’un pas vif et sinusoïdal, Blandine Pont fait son entrée à l’Institut national du Judo à Paris, ultime étape avant le grand départ pour les Championnats du monde de judo à Doha (Qatar). Elle détonne par sa tenue urbaine chic au milieu de tous ses judogis au blanc immaculé. Blandine Pont s’empresse de se changer au niveau −1, dans le dojo plongé dans l’obscurité. Puis, elle rejoint ses coéquipiers pour une séance photo d’avant Mondiaux. En retard ? Non. Comme son arrivée au plus haut niveau mondial, tout était programmé.
« Le judo, c'est un sport où tu travailles, tu travailles, travailles. Avant que ton corps, ton esprit et tout s'alignent, ça met du temps. C'est pour ça que c'est un sport à maturité tardive aussi », affirme-t-elle dès le début de notre entretien, comme pour nous avertir qu’il n’y a pas eu de moment déclic.
Pourtant, depuis l’arrivée de 2023 dans nos calendriers, Blandine Pont ne fait que gagner. Elle a remporté les trois premiers Grand Slams de la saison (les tournois majeurs du circuit international) dans la catégorie des -48 kg. En l’espace de deux mois, elle a enchaîné 15 combats sans connaître la défaite et surtout trois titres de prestige à Paris le 4 février, à Tel-Aviv le 16 février et à Antalya le 31 mars. Comment expliquer une réussite aussi rapide que constante ?
« Le travail de fond commence à payer. J'ai mis du temps, mais j'ai beaucoup travaillé, je n'ai pas lâché. J'ai compris l'exigence qu’il fallait avoir pour garder un très haut niveau, le maintenir et pouvoir réitérer les performances pour espérer peut-être aller accrocher les Jeux Olympiques ou les grands championnats. J'ai fait des choix dans ma vie personnelle, dans ma vie professionnelle, dans ma vie étudiante et c'est le tout ensemble qui a fait que ça commence à fonctionner. […] On ne laisse pas rentrer n'importe qui dans sa vie, on fait attention à ce qu’on fait, à ce qu'on mange, comment on dort. Tout à son importance », explique l’athlète originaire de Castelnau-le-Lez dans l’Hérault.
Dépeinte rapidement comme « l’étudiante-judokate », Blandine Pont conjugue études de haut niveau en chirurgie dentaire et sport de très haut niveau. « C'est une organisation un peu militaire. Il faut que je m'entraîne. Il faut que je puisse aller en clinique. Il faut que je puisse réviser mes cours. »
Elle agit par passion, guidée par sa personnalité enthousiaste et laisse la place à autre chose que le sport dans sa vie. Un rapide tour sur ses réseaux sociaux permet de joindre l’image avec ses mots d’une efficacité implacable. « Je suis quelqu'un de très curieuse. Dès que je découvre un nouveau domaine, ça m'intéresse. Je me dis que c'est dommage dans la vie de rester sur une seule chose, que l'on a plein de choses qui nous entourent et peuvent nous apporter, nous stimuler, nous faire rencontrer des gens aussi. Donc, j'essaie de ne pas me focaliser sur une seule chose. »
À 24 ans, la judokate a déjà préparé son après-carrière. Celle qui s'était imaginée boulangère dans ses jeunes années, aura une nouvelle carrière dans le monde de la santé à sa sortie des tatamis. Démotivant pour certains athlètes qui ne voient plus l’intérêt dans la performance, avoir anticipé la suite a été un moyen de se libérer.
« Ça m'aide à relativiser (ses résultats) parce que je me dis : OK, même si tu n'y arrives pas, tu auras un après, tu auras une carrière, tu feras des choses qui te plaisent. Mais d'un autre côté, je me dis aussi : tu es libérée, tu peux te mettre à fond. »
Avoir de tels résultats dans la catégorie des -48 kg auraient dû placer Blandine Pont comme favorite pour représenter la France aux Jeux Olympiques de Paris 2024, mais l'équipe de France de judo a un autre talent : la double championne d’Europe et numéro 1 mondiale de cette catégorie, Shirine Boukli.
La concurrence est… française
Et à la fin, il n’en restera qu’une.
Shirine Boukli est la numéro 1 mondiale des -48 kg, Blandine Pont se trouve juste derrière en troisième position. Une seule de ses judokates représentera la France lors des Jeux Olympiques de Paris 2024. Cruel ?
« Notre sport est tellement ingrat pour ça. Là, on est numéro une et numéro trois mondiale, ça veut dire qu'on a toutes les deux les capacités d'être dans les meilleures, mais il n’y a qu'une seule place. C’est ce qui fait la beauté de notre sport, mais aussi la difficulté pour atteindre les hauts objectifs. »
Entre Shirine Boukli et Blandine Pont, il n'y a aucune animosité, mais pas de proximité particulière non plus. La concurrence est aussi importante que saine entre elles.
« On se connaît, mais on n'est pas amies. Shirine est très performante et moi, je ne me focalise pas trop sur elle. J’essaie plus de faire mon chemin, d'être concentrée sur moi, c'est difficile quand l'autre est performante... Mais mon chemin ne dépend pas du sien. Donc focus sur moi. Je n'ai pas envie de l'attraper elle, j'ai envie d'attraper mes objectifs. »
Interrogée par Olympics.com un peu plus tôt dans l'année, Shirine Boukli confirme les bienfaits de cette nouvelle concurrence dans sa catégorie.
« La concurrence, c'est toujours bien parce que ça permet d'avancer. Ça nous permet aussi de progresser mutuellement toutes ensemble. On se tire la bourre et on doit être parfaite le jour de la compétition. […] Je ne regarde que moi et je veux aussi progresser que moi. Je ne fais pas attention à ce que font les autres. »
Lors de ces Championnats du monde, Shirine Boukli et Blandine Pont sont toutes les deux titulaires. Ainsi, une confrontation en finale entre les deux Françaises est possible, avec à la clé un possible ascendant pour la qualification olympique. Un duel entre l’explosive Shirine Boukli et la créative Blandine Pont aurait forcément son lot d’émotions.
« Il y a un duel, forcément. On est toutes les deux en concurrence. On fait partie de la même compétition, on va peut-être même se rencontrer (aux Championnats du monde) », confirme Blandine Pont.
À l’orée de son premier rendez-vous planétaire, Blandine Pont semble pourtant imperméable à toute pression. Un détachement apparent, cachant subrepticement une affamée de compétition qui ne vise rien d’autre qu’une participation aux Jeux Olympiques de Paris 2024.
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Des grands Mondiaux pour pouvoir rêver des JO ?
À l’évocation des Championnats du monde de Judo, Blandine Pont ne trahit aucune peur, aucun stress, juste une impatience contagieuse. Loin d’être pusillanime, la Française de 24 ans aborde le plus grand rendez-vous de sa carrière avec simplicité et satisfaction.
« J'espère que la journée sera longue, que je ferai beaucoup de matchs, que je me serai régalée, que je n'aurai pas de regrets à la fin. Ce sont les Championnats du monde. C'est beau, tu as envie de les vivre à fond, tu as envie de sortir la tête haute, tu as envie de t'exprimer encore plus que sur un Grand Slam. »
Pourtant, une grande performance aux Mondiaux rendrait la possibilité d’une participation olympique plus réelle que jamais. Face à cette éventualité, elle relate ses bons souvenirs des Jeux Olympiques de Tokyo 2020 vécus comme partenaire de la médaillée d'argent des -52 kg Amandine Buchard.
« Quand on m'a demandé de faire partenaire, j'ai hésité, il y a un peu l'ego qui prend le dessus. Mais, je me suis dit, c'est fabuleux, tu vas pouvoir voir ce que c'est de l'intérieur les Jeux Olympiques. J'ai bien fait parce que ça a été une expérience incroyable. J'ai pu voir comment ça se passait et l'ambiance qui y règne. Donc si un jour, j'ai la chance de les faire, j'aurais cette première expérience et ça m'aidera à gérer mieux les choses. »
« Je me levais, je dormais très peu, je me levais tôt. On devait s’entraîner et puis je me couchais tard parce que j'avais envie de profiter, de m'imprégner de tout. C'était trop bien, j'ai vécu ma best life. »
Alors que certains athlètes refusent d’y penser par peur de se mettre la pression inutilement, les Jeux Olympiques de Paris 2024 sont utilisés comme un levier de motivation par Blandine Pont. Mais loin de représenter une obsession.
« Moi, j'aime bien savoir que les Jeux Olympiques sont là parce que ça me stimule, mais en même temps, j'aime bien les laisser loin parce que du coup, je me dis chaque chose en son temps. »
Une nouvelle fois, Blandine Pont sait parfaitement gérer son temps.
« À chaque jour suffit sa peine », conclue-t-elle, avant de s’éclipser, laissant l’Institut du judo vide de sa présence mais rempli de rêve olympique. Des rêves qui pourraient bientôt se réaliser.