Saut d'obstacles CSIO de Saint-Gall : Steve Guerdat, deux décennies au plus haut-niveau et 40 ans d’émerveillement pour les Jeux Olympiques
« Je vieillis, mais j’aime tellement ce que je fais que je me sens comme un gamin. À chaque concours, c’est comme si c’était la première fois. Il y a toujours la même envie et le même émerveillement. »
Si vous pensiez que Steve Guerdat en avait assez après deux décennies au plus haut niveau des sports équestres, vous vous trompiez. Sa passion pour les chevaux et la compétition est toujours la même qu’à son premier CSIO5*, il y a exactement 21 ans.
Grâce à cette longévité, le cavalier suisse est monté sur le podium des concours les plus prestigieux de la planète avec des médailles aux Jeux Olympiques, aux Jeux équestres mondiaux, aux Championnats d’Europe ou à la Finale de Coupe du monde.
Un tel palmarès lui vaut certaines comparaisons avec Roger Federer en Suisse. Lui, est plus à l’aise sur ses chevaux que dans ce petit jeu. Chaque sport ayant ses spécificités, c’est très difficile selon lui de mettre des athlètes de disciplines différentes sur un même plan.
Le quadragénaire reconnaît pourtant l’influence que d’autres sports ont pu avoir sur sa trajectoire. Et alors qu’il a fait du saut d’obstacles sa spécialité, c’est un joueur capable de sauter par-dessus ses adversaires qui l’a le plus marqué : Michael Jordan.
« Aujourd'hui encore, quand je pense à me battre, à me relever, à continuer de progresser, c'est notamment des images de Michael Jordan, qui m’a marqué, qui me traversent l’esprit », explique Steve Guerdat dans une interview exclusive avec Olympics.com à l’occasion du Printemps des Sports équestres de Fontainebleau où il a remporté le CSI5*****.
Cette inspiration prouve son rapport intense au sport. Les chevaux ont beau rythmer son quotidien depuis toujours, le natif de Bassecourt trouve le temps de s’intéresser aux autres sports. De quoi rendre encore un peu plus spéciale chacune de ses cinq participations aux Jeux Olympiques…
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Un olympien, des expériences olympiques
Le palmarès olympique de Steve Guerdat permet au grand public de mieux saisir le poids de son immense carrière. Il a participé à toutes les éditions des JO depuis Athènes 2004 avec une médaille de bronze par équipes à Beijing 2008 et trois top 10 individuel, dont une médaille d'or à Londres 2012. Le « meilleur souvenir » de sa carrière sportive.
Mais l’histoire olympique de Steve Guerdat ne dure pas que depuis 20 ans. Elle a commencé bien avant, dès son plus jeune âge. Quoi de plus normal pour le fils de Philippe Guerdat, membre de l’équipe suisse qui a terminé cinquième à Los Angeles 1984 et septième à Séoul 1988 ?
Ces concours ont marqué l’imaginaire de Steve Guerdat, pour toujours.
« Je me souviens des réveils au milieu de la nuit pour le suivre, c'est ça qui m'a vraiment marqué. Avec le retour au pays, quand des fêtes étaient organisées dans le village pour le féliciter. C'est ça mon premier contact avec les Jeux. Les JO m’éblouissent depuis que je suis tout petit, ça m’a toujours fait rêver et ça ne change pas », admet le cavalier de 41 ans dont les yeux pétillent comme un enfant à l’évocation des JO de Paris 2024 au Château de Versailles.
Malgré son âge et son expérience, ce rapport aux Jeux Olympiques est toujours le même.
Après une découverte avec l’impression de ne pas avoir assez profité, le cavalier a décidé de vivre chaque instant comme il se doit. Les moments « géniaux » et les souvenirs se sont multipliés au fil de ses participations grâce à son ouverture aux autres disciplines et aux autres athlètes.
« J'ai vu la finale du 100 mètres quand Usain Bolt a gagné à Londres 2012, une dizaine de courses de Michael Phelps, trois ou quatre matchs des États-Unis en basketball. À Londres 2012, j'ai vu la demi-finale de Roger Federer, mais on avait dû partir avant le dernier set parce que notre warm up allait commencer », liste-t-il.
Plus que les exploits sportifs, c’est le village olympique qui laisse une trace indélébile dans la mémoire de Steve Guerdat. Tous les quatre ans, cette atmosphere comme aucune autre le fait replonger en enfance.
« Le village olympique, c'est à chaque fois une espèce de Disneyland pour adulte. J’ai toujours adoré chaque minute passée là-bas. C’est une sorte de conte de fées et c'est vraiment ça qui est bien. »
Ce lieu qui n’existe pas avant et qui n’existe plus après touche l'inconscient du cavalier habitué aux premières places du classement mondial. Là-bas, tous les athlètes sont égaux et cela lui plaît.
« On a tous le même lit, on mange tous la même chose, c’est aussi pour ça que j’aime tellement le village olympique. »
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Une seconde jeunesse avec une nouvelle jument
Un tel rapport aux valeurs olympiques lui donne forcément envie d'être aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Et même avec son flegme suisse, difficile de cacher son excitation.
« Ça fait longtemps qu'on y pense, c'est l'apothéose de ces dernières années. On réfléchit toujours au meilleur plan, aux étapes à franchir pour arriver en forme. »
La planification idéale n'a pas été si facile à organiser pour lui dont l'Olympiade n'a pas été de tout repos.
Ses résultats n’ont pas toujours été aussi bons que les années précédentes, surtout entre 2020 et 2022. Steve Guerdat reconnaît que ça n’a pas toujours été facile, mais il possède l’expérience suffisante pour ne pas s’attarder sur les déceptions.
Pour les relativiser aussi.
« Ce n’était pas une traversée du désert non plus », explique-t-il avec la philosophie d’un sage.
Certaines contre-performances étaient uniquement perçues ainsi parce qu’elles concernent un des cavaliers les plus dominants de ces dernières années. Le quadragénaire ne s’est pas affolé, sachant où il en était dans la reconstruction d’un piquet de chevaux pour être compétitif dans le futur.
Et le temps lui a donné raison.
En 2023, il s’est notamment imposé aux Championnats d’Europe pour s’offrir un des rares titres individuels qui lui manquait. Ce succès avait des airs de soulagement, 20 ans après être passé proche de la victoire pour ses débuts.
« J'avais toujours eu peur d'avoir un peu laissé passer ma chance. Je me demandais si un jour, j’allais être de nouveau dans la situation où tout se goupille bien pour être capable de gagner une médaille d’or dans ce championnat », avoue-t-il.
Une telle performance a été rendue possible par Dynamix de Belheme, une jument qu’il monte depuis plusieurs années.
Ses qualités naturelles, sublimées par le Suisse et son staff depuis toujours, la rendent « géniale ».
Pour lui, elle est même plus exceptionnelle que Nino des Buissonnets, le cheval de son sacre olympique qui était « toujours à la limite entre le génie et la folie ». Plus que des victoires, elle lui donne de la fierté et du bonheur quand il la monte en concours.
Dans ces conditions, comment ne pas vouloir faire durer le plaisir ?