L’incroyable parcours d’Azeddine Habz qui est allé plus loin que ses rêves les plus fous

À 18 ans, Azeddine Habz a quitté son Maroc natal pour rejoindre sa mère en France et y poursuivre ses études. Plus d’une décennie plus tard, c’est en athlétisme qu’il s’est révélé avec une participation aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020 et plusieurs médailles internationales.

7 minPar Nicolas Kohlhuber
Azeddine Habz of France celebrates after winning the Men's 1500m Round 1 Heat 1 ahead of George Mills of Great Britain and Jakob Ingebrigtsen of Norway during Day 0 of the European Athletics Indoor Championships
(2023 Getty Images)

Seulement deux Français sont passés sous les 3 min 30 s sur 1 500 m et Azeddine Habz en fait partie.

Il a franchi cette barrière symbolique le 15 juin dernier lors de la Diamond League d’Oslo avec un chrono de 3 min 29 s 26. Cette performance est à l’image de sa demi-finale aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020, de son titre aux Jeux Méditerranéens 2022 et de sa médaille de bronze aux Championnats d’Europe en salle 2023 : inespérée il y a encore quelques années.

À 18 ans, le natif du Maroc a pris la direction de la France pour rejoindre sa mère et poursuivre ses études. Si le sport a rapidement fait partie de son quotidien, ses ambitions étaient à des années-lumière de la scène sur laquelle il brille désormais.

« J'avais envie de faire du haut niveau, mais pas au niveau international. Mon rêve, c'était d être champion de France, faire les Championnats de France élite, de cross ou sur route », explique-t-il à Olympics.com avant de disputer les Mondiaux d'athlétisme 2023 sur 1500 m (19-27 août à Budapest, en Hongrie).

Si le demi-fondeur n’osait pas rêver plus haut, c’est parce qu’il n’a jamais été le plus rapide ou le plus doué.

Pendant son enfance près de Beni Mellal, même intégrer l’équipe de son collège n'a pas été facile. Il a eu besoin de trois ans pour y arriver et découvrir le championnat régional. « C’était déjà une satisfaction incroyable », se rappelle celui qui s’est rapidement passionné pour la course à pied.

Il s’entraînait alors dans un petit club de Souk Sebt où il n’y avait même pas de piste. Un tour de 400 m avait été dessiné après avoir été mesuré, et cela lui suffisait.

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L'athlétisme a joué un rôle important dans l'adaptation à son nouveau pays

Plus qu’un sport, l’athlétisme était une échappatoire. Ses parents séparés, partir courir était pour lui le moyen d’éviter certaines corvées.

« Quand j'étais petit, je me levais à 7h du matin, je prenais un petit vélo et je partais avant que mon père ne se réveille. S’il se réveillait avant moi, il allait me dire d'aller travailler dans les champs. Pour moi, c'était une façon de ne pas y aller. J’avais envie de courir, c'était ma passion. Le soir, quand je rentrais, j'avais le droit de me faire engueuler pendant une heure. ‘Pourquoi tu es parti ? Est-ce que l'athlétisme va payer? Il faut travailler.’ », se rappelle Azeddine Habz, non sans émotions.

Bien des années plus tard, oui, il vit de son sport. Mais le chemin pour y arriver n’a pas été aussi régulier qu’un couloir d’athlétisme.

La poursuite des études initialement prévue en France s'est avérée trop compliquée. La barrière de la langue ne lui a pas permis d'aller au bout de son cursus en philosophie à l’Université de Saint-Denis, c’est donc en parallèle à des petits boulots alimentaires, notamment dans la restauration rapide, qu’il a pratiqué l’athlétisme.

Six à sept fois par semaine, Azeddine Habz s’entraînaît à Pierrefite. Comme plusieurs années auparavant, les bénéfices de son activité dépassaient largement le cadre du sport.

« Le sport était une façon de m'évader, de sortir de la routine de travail. Ça m'a permis de trouver des amis, d'apprendre la langue aussi, parce que c'est là où j'ai appris et je me suis mélangé avec les gens qui parlent le français. Ça m’a beaucoup aidé, j’ai pu apprendre, créer des relations. À mon arrivée, je ne connaissais personne à part ma mère, mon beau-père, mes frères et mes sœurs. J’avais laissé ma vie au Maroc. »

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Azeddine Habz a pris l'habitude de déjouer tous les pronostics

Avant d’être sportif, le challenge d’Azeddine Habz en France était surtout humain. Courir l'a aidé à s'adapter à son nouveau pays et à s'affirmer comme un des éléments les plus performants de son club. À l'époque, la piste n'était qu'un moyen pour lui de travailler la vitesse pour les cross et les courses sur route auxquelles il participait, comme tous ses coéquipiers. Ce n’est qu’en 2019 que le 1 500 m est devenu une option sérieuse, quand ses premiers chronos sous les 3 min 40 ont eu des airs de révélation.

Le sport a changé sa vie et lui a notamment permis de rencontrer Aurélie, sa compagne. Son expérience du haut-niveau avec des résultats nationaux pendant ses années juniors lui ont permis d'orienter Azeddine Habz vers des structures à la hauteur de son potentiel. Il a notamment intégré le groupe de demi-fond de l’INSEP. Ce nouveau cadre l'a fait entrer dans une nouvelle dimension, même si personne n’osait encore l’imaginer aller aussi vite.

« Quand je suis arrivé à l'INSEP, j'ai demandé à quel niveau je pouvais prétendre à l'entraîneur Philippe Dupont. Il me disait que je pouvais peut-être aller chercher 3 min 34 s, mais il n'a jamais pensé que je pouvais faire moins de 3 min 30 s. »

Il y est arrivé. Et toujours en travaillant en parallèle. Quand ses temps ont atteint 3 min 35 s sur 1 500 m, son emploi du temps affichait toujours 35 heures de travail par semaine.

Les nouvelles méthodes d’entraînement, la concurrence plus élevée et les qualités foncières importées de ses précédentes expériences l'ont guidé vers les sommets internationaux.

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Azeddine Habz tire une force supplémentaire de son parcours hors du commun

Naturalisé français en 2018, il a pu honorer ses premières sélections avec une grande émotion. Son premier grand rendez-vous international en plein air est arrivé à l’été 2021 avec les Jeux Olympiques de Tokyo 2020. Ce rêve, qui semblait inaccessible, s'est réalisé.

« Même dans mes rêves les plus fous, ni moi ni ma mère n'auraient jamais pensé qu'un jour, je serais aux Jeux Olympiques avec le maillot français », explique celui qui a vraiment découvert le plus haut niveau dans les entrailles du Stade olympique de Tokyo. À ce moment-là, il ne connaissait même pas le concept des chambres d'appel qui précèdent l'entrée sur la piste

Alors que l’adversité est toujours plus élevée, le demi-fondeur de 30 ans n'oublie pas d’où il vient et ce qu’il a eu besoin de traverser pour atteindre les sommets de son sport. Grandir sans sa mère partie dans un autre pays pour garantir son avenir et celui des siens reste la plus grande difficulté qu’il a eu besoin de traverser. Suivre la foulée de Jakob Ingebrigtsen, champion olympique en titre, dans une dernière ligne droite semble alors bien anecdotique.

« Je n'ai pas vécu une enfance comme tout le monde. Ça m'a vraiment forgé pour la suite. Je ne lâche jamais et c'est ce caractère qui m'a beaucoup aidé. Dans les 100 derniers mètres, quand c'est dur, je me dis que ce n'est rien, que j'ai déjà vécu pire. »

Ce parcours unique est une fierté pour lui, mais aussi pour ses proches, dont sa mère qui a pu le voir courir au niveau international pour la première fois cette année.

« On pourrait en faire un film tellement c'est incroyable, parce qu'on commence de rien et on arrive à un certain niveau. C'est ça la magie du sport. Il m'a permis vraiment d'y vivre des moments incroyables, de voyager, de rencontrer des gens, de pousser mes limites, de rendre fier beaucoup de gens de ma famille. »

Cette sensation, aucun chrono ne peut la procurer, même ceux dont personne n'ose rêver.

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