“Ces sensations m’ont manqué”, raconte Camille Prigent, championne aux JOJ 2014, à son retour sur l’eau au terme du confinement
Camille Prigent, médaillée d’or aux Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) répond aux questions d’olympic.org concernant les défis qu’elle a dû relever durant la pandémie de COVID-19, ainsi que la manière dont les expériences acquises lors des Jeux de Nanjing 2014 peuvent l’aider dans ses efforts visant la qualification pour Tokyo 2020.
Depuis sa médaille d’or remportée en slalom K1 aux JOJ d’été de Nanjing 2014, la kayakiste française Camille Prigent a été sacrée championne du monde des moins de 23 ans, ainsi que championne d’Europe et du monde en kayak par équipe.
Au vu du parcours déjà impressionnant et très prometteur de cette athlète de 22 ans, l’un des rares aspects manquant encore à son palmarès est une participation aux Jeux Olympiques. C’est ce qui a échappé à ses parents tout au long de leur propre carrière de kayakistes de slalom, puisqu’ils ont tous deux remporté des médailles aux championnats du monde à une époque où cette discipline ne figurait pas encore dans les épreuves inscrites au programme olympique.
Cette année, Camille Prigent espérait pouvoir faire entrer sa famille dans l’histoire des Jeux Olympiques, mais cette expérience est maintenant reportée à 2021, lorsque les Jeux Olympiques de Tokyo 2020 pourront finalement avoir lieu. Son frère aîné, Yves, tente également de s’assurer une place au sein de l’équipe française des kayakistes de slalom.
Dans quelle mesure tes entraînements ont-ils été affectés par la pandémie de COVID-19 ?
“Nous sommes maintenant autorisés à ressortir nos kayaks à Vaires-sur-Marne, près de Paris, et j’en suis évidemment très heureuse. Je n’ai plus fait de descentes en eaux-vives depuis deux mois, mais j’ai tout de même eu de la chance, car j’ai pu emprunter quelques appareils de musculation du centre d’entraînement situé près de mon domicile à Rennes. J’ai donc pu continuer à pratiquer certains exercices, en me concentrant sur l’entraînement de base. J’ai aussi beaucoup couru. J’avais également la grande chance d’avoir une rivière près de chez moi, dans le rayon du kilomètre de déplacement autorisé et dans lequel je pouvais m’entraîner. Dans un premier temps, je n’étais pas sûre d’avoir le droit de m’y rendre et je n’ai donc pas fait de sorties en kayak durant près de 20 jours, mais ensuite j’ai pu m’entraîner une fois par jour en eau plate. Ne pas pouvoir s’entraîner en eaux vives n’est évidemment pas la meilleure option, mais par rapport à d’autres athlètes, j’avais déjà beaucoup chance.”
Est-ce que cela t’a manqué de ne pas pouvoir faire de sorties en eaux- vives ?
“Oui, c’était dur. Je n’ai jamais fait de pause aussi longue depuis que j’ai commencé à faire du kayak, c’est-à-dire probablement depuis l’âge de 12 ans. Mais je me disais : “Nous, nous sommes des athlètes et notre situation n’est pas ce qu’il y a de plus important en ce moment. C’est de beaucoup de problèmes bien plus graves et de cette pandémie dont il faut s’occuper.” Par conséquent, je comprenais parfaitement qu’on ne puisse pas s’entraîner. Et maintenant, c’est vraiment formidable de pouvoir s’y remettre. Ces sensations m’ont manqué et j’ai essayé de regarder un grand nombre de vidéos, pour ne surtout pas oublier comment faire !”
Est-ce que ces circonstances t’ont donné la possibilité de travailler sur d’autres aspects de ton entraînement, des aspects sur lesquels tu n’aurais normalement pas eu le temps de te concentrer ?
“Oui. J’ai eu de nombreux appels vidéo avec mon entraîneur. Nous avons également regardé beaucoup de reflets filmés de mes courses et de celles des meilleures athlètes féminines de K1. Nous avons surtout discuté des aspects techniques que je peux améliorer, et nous avons aussi, dans une certaine mesure, travaillé sur le plan mental. Je crois que cela m’a beaucoup aidée. Je peux même sentir des progrès, alors qu’en réalité je n’ai pas pu ressortir le kayak depuis un certain temps. J’ai également eu le temps d’essayer de nouvelles choses. J’ai fait un peu de peinture et j’ai pu regarder des séries télévisées. Ce sont des choses que je n’ai jamais le temps de faire et ça m’a fait plaisir.”
Compte tenu du report des Jeux Olympiques de Tokyo 2020, penses-tu que le fait d’avoir une année de plus pour te préparer et faire des progrès peut t’être bénéfique ?
“Oui, je pense que cela va me donner davantage de temps pour progresser et être la meilleure dans ma catégorie en France, avant les sélections, tout en me donnant aussi la possibilité de me rapprocher des meilleures au niveau international. Je n’avais pas encore été sélectionnée, mais je crois que j’aurais pu intégrer l’équipe olympique si les épreuves de qualification avaient eu lieu comme prévu, même si je n’aurais peut-être pas été en mesure de remporter une médaille olympique. Cela aurait peut-être été encore trop difficile, parce qu’il y a de très bonnes athlètes féminines en K1, comme Jess [Fox] et Ricarda [Funk]. Je pense qu’elles sont encore nettement plus rapides que moi, mais peut-être que le fait d’avoir une année de plus à disposition pourra m’aider à m’améliorer et à me rapprocher d’elles.”
Que penses-tu des expériences que tu as faites lors des JOJ de Nanjing 2014 ?
“J’en ai vraiment d’excellents souvenirs, c’était une expérience extraordinaire. J’ai rencontré tellement de jeunes athlètes de mon âge, engagés dans des disciplines différentes et venus du monde entier. Je me suis fait beaucoup d’amis, ce qui était vraiment sympa, et j’ai aussi pu rencontrer des championnes, comme Lisa Carrington. Tout était réellement semblable aux Jeux Olympiques, avec la cérémonie d’ouverture et le village des athlètes. C’était tellement impressionnant, surtout parce que je n’avais que 15 ans. Après Nanjing, j’étais vraiment motivée pour vivre à nouveau cette expérience aux Jeux Olympiques.”
Et le fait d’avoir remporté la médaille d’or a dû rendre cette expérience encore plus mémorable ?
“Oui, c’était un bonus qui en a fait une expérience encore meilleure. Mais même sans ce résultat, j’ai vraiment profité de chaque instant de ces Jeux. Cette médaille a été l’un de mes premiers résultats réellement bons, alors je pense que je m’en souviendrai évidemment toujours. Et le moment passé sur le podium avec une amie, Amy Hilgertová, est un moment que j’ai aussi beaucoup aimé partager avec elle.”
Penses-tu que ton expérience acquise aux JOJ de Nanjing t’aidera à te préparer si tu te qualifies pour Tokyo 2020 ?
“Oui, bien sûr. Je pense que cela aide beaucoup, parce qu’on est prêt pour de grandes compétitions et on sait à quoi s’attendre, bien plus que si l’on n’a jamais participé à une compétition de ce genre. Évidemment, j’ai aussi vu toutes les éditions des Jeux Olympiques depuis que je suis née, parce que mes parents nous emmenaient toujours assister à des épreuves de slalom et à d’autres compétitions. Je pense que le fait d’avoir vu tout ça peut aussi représenter un certain avantage pour moi. Si je vais un jour aux Jeux Olympiques, je saurais déjà exactement à quoi m’attendre. C’est un gros avantage, je crois.”
Ton frère participe aussi à des compétitions internationales. Qu’est-ce que cela représenterait pour toi que vous participiez tous les deux aux Jeux Olympiques ?
“Son objectif est de participer aux Jeux de Tokyo 2020 ou de Paris 2024. Ce serait évidemment encore mieux d’y être tous les deux, comme frère et sœur, mais nous savons déjà que ce sera difficile. C’est vraiment super qu’il fasse lui aussi de la compétition. On peut toujours s’entraider et se donner mutuellement des conseils. C’est toujours fabuleux de vivre ces moments avec sa famille, parce que mes parents évoluent également dans le monde des compétitions de kayak. C’est forcément merveilleux de partager ça avec mon frère, surtout du fait que n’étant pas dans la même catégorie, nous ne sommes pas en concurrence. Je pense que ce serait différent si ma sœur participait aux courses. Je crois que ce serait difficile de concourir contre elle. Mais avec mon frère, c’est vraiment super. Mes parents n’ont jamais eu la chance de participer aux Jeux Olympiques et ils seraient donc probablement très heureux pour nous, si l’on parvenait à se qualifier tous les deux. Mais, en fait, je crois qu’ils sont surtout contents qu’on ait du plaisir à pratiquer le kayak. En définitive, le résultat leur importe peu.”