12 juillet 1912 : Fanny Durack devient la première championne olympique de natation
La première épreuve olympique féminine de natation est le 100 m nage libre disputé lors des Jeux Olympiques de Stockholm à partir du 8 juillet 1912. À 22 ans, véritable phénomène s'étant mieux que quiconque adaptée au "crawl australien", Fanny Durack qui concourt pour l'Australasie, survole les débats, avec un record du monde en séries et une large victoire en finale. Elle ouvre le palmarès de la natation olympique féminine, tout comme celui des sportives australiennes aux Jeux.
Elles sont deux véritables pionnières du sport féminin australien, deux rivales acharnées, qui parviennent en 1912 à faire le voyage jusqu'à Stockholm via Londres pour représenter l'équipe d'Australasie (Australie et Nouvelle-Zélande) en natation aux Jeux de la Ve Olympiade : Fanny Durack et Mina Wylie, originaires de Sydney et membres du New South Wales Ladie's Amateur Swimming. Pour la première fois, le Comité International Olympique a décidé deux ans auparavant d'inclure une épreuve féminine de natation au programme des Jeux, le 100 m nage libre. Une autre course sera ajoutée par la suite sous l'impulsion des Britanniques, le 400 m par équipes, c’est-à-dire le relais 4 x 100 m.
Fanny Durack et Mina Wylie ont dû surmonter de nombreux obstacles. Leur club est opposé à la participation des femmes aux Jeux, et leur interdit de concourir devant les hommes. Mais Fanny, née le 7 octobre 1889, tout comme Mina, de deux ans sa cadette, vont bénéficier d'une collecte de fonds populaire pour faire le voyage jusqu'en Suède. C'est surtout Fanny qui multiplie les exploits, et comme le note le quotidien de Sydney The Barrier Miner, "s’il y a un athlète d'Australasie qui devrait disputer cette grande compétition, c'est bien cette jeune nageuse de Sydney", soulignant ses records, ses 56 médailles, sa centaine de trophées. "Si ce formidable palmarès n'est pas un record dont l'Australie peut s'enorgueillir pour l'une de ses filles, alors il n’y a pas d'orgueil national".
Une supériorité écrasante des séries à la finale
Le bassin de course des Jeux de Stockholm est long de 100 m, large de 20 m et a été délimité dans les eaux du Djurgårdsbrunnsviken, le bras de mer situé au centre de la capitale suédoise, et plus précisément sur la rive de l'île de Djurgården. Le chronométrage semi-électrique au dixième de seconde est utilisé pour la première fois.
Vingt-sept nageuses représentant huit nations sont au départ du 100 m nage libre, dont les séries démarrent le lundi 8 juillet 1912. Mina Wylie est la première des deux Australiennes en action le lendemain : elle gagne sa course en 1:26.8. Dans la série suivante, Fanny Durack qui excelle dans la nage que l'on appelle "crawl australien" et qui se généralisera par la suite pour la nage libre, frappe un très grand coup. Le rapport officiel de ces Jeux note simplement : "Elle a gagné à la force de sa main." En fait, elle parcourt la distance en ligne droite 7 secondes plus vite que sa compatriote et établit un nouveau record du monde en 1:19.8.
Le duel à distance se poursuit en demi-finales sur le coup de midi le 11 juillet. Fanny Durack remporte sa course en 1:20.1. "Miss Durack, qui nage un crawl australien distinctif, a gagné comme elle l'a voulu. Le combat a été intense pour la deuxième place," lit-on dans le rapport officiel. L'autre demi-finale est remportée par Mina Wylie en 1:27.0, sévèrement défiée par la Britannique Jenny Fletcher (1:27.1).
La finale a lieu le 12 juillet. Fanny Durack mène du départ à l'arrivée, devenant pour l'histoire la première championne olympique de natation et la première médaillée d'or australienne aux Jeux. Elle l'emporte en 1:22.1, repoussant Mina Wylie à plus de trois secondes (1:25.4), alors que Jenny Fletcher et l'Allemande Grete Rosenberg se battent jusqu'au bout pour le bronze, Jenny Fletcher prenant l'avantage pour un dixième de seconde. Ainsi, le premier podium de la natation olympique féminine voit figurer deux Australiennes de l'équipe d'Australasie devant une Britannique. Le 15 juillet, la finale du relais 4 x 100 m est facilement remportée par la Grande-Bretagne (Bella Moore, Jenny Fletcher, Annie Spiers, Irene Steer) avec une large avance sur l'Allemagne, elle-même détachée par rapport à l'Autriche qui prend le bronze.
Des records sur toutes les distances
Le retour de Fanny Durack en Australie est triomphal, et elle va continuer à écrire sa légende dans les années suivantes. Très engagée contre toutes les formes de sexisme, elle bénéficie du soutien de Margaret McIntosh. L'épouse du riche entrepreneur Hugh McIntosh, qui avait lancé la collecte de fonds pour son voyage à Stockholm, organise une course où sont admis pour la première fois des spectateurs masculins en février 1913, et où bien sûr, Fanny Durack s'impose en battant le record du monde du 100 yards. Elle établit douze records du monde jusqu'en 1918, les détenant sur la totalité des distances reconnues par la Fédération Internationale de Natation, et en mars 1914, Fanny Durack nage sur la distance d'un mile (1 609 m) en eaux libres en 26 minutes 8 secondes, battant le record masculin de Nouvelle-Galles du Sud de 52 secondes.
Ces retentissants succès et la notoriété acquise avec Mina Wylie, entraînent les deux nageuses dans une tournée aux États-Unis en 1918-1919. Fanny Durack se prépare pour les Jeux d'Anvers en 1920, mais elle est victime d'une appendicite et doit subir une appendicectomie, ce qui entraîne son forfait. Elle met fin à sa carrière sportive en 1921, puis reste dans le milieu de la natation en s'occupant durant le reste de sa vie des jeunes nageurs de son quartier à Sydney. Elle décède des suites d'une longue maladie à l'âge de 66 ans le 20 mars 1956. Elle fait partie en tant que "nageuse d'honneur" des premiers champions inscrits au temple de la renommée de la natation à sa création en 1967, et son souvenir est notamment vivant au parc olympique de Sydney depuis les Jeux de 2000, où une avenue porte son nom.
Après que Fanny Durack a ouvert la voie, la natation féminine se développe rapidement aux Jeux : des épreuves de dos et de brasse sont au programme dès Paris en 1924, le papillon s'ajoute à Helsinki en 1952, le 800 m nage libre à Mexico en 1968, puis hommes et femmes arrivent à parité totale d'épreuves à partir des Jeux de Montréal en 1976. Des championnes légendaires écrivent leur nom en lettres d'or dans grand le livre olympique pour un sport qui va voir naître trois nouvelles épreuves à Tokyo en 2020 : les hommes vont disputer le 800 m nage libre comme les femmes, celles-ci vont courir pour la première fois sur la plus longue des distances en bassin, le 1 500 m et surtout, les Jeux dans la capitale japonaise seront le théâtre d'un spectaculaire relais mixte 4 x 100 m quatre nages. Que de chemin parcouru !