Recours à une optique de genre afin de garantir que les sports féminin et masculin ont la même visibilité

Avec un nombre égal de places de qualification pour les athlètes femmes et hommes, les Jeux Olympiques de Paris 2024 sont prêts à entrer dans l'histoire. Mais l'égalité des genres ne se résume pas à un nombre égal d'athlètes. Des efforts considérables ont été déployés pour veiller à ce que les épreuves sportives féminines et masculines soient réparties équitablement sur les 16 jours de compétition. Un calendrier respectueux de la parité femmes-hommes donne en effet aux médias la possibilité de mieux équilibrer leur couverture, ce qui permet également à la prochaine génération de femmes athlètes de suivre ses modèles à l'écran.

Applying a gender lens to ensure that men’s and women’s sports have equal visibility at Paris 2024
© Getty Images

Depuis 2017, le Comité International Olympique (CIO) applique un prisme sexospécifique au calendrier général des Jeux en se penchant sur les différences entre les horaires de compétition des femmes et des hommes.

Lors du dernier jour de compétition aux Jeux de Rio 2016 par exemple, deux épreuves étaient prévues pour les femmes (gymnastique rythmique et un combat de boxe), tandis que dix épreuves étaient au programme pour les hommes – notamment les médailles de bronze et d'or pour plusieurs sports d'équipe, ainsi que le marathon masculin. Cela a entraîné un déséquilibre entre les hommes et les femmes s'agissant du nombre d'heures de compétition, un facteur important pour les possibilités de diffusion. Les deux épreuves féminines ont duré deux heures au total, contre 22 heures pour les épreuves masculines.

Il y a également eu des problèmes de programmation aux Jeux Olympiques d'hiver. Aucune épreuve féminine n'avait, par exemple, été programmée le dernier jour des Jeux de Vancouver 2010 ou de Sotchi 2014.

Des progrès sont en cours

Maintenant que l'équilibre entre femmes et hommes est l'un des facteurs pris en compte pour l'élaboration du calendrier des compétitions olympiques, le changement est en marche. Des efforts sont déployés pour parvenir à un équilibre entre les genres chaque jour des Jeux et dans chaque sport. "De réels changements sont en train de se produire", confie Nancy Lee, conseillère en matière d'égalité des genres auprès du CIO.

Forte de plus de 20 ans d'expérience dans le domaine de la diffusion et du sport international, elle partage son point de vue sur la question des genres afin d'aider à changer le calendrier des compétitions olympiques. Et de poursuivre : "L'objectif de ce travail est de proposer un événement sportif dans lequel tous les athlètes sont traités de manière équitable, quel que soit leur genre."

Les défenseurs du sport féminin se tournent souvent vers les médias dans l'espoir que ces derniers améliorent l'image du sport féminin. Mais si les épreuves féminines ne sont pas programmées en conséquence, il ne peut y avoir de couverture égale."
Nancy LeeConseillère en matière d'égalité des genres auprès du CIO

Nancy Lee souligne par ailleurs que ces différences ont également une incidence sur la couverture dans la presse écrite et sur la couverture photos. "Imaginez un montage photo de tous les médaillés d'or de cette dernière journée de compétition à Rio. Le déséquilibre dans la représentation en faveur des athlètes hommes est encore accentué par la présence de plusieurs médaillés dans chacune des épreuves masculines par équipes."

Un exercice complexe

Avec l'adoption de l'Agenda olympique 2020, le CIO a réaffirmé son engagement à faire progresser l'égalité des genres. À la suite d'un examen approfondi de la question de l’égalité des genres au sein du Mouvement olympique en 2017, 25 recommandations concrètes visant à changer la donne ont été formulées – notamment celle de veiller à élaborer des calendriers de compétition équilibrés pour les Jeux.

L'élaboration du calendrier de toutes les épreuves sportives des Jeux Olympiques est un exercice extrêmement complexe – elle prend environ cinq ans. Ce processus associe le comité d'organisation des Jeux Olympiques (COJO), chacune des Fédérations Internationales de sport (FI), les services olympiques de radio-télévision (OBS), le tout sous la supervision générale du CIO.

Ainsi que l'a expliqué Nancy Lee : "Ces organisations, lesquelles participent à l'élaboration du calendrier des compétitions, travaillent désormais de concert pour créer un équilibre entre les femmes et les hommes."

De nombreux facteurs interviennent dans la prise de décision concernant le calendrier : les règlements sportifs (tels que les périodes de repos requises entre chaque session), la logistique des transports (comme éviter l'encombrement des transports en commun sur les sites adjacents), les considérations opérationnelles (telles que les conditions météorologiques ou la lumière du jour pour les épreuves en plein air), les priorités du pays hôte en matière de sport, les fuseaux horaires (pour les différents publics mondiaux), et désormais, l'équilibre entre les femmes et les hommes.

De Rio à Tokyo

Des progrès considérables ont été réalisés dans l'élaboration d'un calendrier plus équilibré entre l'édition de Rio 2016 et celle de Tokyo 2020, ce qui a permis de fixer la norme pour les prochains Jeux Olympiques.

Le dernier week-end et le dernier jour des Jeux de Tokyo 2020 ont été équilibrés en intervertissant les sports d'équipe, de sorte que plus de femmes ont concouru le dernier dimanche.

Les femmes au cœur des Jeux de Paris 2024

Suivant l'exemple du CIO, les organisateurs des Jeux de Paris 2024 ont travaillé sans relâche afin de faire évoluer la situation des femmes dans le sport. Ils ont travaillé en étroite collaboration avec les FI, OBS et le CIO pour progresser dans l'établissement d'un calendrier équilibré entre les femmes et les hommes. De nombreux sports de combat et de force ont réorganisé l'ordre de leurs épreuves de manière à ce qu'il y ait une alternance entre femmes et hommes, au lieu que les compétitions féminines soient toujours programmées le matin et que les hommes concourent le soir. L'ordre est désormais basé sur la catégorie de poids et non plus sur le genre.

"Vous pourriez vous demander pourquoi cela fait une différence pour l'équilibre femmes-hommes, d'autant plus que la couverture audiovisuelle s'étend sur des fuseaux horaires mondiaux. C'est important parce que l'alternance des épreuves entre hommes et femmes est un signe d'équité et s'oppose au mythe selon lequel le sport féminin serait moins important", précise Nancy Lee.

Pour cette dernière, le marathon de Paris 2024 est un autre exemple parfait des changements qui peuvent être opérés afin de garantir un calendrier plus équilibré entre les femmes et les hommes. Cette épreuve phare se tiendra en effet le dernier week-end pour les hommes et les femmes – le samedi pour les hommes et le dimanche pour les femmes. Cela signifie que les athlètes qui monteront sur le podium pour les deux marathons pourront recevoir leurs médailles lors de la cérémonie de clôture, un événement de grande envergure en termes d'audience mondiale.

© Paris 2024

"L'avantage supplémentaire est qu'il y a moins de compétitions le dernier week-end, lorsque les Jeux touchent à leur fin", ajoute Nancy Lee. Habituellement, le marathon féminin était programmé le dimanche à mi-parcours des Jeux Olympiques, l'une des journées les plus chargées du calendrier. Autrement dit le marathon féminin devait attirer l'attention des médias parmi plus de 40 autres épreuves sportives prévues ce jour-là – notamment la finale du 100 m d'athlétisme masculin.

Le parcours du marathon de cet été est un nouvel hommage rendu par le comité d'organisation des Jeux de Paris 2024 aux femmes qui ont changé l'histoire. En effet, inspiré de la Marche des femmes de 1789, le parcours s'inspire des femmes qui ont marché de Paris à Versailles pour protester contre la pénurie alimentaire, un tournant de la Révolution française.

"C'est un trait d'union parfait", affirme Nancy Lee. "Et le fait que les deux marathons se déroulent le dernier week-end est un autre exemple de la manière dont, lorsque les décideurs ont recours à l'optique de genre, des progrès peuvent être accomplis afin d'accorder un traitement égal aux femmes et aux hommes dans le sport.

"Je porte ce regard sur le sport depuis que j'ai été responsable des sports à la Canadian Broadcasting Corporation. Et aujourd'hui, en travaillant de concert avec le CIO, les COJO et les FI, les changements que j'espérais sont finalement en train de se produire."