Le mantra d’un centre : apprendre des autres, et avec les autres
Un foyer pour des boursiers olympiques loin de chez eux
Le Centre Régional Jeunesse et Sport Petit-Couronne se trouve dans les environs de Rouen, à deux heures au nord-ouest de Paris.
En plus des 115 jeunes athlètes âgés de 12 à 18 ans venant de toute la France, qui y vivent, y étudient et s’y entraînent, le centre accueille également une douzaine de boursiers de la Solidarité Olympique, originaires de pays africains tels la Guinée-Bissau, la République centrafricaine, la République du Congo et le Niger.
Mais pour quelles raisons ?
Pourquoi un centre d’entraînement d’Europe occidentale investit - ou voudrait-il investir - dans des athlètes venus de pays en développement qui ne disposent pas d’une telle infrastructure et d’un tel savoir-faire technique, et pourquoi les accueillir à bras ouverts ?
La réponse est simple : apprendre les uns des autres au sein du Mouvement olympique est une manière, et peut-être même la solution, pour réussir à développer le sport partout dans le monde. Pas uniquement dans les pays en développement, mais dans les pays développés également.
« De grands changements se sont produits lorsque nous avons commencé à accueillir des athlètes par le biais de la Solidarité Olympique », affirme Christophe Cornilleau, directeur du centre depuis six ans. « Cela a donné au centre une dimension internationale, alors qu'il était vraiment très français avant cela ».
Dix-huit boursiers se préparaient pour Tokyo à Petit-Couronne. Lorsque cette édition des Jeux a dû être reportée en raison de la pandémie, il leur a été proposé de passer une année supplémentaire au centre, les faisant rester trois ans au total en France. Certains d’entre eux avaient de la famille dans leur pays d’origine, notamment des femmes et des enfants. Pourtant, sur ces dix-huit athlètes, un seul a choisi de partir.
Comme l'explique Christophe Cornilleau : « dans notre centre, que vous veniez du Congo ou de Marseille, cela ne fait aucune différence. Lorsqu’ils se regardent, ils voient un joueur de tennis, un judoka ou un sprinteur. Ils voient un athlète et rien d’autre. C’est pour cette raison que le système fonctionne et que les boursiers de la Solidarité Olympique s’intègrent aussi facilement. »
Pour Paris 2024, fin 2022, la Solidarité Olympique avait attribué 1 201 bourses à travers le monde, plus précisément à 637 hommes et 528 femmes, représentant 150 CNO. Le budget total s’élève à près de 33 millions d’USD. La Solidarité Olympique couvre l'intégralité du séjour de ses boursiers installés à Petit-Couronne.
Pour les athlètes qui bénéficient de ces bourses, pouvoir vivre et s’entraîner dans un tel centre est indéniablement une chance unique dont ils n’auraient jamais pu profiter autrement ; du moins certainement pas dans leurs pays d’origine, qui parfois ne disposent même pas des installations les plus élémentaires pour s’entraîner. Christophe Cornilleau a accueilli un nageur guinéen qui n’avait jamais eu de maillot de bain et qui n’avait même jamais nagé dans une piscine, son niveau s’expliquant par le fait qu’il ait grandi à proximité d'une rivière. Sans même parler de leur accès à des programmes d'entraînement, des installations médicales, des nutritionnistes de pointe ou encore des spécialistes en récupération ou en entraînement après une blessure.
Parmi les plus grandes fiertés du Centre : Natacha Ngoye Akamabi, boursière et sprinteuse congolaise.
À Tokyo, lors du tour préliminaire du matin, elle a réalisé son meilleur temps de la saison en terminant sa course en 11 s 47.
L’après-midi, lors du premier tour, dans la série 6, elle arrive sixième sur sept sprinteuses avec un temps de 11 s 52, ce qui n’était pas suffisant pour passer à l’étape suivante.
Dans une interview donnée à Tokyo immédiatement après avoir disputé son épreuve, elle a déclaré : « Je m’adresse à ma Fédération Internationale, au Comité Olympique et au ministère du Sport : Je suis capable de réaliser de meilleures performances. Je veux participer à d’autres compétitions pour m’améliorer et me sentir plus à l’aise. Au Congo, le niveau n’est pas le même qu’ici ».
C’était en 2021. Désormais, son but n’est plus seulement d’arriver jusqu’à Paris, mais d’atteindre un meilleur niveau.
Son entraîneur, Amadou Mbaye, a déclaré : « Natacha a énormément progressé dans la manière dont elle gère les compétitions. » Au centre, « elle est libérée de tous ses problèmes, tant financiers que sur le plan de l’organisation. Elle estime que le cadre lui convient parfaitement, dans la mesure où tout le monde se mobilise de manière à lui permettre de progresser et réaliser des performances exceptionnelles.
Il ajoute : « elle n’arrête pas de me répéter que c’est précisément ce dont elle avait besoin pour progresser ».