L'étonnant parcours de Steph Cook jusqu'à sa médaille d'or historique au pentathlon moderne en Australie
Les pentathloniens hommes ont participé à tous les Jeux Olympiques depuis ceux de Stockholm 1912, mais Steph Cook n'est devenue la première femme championne olympique en pentathlon que 88 ans plus tard, aux Jeux de Sydney 2000. La star britannique nous explique dans un premier temps comment elle a allié son quotidien intense de médecin à sa poursuite de l'or, puis elle nous parle de l'évolution de sa discipline fascinante aux racines de l'histoire olympique.
Il est assez connu que les médecins débutants dans les hôpitaux britanniques sont surchargés de travail. Donc, l'idée même de travailler 15 heures par jour tout en s'entraînant suffisamment pour devenir athlète olympique peut sembler physiquement impossible. Pourtant, Steph Cook l'a fait, et dans un sport composé de cinq disciplines : l'escrime, la natation, l'équitation, la course et le tir.
"C'était de la folie", s'exclame la pentathlonienne en revenant sur les années qui ont précédé son sacre historique de première championne olympique de pentathlon moderne. "J'étudiais la médecine à Oxford et c'est là que je me suis mise au pentathlon moderne. Une fois mon diplôme en main, je savais que je devais prendre une décision.
Est-ce que j'allais poursuivre une carrière dans le sport ou devenir médecin ? J'ai décidé d'essayer de combiner les deux. Je travaillais jusqu'à 100 h par semaine à l'hôpital tout en m'entraînant et participant à des compétitions. Je me souviens avoir une fois terminé une garde de nuit et avoir directement pris l'avion pour disputer une Coupe du monde en Pologne. Je ne sais pas comment, mais j'y arrivais."
Sauvant des vies tout en réussissant à gravir le classement mondial, Steph Cook maîtrisait mieux que quiconque l'art du multitâche. Il n'est donc pas étonnant que le sport olympique pour lequel elle se passionnait ait été imaginé pour les athlètes les plus polyvalents.
"Plus jeune, j'avais fait un peu d'équitation et je courais bien. Donc en arrivant à l'université, je me suis dit que j'allais essayer le pentathlon, dévoile-t-elle. Je voulais surtout remonter à cheval, mais j'aimais bien l'idée d'essayer de nouveaux sports. Je n'avais jamais tiré ou fait d'escrime avant. Je n'étais pas particulièrement bonne en natation, je n'arrivais même pas à faire des virages.
Au départ, c'était juste pour m'amuser. Quand j'ai commencé en 1994, il n'y avait même pas d'épreuve féminine de pentathlon aux Jeux. Mais j'ai suivi celle des hommes à Atlanta 1996 avec intérêt. Il y avait à l'époque une campagne pour inclure une épreuve pour les femmes.
J'ai été sélectionnée pour les Championnats d'Europe de 1997, mais j'étais en période d’examens et je n'ai pas pu y aller. Quand le financement de la loterie britannique a été perçu et que les Jeux Olympiques ont commencé à paraître de plus en plus probables, un médecin à Oxford m'a proposé un poste de recherche. L'accepter signifiait que je pouvais continuer à étudier, tout en accordant plus de temps à mon entraînement. Puis le centre national d'entraînement a ouvert ses portes à Bath et j'ai commencé à m'entraîner à temps plein à partir de novembre 1999."
Comme elle ne pratiquait ce sport que depuis six ans, Steph ne s'était pas encore fait remarquer et n'était donc pas considérée comme potentielle future médaillée. Mais la nature unique de ce sport lui a donné une chance de faire ses preuves. "L'équitation et la course étaient mes points forts, mais on estime qu'il faut généralement compter 10 ans pour atteindre un niveau international en escrime, explique-t-elle. Cette discipline me donnait pas mal de fil à retordre, mais j'ai persévéré. Il faut vraiment tirer le plus grand avantage de chaque petite amélioration."
Son dur labeur durant l'année qui a précédé les Jeux Olympiques de Sydney en 2000 a porté ses fruits. Elle entamait ses journées avec le tir, puis la natation et continuait ensuite avec l'équitation, l'escrime, la course et des séances de renforcement musculaire. "C'était des journées complètes avec un équilibre précis entre conditionnement physique et travail des compétences, se souvient l'athlète. Mais c'est un entraînement amusant durant lequel on ne peut pas s'ennuyer. C'est un challenge constant.
C'est également super de faire partie d'une équipe avec différentes spécialités, car on peut s'entraider. Nous nous sommes entraînés avec des experts internationaux de chaque sport, ce qui aide forcément à s'améliorer."
À l'aube des Jeux de Sydney, Steph Cook était classée n°1 mondiale. "Nous avons eu beaucoup de chance d'aller à Sydney parce que nous logions sur la Gold Coast, se souvient-elle. Nous avons pris l'avion pour la cérémonie d'ouverture et avons ressenti toute l'énergie, l'effervescence et l'ambiance de cet événement. J'ai la chair de poule chaque fois que j'y repense. Après, nous sommes retournés à Brisbane pour nous concentrer sur notre sport.
Les athlètes britanniques s'envolaient pour Sydney et revenaient avec des médailles. Une atmosphère positive régnait sur le camp, qui nous donnait à chacun l'impression qu'on pouvait peut-être y croire nous aussi. Lors du dernier jour de compétition, j'ai pris mon petit-déjeuner avec le boxeur Audley Harrison et à notre retour le soir, nous avions tous les deux une médaille d'or à notre cou."
Le pentathlon moderne est une discipline avec de nombreuses variables. Un obstacle touché, un tir mal visé, un mauvais duel, un sprint un peu trop lent... tous ces détails peuvent inverser la balance et déterminent une victoire ou une défaite. Et même si ce n'était pas le meilleur jour qui soit pour Steph Cook, elle a gardé son sang-froid et a surpassé ses adversaires.
"J'avais été constante toute l'année, et même s'il y a toujours une petite part de chance, ce jour-là, tout s'est aligné. Tout mon travail avec mes entraîneurs et mon psychologue a porté ses fruits, déclare-t-elle. Nous étions six ou huit en mesure de gagner, alors c'est notre capacité à chacun de garder le contrôle de ce qui est de notre ressort qui fait la différence.
Mon épreuve d'équitation n'a pas été assez propre et j'aurais pu tirer mieux, mais j'en ai fait assez pour rester dans la compétition. J'ai atteint un record personnel à la natation. J'avais toujours dit que si j'avais une minute de retard au départ de la course, je serais capable d'atteindre le podium. J'avais seulement 49 secondes de retard ce jour-là."
La pentathlonienne a filé comme une fusée à travers ses concurrentes pour décrocher le titre. "Quand je suis arrivée en troisième position et que j'ai compris que j'allais remporter une médaille, j'ai ressenti une certaine euphorie. Puis j'ai réussi à prendre la tête et je me suis dit que ma vie ne serait plus jamais la même. Je ne m'étais pas investie dans le sport dans l'espoir de devenir célèbre. Les semaines qui ont suivi les Jeux ont été assez folles."
De retour en Grande-Bretagne, l'athlète fut en effet assaillie par les médias et vue comme une célébrité par ses collègues médecins. "Des patients bondissaient de leur siège pour me demander un autographe, s'exclame-t-elle en riant. Des enfants refusaient de descendre au bloc opératoire si je ne signais pas leur plâtre avant."
Steph Cook s'est soudainement retrouvée face à son éternel dilemme : le sport ou la médecine ? Cette fois-ci, le stéthoscope a été plus fort que l'épée. "J'ai continué jusqu'aux Championnats du monde de 2001 parce qu'ils avaient lieu en Angleterre, révèle-t-elle. J'y ai remporté l'or, puis j'ai participé aux Championnats d'Europe où j'ai été médaillée d'or également. J'ai donc pris ma retraite du sport en tant que championne en titre d'Europe, du monde et olympique. Une semaine plus tard, j'étais de retour à l'hôpital. J'aurais pu aller aux Jeux d'Athènes de 2004, mais je me suis rendu compte que j'avais accompli bien plus que je ne l'aurais cru possible dans ma carrière sportive. Mon rêve a toujours été d'être médecin. Ça aurait été trop difficile de reprendre mon métier si j'avais fait une nouvelle pause."
La pentathlonienne a exercé comme chirurgienne ORL pendant un temps avant de finalement devenir généraliste. Elle continue néanmoins de suivre de près les actualités et les nombreuses évolutions de son sport. "Le plus grand changement par rapport à mon époque est l'utilisation de pistolets laser et non plus à air comprimé. Aussi, le tir et la course sont maintenant des épreuves combinées. Elles sont donc encore plus déterminantes qu'avant pour les résultats, explique-t-elle.
C'est pas mal. La différence entre un dix ou un neuf au tir était très importante pour nous, mais aujourd'hui les athlètes doivent essayer d'atteindre une cible de petite taille. Comme ils viennent de courir, ils respirent fort, leurs mains tremblent, donc ils doivent réfléchir et déterminer si leur course va affecter leur tir.
Depuis les Jeux auxquels j'ai participé, le concept de "stade unique pour tout" a pris de l'ampleur. À présent, un maximum d'épreuves se déroule dans le même stade pour que les spectateurs puissent y assister en un seul et même endroit. D'un point de vue médiatique, c'est mieux comme ça."
Encore aujourd'hui, Steph Cook estime que le pentathlon est le test le plus complet des compétences d'un athlète olympique. "C'est pour cette raison que Pierre de Coubertin a inventé ce sport. C'est une très bonne façon de tester les compétences et aptitudes des athlètes. C'est un sport qui demeure encore fascinant aujourd'hui."