Une petite année peut avoir d'immenses conséquences.
Si les Jeux de Tokyo 2020 avaient eu lieu l’année dernière, la star montante du VTT Loana Lecomte n’aurait pas été dans l’avion pour le Japon.
Douze mois plus tard, la vététiste française va non seulement faire ses débuts aux Jeux Olympiques mardi 27 juillet, mais elle est déjà favorite pour la médaille d’or dans la course féminine tant elle domine le circuit de Coupe du monde de cross-country olympique depuis le début de l’année 2021.
« Je ne me dis pas que je suis favorite. Au contraire, j’arrive et je découvre les Jeux, donc je ne suis pas favorite ! », a-t-elle déclaré à Olympics.com dans une interview exclusive début juillet avant d’afficher toutefois ses ambitions : « Je les aborde avec moins de pression, mais je ne vais pas à Tokyo que pour découvrir, j’y vais aussi pour faire une bonne place. »
Quatre victoires d’affilée en Coupe du monde
La progression de Loana s’est d’autant plus remarquée qu’elle affiche une domination sans partage sur de véritables championnes, comme sa compatriote Pauline Ferrand-Prévot, l’Américaine Kate Courtney ou encore la Suissesse Jolanda Neff.
En septembre 2020, la vététiste de 21 ans a remporté la première étape de Coupe du monde Élite à laquelle elle a participé, à Nové Město en République tchèque. Quelques semaines plus tard, elle terminait troisième sur le même parcours.
Cette saison, la championne du monde et d’Europe des moins de 23 ans en titre est inarrêtable. Elle a gagné les quatre étapes de Coupe du monde (Albstadt, Nové Město, Leogang et Les Gets où elle est devenue la première Française à être couronnée). Après Leogang, elle est devenue la première vététiste à décrocher trois victoires consécutives en Coupe du monde depuis Gunn-Rita Dahle Flesja, championne olympique à Athènes 2004, en 2006.
Et à chaque fois, elle part seul dès le début de la course et lâche rapidement ses concurrentes pour terminer la course en solitaire, avec plus d'une minute d'avance sur ses dauphines.
« Je ne prévois pas forcément de faire ça ! », sourit Loana. « Je fais toutes les courses comme un contre-la-montre. Je ne prévois pas vraiment de stratégie. J’essaie d’être régulière à chaque tour, je me donne à fond du début à la fin. Je fais ma course toute seule et je ne pense pas aux autres. »
Une progression fulgurante
En moins de trois ans, elle est passée de n° 64 mondiale aux sommets du classement. En Coupe du monde des moins de 23 ans, son meilleur résultat restait une troisième place. Depuis qu’elle a été surclassée dans l’Élite, elle a remporté cinq étapes de Coupe du monde sur six. Et quand elle n'a pas gagné, elle a terminé sur le podium. Comment explique-t-elle cette progression fulgurante ?
« C’est vrai que c’est assez atypique », analyse-t-elle.
« Mon entraîneur a su me canaliser et ne pas me faire évoluer trop rapidement. Il a pris le temps d’augmenter progressivement mes charges d’entraînement, le volume et l’intensité pour que j’arrive en forme au bon moment dans la catégorie Élite. »
Un bon entourage semble donc être la clé de la réussite de la prodige française du VTT. « Les choses sont sainement construites, elle a des bases très solides : entraînement, structure, famille », se satisfait Yvan Clolus, le manager de l’équipe de France de VTT. « On n’est pas sur un one shot, on sait que ça va durer. »
Des débuts en ski alpin
Lecomte a grandi en Haute-Savoie, comme la double championne du monde de ski alpin Tessa Worley. « J’étais fan d’elle ! », raconte Loana. « Quand j’étais petite, je suivais ses résultats, mais encore maintenant, j’aime l’image qu’elle reflète. Elle est très inspirante. »
En fait, la vététiste a passé son enfance à skier à la station des Carroz-d’Arâches, d'où elle vient, avant d’enfourcher son vélo l’été. « Mon papi faisait beaucoup de vélo de route donc j’ai aussi fait du VTT pour lui faire plaisir ». C’est ainsi qu’elle a rejoint le VTT club des Carroz.
« J’ai fait les deux pendant huit ans. J’ai choisi le VTT parce que j’ai un peu saturé du ski et je gagnais plus de courses en VTT qu’en ski », se souvient celle qui concourrait aussi au niveau national sur skis. « J’adorais le Super-G et le slalom alors que ce sont deux extrêmes ! »
Et il semblerait que c’est cette expérience sur la neige qui a aidé la cycliste de 1,62 m à développer son don naturel pour les descentes techniques. « Le fait d’aimer la vitesse me permet de ne pas avoir peur et j’ai appris à débrancher le cerveau quand il faut. »
Clolus confirme que ses origines de skieuse l’ont sans doute aidé en VTT : « On n’est pas surpris sur ses compétences techniques, elle vient du ski alpin. Elle est la plus rapide au monde, techniquement parlant. »
Inspirée par la championne olympique Julie Bresset
Depuis les premiers pas de la discipline aux Jeux d’Atlanta en 1996, la France est la nation la plus titrée avec quatre médailles d’or. Julie Bresset, la coéquipière de Lecomte dans l’équipe Massi, est la dernière vététiste française à être montée sur la première marche du podium olympique, à Londres 2012.
« C’est aussi, en partie, grâce à elle que j’ai choisi le VTT », se souvient-elle. « Quand je l’ai vue gagner en 2012, j’ai été émue, j’ai pleuré devant sa victoire. Et j’ai dit à mon papa : "C’est ça que je veux faire, en fait." »
« Julie est une personne très, très gentille. Je l’admire vraiment, on s’entend vraiment bien et j’ai de la chance de l’avoir dans l’équipe. Elle partage beaucoup son expérience, les bons et les mauvais côtés. Elle m’apprend à me préserver. »
« Elle me dit de profiter de l’instant présent, de ne pas me mettre de pression et de continuer à m’éclater sur le vélo. »
Ferrand-Prévot : d’idole à rivale
Lecomte n’est pas à Tokyo toute seule puisqu’elle est accompagnée de la triple championne du monde Pauline Ferrand-Prévot, à la recherche du seul titre qui manque à son palmarès.
« Quand j’étais junior, je l’admirais pour ses résultats, mais même encore maintenant. J’avais des posters d’elle, j’étais fan, comme j’ai été fan de toutes les personnes qui sont en équipe de France encore actuellement. »
« Parfois, je me pose et je me dis : "C’est fou, tu es avec tes idoles dans la même chambre !" »
Mais comment vont-elles réussir à travailler ensemble à Tokyo pour ramener des médailles à la France ?
« C’est sûr que c’est une concurrente parce qu’on fait la même course et on se bat pour la même place à chaque course, mais ça reste quand même une coéquipière parce qu’on est ensemble en équipe de France. C’est une force pour nous deux de s’avoir l’une et l’autre parce que chacune peut apporter à l’autre. »
En mission à Tokyo
En 2019, Loana a eu l’occasion de parcourir le terrain qui sera utilisé aux Jeux Olympiques lors de l’épreuve test de Tokyo 2020. Elle avait terminé huitième, à 3 minutes et 41 secondes de Jolanda Neff, première.
Le 27 juillet, La jeune Française, qui semble apprécier le parcours technique de 4 km situé dans la ville d’Izu, aura d’autres ambitions.
« C’est vraiment l'un des plus beaux parcours de VTT que j’ai jamais fait. Il faut beaucoup d’engagement, il faut être explosif, il n’y a vraiment aucun temps de répit. J’aime beaucoup ce type d’effort. Et ce que je préfère dans le VTT, c’est que ça soit technique ! »
En plus, pour s’adapter au climat japonais, la n° 1 mondiale s’est entraînée trois fois par semaine dans une « thermo room » spécialement chauffée qui imitait les conditions estivales de la préfecture de Shizuoka (avec un taux d’humidité pouvant atteindre 90 % actuellement).
En attendant mardi, nous lui avons demandé quelle était sa principale force avant les Jeux Olympiques.
« Ma jeunesse, mon innocence », répond-elle. « Je n’ai pas de pression à me mettre, ce sera une course comme les autres. Je vais surtout donner le meilleur de moi-même et ne rien regretter à la fin. »