Alessandro Bovolenta perpétue la tradition familiale

« La pression est un privilège », pour l’Italien de 18 ans, dont le père Vigor, vice-champion olympique, est décédé d’une crise cardiaque après un match il y a de ça dix ans. La star en devenir a évoqué auprès d’Olympics.com sa carrière florissante.

8 minPar Gisella Fava
Alessandro Bovolenta, MVP de l'Euro U-20 2022
(Federica Rossini)

Dans le volleyball italien, le nom de Bovolenta provoque des sentiments de joie, de révérence et de tristesse.

Bloqueur central de la plus grande équipe masculine des Azzurri, surnommée la ‘Generazione di Fenomeni’, Vigor Bovolenta a remporté la médaille d’argent des Jeux d’Atlanta 1996.

En mars 2012, quatre ans après la fin de sa carrière internationale, Bovolenta décédait d’un arrêt cardiaque lors d’un match de quatrième division du championnat italien, conséquence d’une grave maladie coronarienne. Il n’avait que 37 ans.

Sa veuve Federica Lisi, également internationale italienne de volleyball, a découvert qu’elle était enceinte de leur cinquième enfant deux semaines après la mort de son mari.

Leur premier fils, Alessandro Bovolenta, n’avait que sept ans à cette époque.

Si ses premières ambitions sportives se sont portées vers le football et le poste de gardien de but, il s’est vite réorienté vers le sport pratiqué par ses parents.

Aujourd’hui âgé de 18 ans, il est plus mature que son âge le laisse penser et semble prédestiné à suivre les traces de son père vers les sommets.

Né à Rome mais élevé à Ravenne, petite ville proche de Bologne, il a été nommé MVP du Championnat d’Europe U-20 remporté par l’Italie à domicile en septembre.

Ce succès est arrivé quelques mois après que le joueur de 2,05m ait fait, la saison passée, ses débuts en Superlega italienne avec le Ravenna Porto Robur Costa, le club avec lequel son père a connu ses premiers succès.

Alessandro Bovolenta : De gardien de but à prodige du volleyball

Vigor Bovolenta a défendu les couleurs de l’Italie de 1995 à 2008, remportant par la même quatre fois la Ligue mondiale et deux fois le titre de champion d’Europe, ainsi qu’une Coupe du monde et une médaille d’argent olympique.

Avec le Ravenna Porto, il s’est également offert le Championnat du monde des clubs en 1991 et la Ligue des Champions européenne trois fois de suite (1992-94).

Pour sa part, Lisi a mis un terme à sa carrière pour donner naissance à Alessandro. Mais ce dernier insiste, il n’a jamais été contraint de suivre les traces de ses parents dans le monde du volleyball.

Il raconte à Olympics.com : « Aucune pression. Maman nous a toujours dit ‘Faites ce que vous voulez’. C’était toujours une liberté. S’il y avait eu des ‘obligations’, elle m’aurait dit ‘Écoute, fais au moins quelque chose, fais un sport’, mais j’en aurais fait de toute façon ».

(Archives personnelles Alessandro Bovolenta)

« Quand j’étais plus jeune, je ne suivais pas vraiment le volleyball. Je ne m’y intéressais pas. Je suivais mes amis de l’école qui jouaient au football. J’ai commencé en défense, mais je suis passé gardien de but et j’étais bon. J’avais 11 ans. J’avais très froid… durant les entraînements ».

« En tant que gardien, vous recevez une frappe toutes les 10 minutes. Vous devez rester là, dans le froid de l’hiver, et puis vous rentrez à la maison et vous êtes gelé. C’était bien avec les amis… mais j’ai décidé de prendre une autre voie ».

« J’ai soudainement grandi et je me suis dit ‘Essayons le volleyball’. Et tout s’est bien passé. Je continue de m’amuser, à l’entraînement, en match, je m’entends bien avec mes coéquipiers, tout est parfait ».

Alessandro Bovolenta : Le volleyball comme ADN

Depuis, les autres enfants de la fratrie ont suivi le même chemin : Arianna (13 ans), les jumelles Aurora et Angelica (11 ans) et Andrea (10 ans) jouent tous au volleyball.

Arianna a même récemment déménagé à Rome, où elle joue pour le Volleyrò Casal de Pazzi B.

Alessandro aime plaisanter au sujet de ses frères et soeurs : « Quand ils grandiront un peu, le match sera lancé ! »

(Archives personnelles Alessandro Bovolenta)

Quant à la mort de son père, il témoigne qu’elle a « beaucoup plus uni notre famille ».

« Maman avait des responsabilités supplémentaires qu’elle ne m’a jamais transférées, car j’étais un enfant même si j’étais l’aîné. Nous étions tous unis et toujours ensemble ».

Dorénavant, les Bovolenta sont nombreux à venir voir jouer Alessandro sous le regard approbateur de sa mère.

« Elle s’amuse, elle me donne des conseils… Mamma mia ! Elle est là, elle est très impliquée… Elle en profite également. Oui, oui, on la voit là-haut dans les tribunes, dans un coin… Comme un aigle, qui nous regarde de haut ! »

Même s’il n’a vu que de petites séquences de ses parents en action, il affirme voir une ressemblance dans leur façon de jouer.

« Dans nos mouvements, nous sommes très similaires… Entre maman et papa, nous sommes pratiquement identiques ! »

Des succès avec l’équipe d’Italie U-20

Entraîneur de Vigor à Atlanta 1996, Julio Velasco aide désormais à façonner la carrière d’Alessandro en tant que directeur technique des jeunes de la fédération italienne de volleyball.

L’Italie vit actuellement une période faste dans ce sport, avec pas moins de dix victoires en 2021/22 dans toutes les catégories d’âge, à l’image du sacre de Paola Egonu et de ses coéquipières en Ligue des nations féminine.

Les sélections masculines U-18 et U-22 ont toutes deux remporté les titres européens, à l’instar des équipes féminines en U-18, U-20 et U-22. Il ne restait donc plus qu’à Alessandro Bovolenta et à ses coéquipiers de faire en sorte que les juniors s'emparent également de la couronne continentale à domicile.

Il se souvient : « Velasco nous a demandé de ne pas ressentir de pression car nous étions à domicile. Cependant, la pression était bien sûr là, car nous savions tous que nous étions les derniers ‘Azzurri’ en lice car nous avons joué la finale le 25 septembre. Après nous, il ne restait que le Championnat du monde femmes ».

« Mais comme le dit Matteo Battocchio, sélectionneur de notre équipe nationale, ‘la pression revient aux privilégiés’ ».

Cette pression a donc atteint son apogée lors d’une finale au scénario haletant contre la Pologne.

En tête 2-0, l’Italie a vu les Polonais revenir à égalité avant que le match ne se décide dans le set décisif : un set remporté 15-6 par l’équipe locale.

Un grand triomphe pour toute l’équipe, même si Bovolenta, désigné MVP de la compétition, n’a pu réellement se joindre aux célébrations.

Il raconte : « Je me sentais très mal physiquement. J’ai réussi à gérer la tension pendant le match, mais après j’ai quitté les célébrations tôt. Je suis rentré à l’hôtel, je suis allé au lit et je me suis réveillé le lendemain… encore dans mes chaussures, en survêtement, avec ma médaille autour du cou ! »

« J’ai pris une semaine pour récupérer. J’ai même dû reporter ma pré-saison avec mon club de Ravenne ».

Idoles, objectifs et Jeux Olympiques

Bovolenta explique que le volleyeur qu’il admire n’est autre que la star néerlandaise Nimir Abdel-Aziz, tandis que ses idoles dans d’autres sports sont le footballeur Cristiano Ronaldo et la légende du basket Michael Jordan.

Il poursuit : « Ronaldo est le premier que j’ai pris en exemple, car il a une mentalité qui va au-delà du sport ».

Quant à ses objectifs immédiats, Bovolenta assure qu’il a l’intention de s’établir en Superlega, même si cela peut prendre du temps avec le Ravenna Porto, club qui joue actuellement en deuxième division italienne après avoir été relégué la saison passée.

Pour le moment, il n’a aucune intention de s’exporter à l’étranger : « Je suis bien en Italie. Le meilleur championnat est ici, donc si j’ai une possibilité de rester, ce sera sûrement mon premier choix. Mon objectif, c’est sûr, est de rester en Superlega. Comme le dit toujours mon grand-père, ‘C’est une chose d’y arriver, une autre d’y rester’. J’aime beaucoup cette phrase ».

« Quand j’ai fait mes débuts en Superlega, c’était un peu le fruit du hasard. Alors y rester et faire mes preuves, c’est un peu plus compliqué. C’est l’objectif numéro un, et il y a la sélection nationale et les Jeux Olympiques ».

(Federica Rossini)

Paris 2024 arrive peut-être un peu trop tôt pour le jeune homme, qui s’attend à ce que la Pologne et la France, pays hôte, fassent figure de favoris à l’or.

La famille, bien entendu, compte déjà une médaille olympique, même s’il n’a pu l’admirer qu’il y a six ans.

« Nous regardions les Jeux de Rio 2016 et ma mère et moi sommes allés voir la médaille de mon père. Une fois que nous l’avons trouvée… elle m’a semblé si belle ! Puis, quelques jours plus tard, mes grands-parents paternels sont revenus à la maison. Nous leur avons montré, et ils nous ont alors donné toutes les médailles de papa. Finalement, ils en ont gardé la grande partie, nous en avons juste pris deux : la Coupe CEV et l’argent olympique ».

« Désormais, nous conservons la médaille olympique ainsi que l’or que j’ai remporté l’été dernier. C’est sympa. La médaille olympique pèse assez lourd ! Mais la voir de près est deux fois plus impressionnant car elle magnifiquement réalisée ».

« Vous pouvez sans l’ombre d’un doute ressentir les émotions qui l’accompagnent. L’Italie a perdu de deux points en finale et ça fait mal. Mais cette médaille est importante… Seules quelques personnes ont la chance d’avoir une médaille olympique à la maison ».

Peut-être pourra-t-il apporter sa pierre à l’édifice des médailles familiales dans les années à venir.

(Archivio privato Alessandro Bovolenta)
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