Un entraîneur de basketball scelle le succès olympique de la Serbie au water-polo
Il y a quatre ans, l'équipe masculine de water-polo de Serbie était au bord d'une nouvelle déception olympique. Les champions du monde et d'Europe en titre sont arrivés à Rio 2016 en tant que grands favoris, mais après avoir débuté la compétition avec deux matches nuls et une défaite, ils risquaient l'élimination et l'humiliation jusqu'à ce que l'équipe, dirigée par le défenseur Filip Filipović, dise : "Non, pas cette fois...".
Chaque carrière olympique est l'histoire de quatre années de dévouement définies par un résultat, un match, un moment. Pour Filip Filipović, le porte-bonheur de longue date de l'équipe masculine de water-polo de Serbie, il semblait destiné à faire partie d'une génération dorée qui n'a jamais vraiment réussi à briller sur la plus grande scène du monde.
Troisième à Beijing 2008, troisième à Londres 2012, la Serbie a défié son statut d'équipe numéro un mondiale aux Jeux Olympiques de Rio 2016 en débutant la compétition avec deux matches nuls et une défaite.
"Nous ne savions pas ce qui se passait, nous ne savions pas pourquoi. Nous avions consacré notre carrière et notre vie aux Jeux Olympiques et pourtant, nous avons commencé comme ça", reconnaît Filipović, la perplexité étant encore manifeste quatre ans plus tard.
La pression était immense. Non seulement les choses s’étaient mal passées auparavant – à Beijing 2008, la Serbie avait été écrasée par les États-Unis dans une demi-finale "désastreuse" avant que "l'excès de confiance" ne la conduise à une courte défaite en demi-finale contre l'Italie à Londres 2012 – mais Filipović et ses coéquipiers savaient aussi que leurs compatriotes passionnés de water-polo attendaient avec impatience une toute première médaille d'or olympique.
Deux choses sont arrivées pour transformer l'ambiance et finalement l’issue de ces Jeux. Tout d'abord, deux entraîneurs – de basketball et de taekwondo – se sont présentés à l'improviste dans la salle des équipes.
Après notre défaite contre le Brésil [lors de leur troisième match, après les matches nuls contre la Hongrie et la Grèce], notre entraîneur national de basketball, Aleksandar Djordjević, est venu nous voir et nous a dit : "Les gars, pourquoi vous faites cette tête ? Je crois toujours en vous. Je sais que vous allez gagner et que vous êtes ici pour remporter une médaille d'or. Je ne veux pas voir ces visages, vous n'avez rien perdu, vous avez juste mal débuté cette première semaine. Croyez-moi, tout va changer la semaine prochaine. Je ne suis pas votre entraîneur mais, les gars, vous devez me croire".
Outre cet encouragement, Filipović se souvient de l'impact du deuxième visiteur.
"L'entraîneur [serbe] de taekwondo est également venu nous voir avec un grand sourire qui dégageait une énergie positive indescriptible. Il n'avait pas besoin de dire quoi que ce soit, nous nous sentions déjà mieux".
Soudain, les athlètes souriaient de nouveau à l'entraînement et Filipović a compris ce qu'il fallait faire ensuite.
"Nous savions que nous n'avions pas besoin de changer quoi que ce soit [concernant le jeu de l'équipe]. Nous avions juste besoin de parler entre nous, de nous détendre un peu et tout se mettrait en place. Nous sommes donc allés au restaurant, nous nous sommes détendus, et à partir du match suivant, les choses se sont un peu améliorées", dit-il.
"Ce sont les petits détails qui nous ont aidés à changer."
La Serbie a commencé à passer la vitesse supérieure. Des victoires contre l'Australie et le Japon lui ont permis de sortir du groupe A et d'atteindre un quart de finale contre l'Espagne. Championne du monde en 2009 et 2015 et championne d'Europe en 2012, 2014 et 2016, l'équipe savait comment remporter les matches à élimination directe et, le coup d'envoi étant passé, il était temps de franchir le dernier obstacle.
Nous savions que nous n'aurions pas de troisième chance de décrocher une médaille d'or", explique Filipović. "Toute notre carrière, tout ce que nous avions consacré pendant ces années n'avait aucune importance si nous n'obtenions pas une médaille d'or aux Jeux Olympiques".
Pour Filipović, qui avait été nommé joueur européen de l'année en 2009, 2014 et 2016, l'arrivée du tournoi à élimination directe était exactement ce dont il avait besoin.
"J'aime jouer sous pression, ça c’est sûr", admet l'homme qui a fait ses débuts au niveau international en 2003 et a joué plus de 300 fois pour son pays depuis, marquant plus de 550 buts. "Je me rends compte dans ces moments-là que j'ai quelque chose à perdre.
"Mais pour être honnête, ces trois ou quatre dernières années, je ne ressens plus autant de pression. Je ne sais pas si c'est à cause de mon expérience ou de tous les matches importants que j'ai joués avec mes coéquipiers, mais pour moi, le water-polo ces dernières années m’apporte, disons, du plaisir – c’est un moment de joie totale, de relaxation totale".
Menée par un Filipović détendu, la Serbie a battu l'Espagne 10-7 avant de s’imposer devant la puissante Italie en demi-finale 10-8. Restait à affronter en finale la Croatie, championne en titre. Malgré l'importance de l'occasion et la nature symbolique de l'adversaire, Filipović et ses amis ont réussi à garder leur calme et à continuer.
"Je crois que Rio était la quatrième année où nous n'avions pas perdu contre la Croatie. Nous n'avons pas ressenti autant de pression", a déclaré Filipović, qui avait participé à la victoire finale au championnat du monde contre la Croatie 12 mois avant les Jeux Olympiques de Rio 2016.
"En finale, peu importe votre adversaire ou si vous avez déjà joué contre l'équipe plusieurs fois ou si c'est la première fois. Ce n'est qu'un match. Il n'y a pas tant de tactique ou de détails techniques, il s'agit juste d'être prêt et de montrer dès le premier instant votre volonté de gagner".
Nommé par la suite meilleur joueur du tournoi olympique, Filipović n'a, sans surprise, que de bons souvenirs de la victoire 11-7.
"Je me souviens de quelques buts et surtout de la défense, mais ce dont je me souviens le plus, ce sont les sourires. Les sourires des gars après une bonne défense, et sur le banc aussi. Cette atmosphère, cette énergie positive était tellement mémorable et elle restera certainement dans mon cœur toute ma vie", dit-il.
"L'énergie que nous avons pu ressentir ce jour-là était incroyable ; c’était vraiment quelque chose d'unique. Je me sentais vraiment fier d'être serbe parce que je faisais partie de cette grande équipe".
À 33 ans, Filipović en veut plus. Il reste au cœur d'une équipe de Serbie déterminée à défendre son titre à Tokyo 2020. La cinquième place aux championnats d'Europe 2020 n'est "pas ce que l'on attendait", concède Filipović. Mais il est catégorique : l'équipe est "sur la bonne voie".
"J'ai vraiment hâte d’être aux Jeux pour célébrer non seulement l’événement, mais aussi une grande victoire contre ce virus", a déclaré l'homme qui vise une carrière dans la diplomatie une fois qu'il aura quitté les bassins.