Ona Carbonell, légende de la natation artistique, voit d'un bon œil le report de Tokyo 2020
Ayant elle-même participé aux deux dernières éditions des Jeux Olympiques, Ona Carbonell ne comprend que trop bien la frustration et la déception que nombre de ses pairs ressentent à l'heure actuelle. Cependant, la double médaillée olympique est convaincue que c'était la bonne décision à prendre et que de bonnes choses en ressortiront, peut-être même son propre retour dans le bassin.
"Je souhaite exprimer mon soutien à tous les athlètes qui se préparent pour les Jeux Olympiques de Tokyo 2020", a déclaré Ona Carbonell, détentrice du record du plus grand nombre de médailles jamais remportées lors des Championnats du monde de la Fédération Internationale de Natation (FINA).
Enceinte de son premier enfant, Ona Carbonell sait depuis plusieurs mois qu'elle ne participera pas aux Jeux de Tokyo 2020. Une prise de conscience assez difficile à accepter, mais Ona sait que ce n'est rien comparé aux difficultés sur le plan mental auxquelles sont actuellement confrontés les athlètes du monde entier à cause de la pandémie de COVID-19. La légende espagnole est néanmoins catégorique : le monde du sport en ressortira plus fort.
"C'est une situation vraiment très difficile et je suis de tout cœur avec mes collègues athlètes. Je sais à quel point c'est compliqué", a confié la médaillée d'argent en duo féminin et de bronze par équipes aux Jeux de Londres 2012. "Mais je pense que c'est une bonne occasion pour tous les athlètes, espagnols et du monde entier, de s'entraîner et de se préparer afin de se présenter à cet événement majeur au top de leur forme. Courage, nous sommes là pour vous aider."
Un message réconfortant, mais comme le souligne Ona Carbonell, la réalité n'en est pas moins dure : "Nous devons donner la priorité au bien-être social, à la santé et à ce que disent les organisations mondiales de santé." Ses coéquipières "s'entraînent du mieux qu'elles peuvent via Skype", a-t-elle révélé, même si évidemment, rien ne remplace une piscine pour son sport.
Ona Carbonell doit accoucher plus tard cette année et, même si le report des Jeux de Tokyo 2020 de 12 mois ne lui laissera probablement pas assez de temps pour décrocher une place dans l'équipe olympique espagnole, elle a de bonnes nouvelles pour les amateurs de natation artistique :
"J'aimerais m'adonner à nouveau à mon sport après mon accouchement. Je pense que le sport ne fournit pas assez d'aide aux athlètes féminines. Il y a, par exemple, beaucoup plus de sportifs hommes parents que de sportives. Je pense que c'est tout aussi faisable pour les femmes et je veux le prouver. Je serais même ravie de pouvoir le faire."
Il y a neuf mois à peine, Ona Carbonell prouvait qu'elle demeurait l'une des meilleures athlètes du monde. En effet, en juillet 2019, la jeune femme de 29 ans a décroché sa 23e médaille – un record – au Championnat du monde de la FINA en République de Corée. Elle a remporté l'argent en épreuve technique solo grâce à une performance fascinante ayant pour décor un montage de discours de Nelson Mandela.
Cette médaille a non seulement souligné sa compétitivité inébranlable sur la scène mondiale, mais elle a également réaffirmé son amour pour un sport qui la passionne depuis toujours.
"C'est un sport très complet qui exige beaucoup de compétences différentes : la technique, la précision, la souplesse, la vitesse, l'interprétation, la capacité cardiaque et pulmonaire, et tout cela dans un milieu auquel nous ne sommes pas habitués, a-t-elle expliqué. Savoir que mon interprétation personnelle ravira le public et les juges me motive énormément. Ce mélange d'art et de sport est tout simplement incroyable à mes yeux. De plus, l'eau a toujours été mon élément, et elle le demeurera à jamais."
Lorsqu'Ona Carbonell parle de natation artistique, elle lève le voile sur un sport qui peut être difficile à décoder pour les non-initiés.
"Dans l'eau, notre monde est presque plus réel... mais à l'envers, en ce sens que nous passons beaucoup de temps chaque jour à flotter, sans poids. Nous passons presque plus d'heures comme en apesanteur que sur Terre, sous l'influence de la gravité.
Dans ces moments-là, nous sommes le plus souvent à l'envers et savons parfaitement où se trouvent la gauche, la droite, le haut et le bas. Nous avons une perception visuelle et sonore différente lorsque notre corps tourne à l'envers dans l'eau. Nous avons toujours des points de référence dans la piscine pour quand nous tournons, que nous sommes très proches les unes des autres en équipe ou que nous réalisons des acrobaties", a-t-elle expliqué.
Une telle poésie exige beaucoup de travail : quatre ans d'entraînement à raison de 10 heures par jour, six jours par semaine, pour atteindre les Jeux Olympiques dans les meilleures conditions possibles pour Ona Carbonell. Pas étonnant donc qu'elle qualifie sa médaille d'argent et sa médaille de bronze à Londres en 2012 de "plus grands triomphes de sa vie".
"C'est magique, c'est indescriptible", a déclaré la Barcelonaise à propos des Jeux Olympiques. "Avant tout, c'est la chance de se rendre compte que tout notre travail, tous nos efforts en valaient la peine. J'ai adoré partager ces moments merveilleux avec des athlètes de pays, âges et convictions différents."
Son amour proclamé et sa passion évidente pour la natation artistique ne la rendent pas aveugle pour autant. En effet, elle croit au pouvoir de tout sport, peu importe sa nature, et plus particulièrement en cette période difficile :
"Le sport en général nous enseigne des valeurs qui nous accompagnent tout au long de notre vie. Je ne sais pas qui je serais sans le sport, et sans tout ce que j'ai appris sur l'être humain."