Le pionnier Henri Schoeman, guéri d’une souche de coronavirus, se concentre désormais sur les Jeux de Tokyo
En 2016, Henri Schoeman est devenu le premier Sud-Africain à remporter une médaille olympique au triathlon. Quatre ans plus tard, le médaillé de bronze à Rio 2016, qui a souffert d’une souche différente de coronavirus à la fin de l'année dernière, a accueilli la période de confinement à bras ouverts, même si celle-ci venait perturber sa préparation pour Tokyo 2020.
Début mars, Henri Schoeman devait se rendre à sa première course des Séries mondiales de triathlon (World Triathlon Series) à Abou Dabi lorsque l'épreuve a été reportée à cause de l'épidémie de COVID-19. Même s'il ne s'attendait pas à la paralysie mondiale qui allait s'en suivre, Schoeman connaissait d'expérience l'effet débilitant d’un nouveau coronavirus, puisqu'il était lui-même tombé malade en septembre.
"Je n'ai vraiment pas passé un bon moment", raconte l'athlète de 28 ans. "Je me souviens avoir tapé "coronavirus" sur Google et n'avoir presque rien trouvé sur la maladie à l'époque. Ce mot est absolument partout maintenant. J'ai été hospitalisé et alité pendant un mois, puis il m'a fallu encore un autre mois pour retrouver toute mes forces. Il faut vraiment faire attention. En tant qu'athlètes, nous repoussons nos limites et notre système immunitaire est soumis à rude épreuve".
Sa maladie est survenue juste après la fin de la saison 2019 et a forcé le Sud-Africain à prendre un long repos. Il en a d'ailleurs profité pour se marier et, chose un peu moins réjouissante, soigner un problème persistant au talon d'Achille. La course d'Abou Dabi devait être la première étape d'une longue saison qui devait le mener jusqu'aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020, une façon d'évaluer son niveau après plusieurs mois de hauts et de bas. Bien que cette première étape ne soit plus à l'ordre du jour, Schoeman conçoit le report des Jeux de douze mois avec philosophie :
"Personnellement, ça ne change pas grand-chose pour moi que les Jeux aient lieu cette année ou l'an prochain, a-t-il expliqué. J'étais content de mon niveau, mais nous bénéficions d'une année supplémentaire pour peut-être gagner en sagesse et réfléchir à des choses que nous aurions peut-être négligées. J'ai pris le temps de me réorganiser. Le report des Jeux a un peu réduit la pression et j'ai pu me fixer des objectifs. Il suffit de prendre un peu de recul et de se remettre au travail."
Schoeman espère décrocher une médaille olympique encore plus belle que celle de bronze remportée à Rio en 2016, où il était monté sur le podium derrière les frères britanniques Alistair et Jonny Brownlee. C'était la première fois que son pays gagnait une médaille olympique au triathlon depuis l'intégration du sport au programme olympique à Sydney, vingt ans auparavant.
Le champion des Jeux du Commonwealth de 2018 a su trouver les points positifs de sa vie en confinement dans la banlieue de Durban. Alors qu'il a parfois du mal à trouver la motivation de plonger dans sa piscine de plus en plus froide (c'est actuellement l'automne en Afrique du Sud) pour "nager" attaché à un élastique, il prend beaucoup de plaisir à courir et travailler sur sa puissance.
La motivation joue un très grand rôle Henri Schoeman - Henri Schoeman
"Pour la natation, ma piscine n'est pas terrible, j'ai du mal à me motiver donc je me fixe des objectifs de 45 minutes à une heure tous les deux jours. Je passe surtout du temps sur le tapis de course, à m'améliorer. Je remarque déjà les effets de quelques semaines de course et d'exercices de rapidité. La situation actuelle a quand même eu des effets vraiment positifs."
Parmi eux, un contre-la-montre de 14 minutes et 16 secondes sur 5 km juste avant que l'Afrique du Sud n'impose des restrictions de déplacement. Cela laisse présager une nouvelle belle performance de l'athlète au moment le plus opportun lors des 18 prochains mois.
Cette capacité d'adaptation est essentielle pour les triathlètes, même en temps normal. Pour Schoeman, le confinement a notamment eu pour effet un nombre croissant de sollicitations, alors que la situation était des plus incertaines pour tout le monde. Les demandes d'interviews et de sponsors lui sont parvenues en quantité importante et il lui aura fallu quelques semaines pour s'adapter à ce nouveau rythme. Il aurait normalement dû passer cette période à s'entraîner pour atteindre son plus grand objectif.
"J'ai fait de mon mieux vis-à-vis des sponsors, parce qu'ils sont en difficulté, comme tout le monde. Je me suis concentré sur les interviews les plus importantes. C'était parfois un peu trop pour moi, mais je pense avoir trouvé une bonne routine. Je suis conscient de ma chance. Il y a sans aucun doute beaucoup de personnes qui ne jouissent pas d'une situation aussi confortable à l'heure actuelle", s'est-il confié.
On ne peut pas non plus oublier l'omniprésence des réseaux sociaux. Schoeman reconnaît être toujours un peu resté dans sa propre bulle lors des entraînements de groupe, mais il aime passer en revue les messages qu'il reçoit et découvrir les histoires des personnes qui le suivent.
"On décroche une médaille olympique pour une bonne raison, et je pense que c'est pour ça que des personnes me contactent. Quand j'étais jeune, je voulais savoir comment les athlètes avaient réussi à obtenir leurs médailles, comment ils s'étaient entraînés, ce qu'ils avaient fait. Donc j'essaye d'aider les générations plus jeunes et de les inspirer de cette façon. Je réponds à ceux qui me demandent des conseils ou me demandent comment garder la motivation en confinement."
La Fédération internationale de triathlon a récemment annoncé que son premier événement des World Triathlon Series aura lieu à Hambourg, en Allemagne, en septembre. Une bonne nouvelle pour Schoeman et ses collègues triathlètes qui attendent le retour de la compétition avec impatience. Cependant, sa participation est loin d'être garantie.
"Les déplacements à l'international sont encore très flous, ça va demander beaucoup de logistique, a-t-il déclaré. Devrons-nous être placés en quarantaine, par exemple ? Mais c'est super d'avoir une course programmée. J'ai hâte de retrouver la ligne de départ. Si je peux m'y rendre, j'irai, quel que soit mon niveau d'entraînement."