La « Judo Girl » du Bhoutan combat pour que cet art martial s’épanouisse dans son pays
En participant aux Jeux Olympiques de la Jeunesse de Buenos Aires 2018, Yangchen Wangmo, 16 ans, est en train d’ouvrir une brèche pour le judo au Bhoutan, petit pays himalayen passionné de tir à l’arc, grâce à l’aide d’une source inattendue.
À Thimphu, la capitale du Bhoutan, sa ville natale, Yangchen est simplement connue sous le nom de "Judo Girl". Le tir à l’arc est le sport numéro un de ce pays minuscule où la simple évocation du judo, un sport qui n’existait même pas au Bhoutan il y a 10 ans, a tendance à susciter un mélange de curiosité et de regards perplexes.
L’intrépide Yangchen a cependant l’intention de changer tout cela. Elle a fait un grand pas en direction de son objectif en concourant dans la catégorie des moins de 44 kg femmes à Buenos Aires 2018, dimanche 7 octobre, devenant ainsi la première judoka à représenter le Bhoutan dans une compétition olympique.
« Peu de gens connaissent le judo dans notre pays », dit la jeune fille qui a enfilé son premier kimono à l’âge de neuf ans, après avoir essayé le tir à l’arc. « Il n’y a qu’un seul club qui n’a été créé qu’en 2010 et qui compte à peine 50 à 60 membres, en majorité des garçons. Il n’y a que 15 ou 16 filles. J’ai pensé que ce serait un bon moyen d’autodéfense car les filles sont confrontées à de nombreux risques. »
Yangchen Wangmo a montré de telles prédispositions pour ce sport qu’elle a remporté une médaille de bronze à la Coupe d’Asie cadette 2018 à Hong Kong. Bien qu’elle ait perdu ses deux combats à Buenos Aires 2018, en tombant notamment sur la future médaillée d’argent indienne Tababi Devi Thangjam, il faut espérer que sa seule participation à la compétition contribuera à faire connaître ce sport au Bhoutan.
« L’un des problèmes que nous avons rencontrés », explique Karma Dorji, président de l’Association bhoutanaise de judo, « c’est que si les Bhoutanais connaissent bien les arts martiaux comme le karaté, le kung-fu et le taekwondo du fait de films célèbres, il n’existe pas de films très connus associés au judo. Les gens n’en ont donc pas entendu parler. »
« Nous avons essayé de nous procurer de vieux films japonais sur le judo, comme le film d’animation Yawara, et de les doubler dans la langue locale pour sensibiliser les gens, mais il a été très difficile d’obtenir les droits », ajoute-t-il.
Faire pratiquer les arts martiaux aux filles est un bon moyen de changer les représentations et les opinions. Karma Dorji président de l’Association bhoutanaise de judo - Karma Dorji président de l’Association bhoutanaise de judo
« Le judo, c’est une question de vitesse et de timing, et je dois m’entraîner davantage », précise Yangchen. « Je n’ai pas beaucoup d’opportunités parce qu’il n’y a qu’un seul club au Bhoutan et les athlètes n’ont donc pas la possibilité de progresser. Nous avons besoin d’acquérir plus d’expérience face à des adversaires plus forts. »
Mais le financement faisant cruellement défaut, les judokas bhoutanais doivent se contenter de quelques compétitions continentales par an.
« Nous sommes l’une des dernières fédérations sportives affiliées au Comité National Olympique du Bhoutan », explique Karma Dorji. « Nous ne recevons donc pas un grand soutien financier, seulement 11 000 USD par an, que nous utilisons pour aider des athlètes comme Yangchen à concourir à l’étranger. »
Cependant, l’aide pourrait bientôt arriver en provenance d’une source inattendue, le gouvernement japonais montrant son intérêt pour la promotion du judo au Bhoutan.
« Pour l’instant, la seule salle de judo qui existe au Bhoutan est fournie gracieusement par une école privée locale, mais elle est très petite et nous n’avons pas la capacité d’accueillir de nouveaux membres », poursuit Karma Dorji.
« Nous sommes cependant actuellement en négociations avec le Japon, qui a accepté de parrainer la construction d’une nouvelle salle. Une fois les travaux terminés, d’ici 2019 je l’espère, la situation va radicalement changer et nous serons en mesure de plus que quadrupler notre capacité actuelle. »
L’un de ses principaux objectifs est d’encourager les filles à suivre les exploits de Yangchen Wangmo et à se mettre à ce sport : « Faire pratiquer les arts martiaux aux filles est un bon moyen de changer les représentations et les opinions. Les femmes sont traditionnellement des femmes au foyer au Bhoutan et beaucoup d’entre elles ont encore très peu d’ambition. Mais quand une fille projette un garçon au sol sur un tatami, cette logique-là peut être inversée. »