L'extraordinaire épopée olympique de Clara Hughes se transforme en or à Turin en 2006
Le 25 février 2006, Clara Hughes est sacrée championne olympique du 5 000 m sur l'ovale de glace de Turin. Couronnée en patinage de vitesse, où elle totalise quatre médailles en tout, elle est aussi montée sur les podiums du cyclisme sur route dix ans plus tôt à Atlanta. La championne canadienne est la seul athlète multi-médaillée aux Jeux d'hiver et d'été.
Si comme elle l'explique, ses aventures olympiques (trois éditions des Jeux d'été, autant de Jeux d'hiver) "se sont pour la plupart achevées avec des médailles", mais ajoute-t-elle "elles ne définissent pas ce qu'ont été ces expériences", l'extraordinaire carrière sportive de Clara Hughes connaît son point d'orgue le 25 février 2006 sur l'ovale du Lingotto de Turin. Comme elle le dit, "c'est la seule fois où j'ai gagné les Jeux !" Elle s'impose sur 5 000 m, patinant dans la 8e et dernière paire face à la triple tenante du titre allemande Claudia Pechstein.
Elle raconte : "Je me souviens l'avoir regardée en me disant "elle pense qu'elle va encore gagner", puis "quelque chose de très spécial va se produire ce soir." Au départ, j'étais derrière elle. Puis au fil des tours, j'ai commencé à la rattraper. D'un seul coup, à deux boucles de la fin, nous patinions côte à côte. Ça faisait mal, à ce moment, j'ai baissé la tête, j'ai allongé le pas, je suis devenue plus forte et j'ai attaqué comme si je me battais pour ma vie. Je me souviens que je pleurais presque de douleur. Je suis arrivée dans la ligne droite finale, j'ai jeté mon patin sur la ligne d'arrivée et en regardant mon temps, j'ai vu "6 minutes 59 secondes", en pensant que mes coéquipières avaient patiné en 7 minutes (comme toutes les autres concurrentes). Je venais de devenir championne olympique !" Il s'agit de sa cinquième médaille olympique, la plus belle, mais pas encore la dernière !
Une enfance difficile avant la révélation et les podiums à Atlanta 1996
Clara Hughes naît le 27 septembre 1972 dans la grande ville de Winnipeg, capitale de l'État canadien du Manitoba. Elle connaît une enfance particulièrement difficile, père alcoolique, séparation de ses parents quand elle a 9 ans. " Ma sœur et moi traînions dans la rue. Nous touchions toutes deux à l'alcool et aux drogues. Ça a commencé quand j'avais 12 ans. À 16 ans, je n'allais plus à l'école… Je buvais beaucoup… Je voulais tout simplement m'autodétruire".
Et puis c'est la révélation. En zappant sur sa télévision, elle tombe sur les épreuves de patinage de vitesse des Jeux de Calgary 1988. Elle voit son compatriote champion olympique 1984 des 1 000 m et 1 500 m Gaétan Boucher défendre son titre du 1 500 m pour ce qui est sa dernière course olympique. Le patineur québécois démarre sur un rythme de record du monde puis s'effondre dans le dernier tour et termine à la neuvième place. "Il a alors secoué la tête comme s'il avait échoué. Voir quelqu'un se faire si mal pour obtenir quelque chose, c'est vraiment la première fois où je me suis connectée avec quelque chose de positif. Et cet après-midi-là, ma vie a changé. Je ne savais pas quand, ni comment, ni pourquoi, ni où, mais j'étais certaine que j'irais un jour au Jeux Olympiques."
Elle commence donc à 16 ans par le patinage de vitesse, mais très rapidement, Clara Hughes est recrutée par une équipe de cyclisme. Particulièrement douée, endurante, rapide, elle fait des étincelles sur la route, se retrouve en équipe nationale et dispute ses premiers Jeux à 23 ans, en 1996 à Atlanta. Dans l'épreuve en ligne sur route, elle se retrouve dans l'emballage final pour le podium, la Française Jeannie Longo l'emporte au sprint, devant l'Italienne Imelda Chiappa et Clara Hughes qui s'adjuge la médaille de bronze. Douze jours plus tard, elle monte à nouveau sur le podium, troisième du contre-la-montre sur route à 13/100e de Jeannie Longo, médaillée d'argent, et à moins d'une seconde de la médaillée d'or russe, Zulfiya Zabirova.
Première médaillée olympique canadienne sur la route, elle connaît ensuite un sévère contrecoup, plongeant dans un état dépressif dont elle peine à se relever. Mais Clara Hughes remonte la pente et dispute ses deuxièmes Jeux à Sydney en 2000. Elle se classe 43e de l'épreuve en ligne et 6e du contre-la-montre. "Ces courses restent à ce jour celles dont je suis la plus fière. Parce qu'elles m’ont appris qu'il ne s'agit pas seulement de médailles ; il s'agit d'excellence et de cette merveilleuse chose qui s'appelle "essayer"'. C'est ce qui m'a ramenée vers le patinage de vitesse. J'avais 27 ans. C'est quelque chose qui n'apparaît même pas possible !"
Une nouvelle carrière couronnée de succès en patinage de vitesse
Comme le dit le quadruple champion olympique norvégien Johan Olav Koss, héros des Jeux de Lillehammer 1994, "Je ne pense pas avoir jamais vu ça dans l'histoire du patinage de vitesse. Quelqu'un qui n'a pas grandi avec des patins, qui ne sait pas comment patiner comme ceux qui ont appris depuis leur plus tendre enfance : sa détermination, sa passion pour le sport, son amour de la glisse sur les anneaux glacés ont fait d'elle la meilleure mondiale dans ce sport !' . En sept semaines, elle intègre l'équipe nationale ; en trois mois, elle obtient son premier top 10 aux championnats du monde ; en dix-sept mois, elle se retrouve aux Jeux d'hiver de Salt Lake City 2002 où elle remporte sa première médaille sur la glace, le bronze à l'arrivée du 5 000 m.
Championne du monde sur la distance en 2004 à Séoul (Clara Hughes remportera en tout six médailles aux Championnats du monde de patinage de vitesse, jusqu'en 2008), elle connaît ensuite ce triomphe aux Jeux de Turin 2006, où en compagnie de Kristina Grove et Cindy Classen, elle gagne également la médaille d'argent de la poursuite par équipes. Les Canadiennes sont devancées en finale par les Allemandes.
Quatre ans plus tard à Vancouver, Clara Hughes est la porte-drapeau de la délégation canadienne lors de Ia cérémonie d'ouverture. Sur l’ovale olympique de Richmond, elle termine 5e du 3000 m, puis, se remémore-t-elle, "je n'ai pas conservé mon titre du 5 000 m mais je me suis classée 3e, en patinant mieux que je ne l'avais jamais fait de toute ma vie. Quand j'ai franchi la ligne d'arrivée, je me souviens m'être dit. "C'est terminé pour moi". Aux Jeux d'hiver, oui, mais pas aux Jeux d'été, puisqu'on la retrouve sur son vélo à Londres en 2012, où elle prend la 5e place du contre-la-montre.
Si elle fait partie des cinq athlètes qui ont gagné des médailles aux Jeux d'été et d'hiver, Clara Hughes est la seule à être montée sur plusieurs podiums dans chaque édition. Deux médailles de bronze en cyclisme, une en or, une en argent et deux en bronze en patinage de vitesse. "De là où je viens, je n'aurais jamais dû accomplir ce que j'ai réussi. Mais si j'ai pu le faire, alors tout le monde le peut. Enfant, le sport m'a transformée et m'a donné une direction dans la vie. Cela m'a donné une vie, et je ne pourrai jamais l'oublier."