Il y a quatorze ans à Turin, Kjetil Andre Aamodt remportait son 4e titre record en ski alpin
Huit podiums olympiques, quatre médailles d'or : personne n'a jamais fait mieux en ski alpin aux Jeux Olympiques. De son premier à son dernier titre, Kjetil Andre Aamodt a su s'imposer en Supersuper-G là où personne ne l'attendait : jeune inconnu de 19 ans à Albertville en 1992 et quatorze ans plus tard à Turin, outsider de 34 ans se trouvant le seul à réellement croire en lui. Quelle histoire !
Le 16 février 1992, dans le brouillard, sur la redoutable face de Bellevarde de Val d’Isère, Kjetil Andre Aamodt, 19 ans, crée la surprise. Le jeune skieur sélectionné à la dernière minute dans l'équipe de Norvège pour les Jeux d’Albertville (à la suite de la blessure et du forfait d’Atle Skaardal) remporte une victoire éclatante dans le super-G. Parti avec le dossard n° 3, il commet une grosse erreur après 34 secondes de course, ce qui expliquera-t-il "enlève toute la pression, puisque vous n’avez plus rien à perdre", puis il file vers la ligne d’arrivée pour l’emporter en 1:13.04 avec 71/100e d’avance sur le légendaire Marc Girardelli. Il devient le premier champion olympique norvégien du ski alpin en 40 ans et reste à ce jour le plus jeune médaillé d'or de son sport aux Jeux.
Il prend également la médaille de bronze du slalom géant remporté par Alberto Tomba. Cette entrée fracassante sur la grande scène olympique, pour le double champion du monde junior 1990, marque le début d’une fabuleuse carrière qui se conclura 14 ans plus tard avec un nouveau titre olympique en super-G et un record absolu de huit médailles en ski alpin.
Durant une décennie entière, Kjetil André Aamodt est l'un des protagonistes majeurs du circuit international du ski alpin : coupe du monde, championnats du monde, Jeux Olympiques. Il est l'un des rares skieurs polyvalents capables de s’imposer dans toutes les disciplines, et même s’il brille particulièrement en super-G, géant et combiné, il obtient également des victoires en slalom et en descente. En 1993, le champion d’Oslo remporte ses deux premiers globes de cristal, ceux du super-G et du géant, et termine 2e du classement général derrière Marc Girardelli. La même année, il est sacré champion du monde de slalom à Morioka (Japon), gagne également le géant et prend l’argent en combiné !
Trois médailles à Lillehammer, pas de podium à Nagano, deux titres à Salt Lake City !
Ainsi que Kjetil Andre Aamodt l'a déclaré : "Quand j’ai disputé les Jeux de Lillehammer en 1994, j’ai gagné trois médailles mais pas d’or. J’étais sur mes terres, j’étais l'un des favoris, et c’est le mental qui m’a éloigné de l’or. Je n’ai pas pu me relâcher. J’ai été battu de 4 centièmes de seconde dans la descente !" Il a terminé 2e derrière l’Américain Tommy Moe dans cette épreuve, puis troisième du super-G à 40/100e du vainqueur allemand Markus Wasmeier et à nouveau médaillé d’argent dans le combiné gagné par son compatriote Lasse Kjus.
Mais en fin de saison, Kjetil Andre Aamodt remporte le classement général de la Coupe du monde. Le seul "gros globe" de son immense carrière.
Kjetil Andre Aamodt n’est pas dans sa meilleure forme sur les pistes de Hakuba et de Shiga Kogen lors des Jeux de Nagano 1998 où il n’obtient aucun résultat significatif. À la même époque, il s’adjuge trois titres mondiaux du combiné : à Sestrières en 1997, à Vail en 1999 et à Sankt-Anton en 2001. Le voilà à nouveau parmi les favoris dans l’Utah, pour les Jeux de Salt Lake City 2002.
Il commence par gagner le combiné en prenant une belle avance dans la descente avant de maîtriser l’Américain Bode Miller dans le slalom. Puis il remporte son deuxième titre olympique du super-G, dix ans jour pour jour après l'or d'Albertville, sur la piste de vitesse de Snowbasin. "J’étais très heureux, je n’étais pas le grand favori, mais quand vous avez déjà une victoire en poche, c’est plus facile de gagner la suivante ! J’avais le même numéro de dossard qu’à Albertville (le n° 3), c’était dix ans plus tard, et j'avais réalisé une excellente inspection, ce qui est crucial dans cette discipline."
En octobre 2003, le skieur norvégien se blesse gravement au genou droit en chutant à l'entraînement. Il rate toute la saison puis revient en 2005 pour n'obtenir "que des résultats médiocres" comme il le soulignera. Lors de l'hiver olympique 2005-2006, Kjetil Andre Aamodt recommence à monter sur les podiums en Coupe du monde, sans obtenir de victoire. Il n'a en fait plus rien gagné depuis le combiné de Wengen en janvier 2003.
Le 18 février 2006, le quatrième titre que personne n'attendait
Il arrive à Turin pour ses cinquièmes Jeux en se disant qu'il a toutes ses chances. Sa première course est la descente. "J’ai fait deux grosses erreurs et je me suis fait mal au genou. J'ai terminé en quatrième position, à 3/100e du bronze. Ensuite, je n'ai pas disputé le combiné et je n'ai pas pu défendre mon titre, mon genou me faisait trop mal, c'était triste, mais d'un autre côté, j'avais 34 ans, c'était la fin de ma carrière, et ça n'était pas si important que ça. C'était la première fois que je ressentais ça : je pouvais courir, rater et ça n'était pas la fin du monde." Et de poursuivre : "Pour le super-G, je me suis dit : "OK, j'ai fait deux grosses erreurs dans la descente et j'ai quand même fini quatrième, je suis capable de gagner, je suis assez bon pour ça. Personne ne croyait en moi, les observateurs pensaient : "Il a été blessé, il ne sera plus jamais au top", mais moi, je savais et mon entourage aussi !"
Dans la matinée du 18 février, il neige sévèrement sur la piste Banchetta de Sestrières. Le départ est donné, les quinze premiers coureurs s'élancent sur le parcours, puis la direction de course décide d'arrêter les frais. Le résultat partiel est annulé, et le départ est redonné plus tard, alors que le soleil est revenu sur la station piémontaise. Kjetil Andre Aamodt porte le dossard n° 25.
"Je faisais donc partie des coureurs qui n'étaient pas encore descendus sur le tracé. Normalement, c'est un gros avantage de l'avoir déjà parcouru. Mais bon, je n'avais rien à perdre, je n'avais qu'à laisser aller les skis. Hermann Maier était à l'époque le meilleur coureur de super-G du monde, il partait avec le n°30. J'étais classé 6e mondial dans la discipline."
"Quand j'ai pris le départ, mon genou me faisait encore mal, mais pas assez pour me faire perdre l'équilibre. La 2e porte se passait en aveugle, je l'ai parfaitement négociée. Puis j'ai utilisé toute ma puissance, j'ai attaqué toutes les portes, et j'étais rapide. J'étais devant au premier intermédiaire, j'avais les bons skis, puis dans la section de plat, j'avais une demi-seconde d'avance. Il y avait ensuite la partie technique. Je me suis tenu loin des portes, au milieu de la ligne, c'était techniquement la bonne chose à faire. Sur la fin, avec le dernier saut, je savais exactement comment attaquer. En bas, je savais que j'avais fait une très bonne course, alors je suis devenu un peu passif sur les dernières portes. J'ai donc perdu un peu de temps, mais c'était suffisant pour gagner la course, et une si belle façon de terminer ma carrière !" Soit 33/100e d'avance sur le Suisse Ambrosi Hoffmann qui s'est élancé avant lui (n° 22), alors que parti avec le dossard n° 30, Hermann Maier termine à 13/100e et décroche la médaille d'argent.
À 34 ans, Kjetil Andre Aamodt est le plus vieux médaillé d'or du ski alpin après avoir été le plus jeune ; ce record sera battu par son compatriote Aksel Lund Svindal, sacré champion olympique de la descente à PyeongChang 2018 à 35 ans passés. Mais sa dernière médaille d'or est la quatrième, et personne n'a jamais fait mieux en ski alpin. Il en va de même pour son total de huit podiums.
"J'ai eu beaucoup de chance sur la scène olympique, et cela m'a donné beaucoup d'occasions dans la vie. J'en suis très, très reconnaissant", confie le champion qui s'est retiré de la scène sportive un mois après son dernier sacre olympique et qui reste l'un des plus grands champions du pays n° 1 des sports d'hiver.