Joss Christensen, d'un sauvetage limite en sélection à la gloire olympique

Joss Christensen n'aurait logiquement pas dû disputer les Jeux de Sotchi 2014. Le skieur acrobatique n'avait en effet pas rempli les critères de sélection dans l'équipe américaine. Mais celle-ci gardait une "place discrétionnaire" qui lui a finalement été attribuée à sa plus grande surprise, et Joss Christensen est entré dans l'histoire en devenant le premier champion olympique du slopestyle à ski !

Joss Christensen, d'un sauvetage limite en sélection à la gloire olympique
(Getty Images)

Les places dans l'équipe américaine pour les nouvelles épreuves de ski acrobatique (half-pipe et slopestyle) au programme des Jeux d'hiver de Sotchi sont très chères. De grands champions et championnes se les disputent. Les critères de sélection olympiques sont simples : réaliser au minimum deux podiums dans cinq épreuves internationales désignées par l'encadrement. Pratiquement toutes les places dans l'équipe sont ainsi prises par ceux qui obtiennent automatiquement leur billet pour la Russie. Ce qui n'est pas le cas d'un jeune athlète de 22 ans, Joss Christensen de Park City. Il est même loin du compte. Il a aussi eu l'infinie tristesse durant l'hiver de perdre son père, qui avait toujours soutenu son rêve.

Le coup de fil du bonheur à moins de trois semaines des Jeux !

Finalement, la dernière des cinq épreuves qualificatives en slopestyle se déroule dans sa station olympique de l'Utah, et il la remporte ! Mais ce n'est pas suffisant : les critères tels qu'édictés ne sont pas remplis. Joss Christensen garde toutefois l'espoir de récupérer la "place discrétionnaire" réservée par l'encadrement américain. "C'était le stress total", a-t-il raconté. "Ils en ont sélectionné trois sur quatre (Gus Kenworthy, Nick Goepper et Bobby Brown) après la dernière épreuve qualificative et il ne me restait plus qu'à me rasseoir et à attendre que les entraîneurs prennent leur décision".

Dans la balance, il y a aussi le glorieux Tom Wallisch qui n'est autre que le champion du monde en titre de la discipline. Arrive la fin janvier 2014, et comme l'a confié Joss Christensen, il commence par rater un appel de son encadrement, car il est au volant dans une zone sans réseau. Quelques heures plus tard, il arrive à destination (Aspen pour les X Games), et peut enfin prendre l'appel, sans avoir la moindre idée de ce qu'il va entendre. À l'autre bout du fil, Joss apprend qu'il va pouvoir faire ses valises pour Sotchi !

Le trick qui assomme la concurrence

À pied d'œuvre à Rosa Khutor un peu plus de deux semaines plus tard, l'invité surprise de l'équipe américaine de ski acrobatique commence par connaître un grand bonheur : au premier jour de compétition, le 8 février, son copain d'enfance Sage Kotsenburg inaugure le slopestyle snowboard olympique en s'imposant devant le Norvégien Stale Sandbech et le Canadien Mark McMorris. "Et donc, tout a commencé merveilleusement pour moi ! J'ai pensé que c'était le plus beau jour de ma vie, puisque mon meilleur ami avait gagné les Jeux", expliquera celui qui n'a, à ce moment précis, aucune idée de ce que sa compétition va lui réserver.

Mais il la prépare activement, mettant notamment au point à l'entraînement dans la semaine qui précède son entrée en lice un nouveau trick de la plus haute difficulté, le "switch triple 1260 Japan" qu'il n'a donc jamais encore tenté et encore moins lancé en compétition. Enfin, le 13 février sous un beau soleil, c'est parti, et ce sera à qui réussira les figures les plus folles en tournoyant dans toutes les positions, qui s'envolera le plus haut, et qui parviendra, à l’envers ou à l’endroit, à rester impeccable sur ses réceptions.

Et Joss Christensen assomme la compétition ! Dès son premier run, tout s'enchaîne impeccablement avant son dernier saut où il lance cet incroyable trick : départ à l'envers pour trois rotations en tenant un de ses skis par l'avant, réception parfaite. Les juges lui accordent un score de 95,80 que plus personne ne pourra approcher. Et ce n'est pas tout : Joss Christensen obtient… la 2e meilleure note de la compétition (93,80) lors de son second run tout aussi étincelant, pour une victoire incontestable et incontestée devant deux coéquipiers, Gus Kenworthy (93,60) et Nick Goepper (92,40).

"C’est définitivement un grand honneur pour moi d’avoir obtenu ma sélection. Je voulais montrer à tout le monde que c’était un bon choix, et si possible me le montrer à moi-même. Je n’ai pas voulu me mettre trop de pression. J’ai juste essayé de réaliser une belle compétition, de faire de mon mieux, et de m’amuser. Je pense que ça a marché !", dit-il à chaud. "Sans ce trick, je n'aurais pas gagné."

"J'ai eu beaucoup de chance"

Il expliquera aussi qu'il a réussi le meilleur run de sa carrière, et que ça a été le plus beau jour de sa vie. "Le parcours était vraiment excellent à Sotchi. Les sauts étaient énormes, les rails parfaits, il y avait plein d'options variées et le niveau de ski était le meilleur que notre sport ait jamais connu. Alors, avoir réussi à monter sur la plus haute marche du podium ce jour-là, çà a carrément été énorme pour moi ! Si je n'avais pas réussi à aller aux Jeux, je ne suis pas sûr que j'aurais été capable de me motiver à continuer le ski. Je pensais retourner à l'école et peut-être à prendre un autre chemin. Mais les Jeux m'ont apporté tellement d'opportunités ! Finalement, j'ai eu beaucoup de chance de pouvoir continuer !"

Ce titre olympique inattendu lance réellement sa carrière. Joss Christensen devient l'un des meilleurs spécialistes de son pays, remporte ses premières victoires en Coupe du monde, s'adjuge une médaille d'argent aux X-Games 2015, mais subit également des blessures, et doit se faire opérer du genou en 2016, ce qui l'écarte huit mois des pistes. À l'approche de ce nouvel hiver olympique, Joss Christensen n'a pas l'intention de revivre les mêmes angoisses qu'en 2014. C'est un champion désormais confirmé et en pleine confiance qui a bien l'intention de défendre son titre sur le parcours du Bokwang Phoenix Park en février 2018 !

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