« Dessine-moi une piste de ski » : Bernhard Russi raconte son histoire

Bernhard Russi a consacré toute sa vie à sa passion : le ski, et plus précisément la descente. D’abord comme champion du monde et médaillé d’or olympique dans les années 1970, puis depuis 1988 comme concepteur des parcours olympiques de vitesse, à l'instar de celui de PyeongChang, ville hôte des prochains Jeux Olympiques d’hiver. Le Musée Olympique de Lausanne vous propose de découvrir son histoire, telle qu'il la raconte.

« Dessine-moi une piste de ski » : Bernhard Russi raconte son histoire
(IOC/Kishimoto)

"Je suis né Andermatt, ça veut dire dans la montagne, en hiver, dans la neige. Mes parents m'ont toujours dit que je savais skier avant de marcher. J'ai fait mon apprentissage ici dans le canton d'Uri, ensuite, j'ai décidé d'essayer de devenir skieur professionnel, et c'est ce que j'ai fait jusqu'à l'âge de 30 ans. Puis j'ai découvert un travail qui s'appelle "architecte de pistes". Ainsi se présente Bernhard Russi, l'homme qui dessine et crée parfois de toutes pièces les pistes de descente des Jeux Olympiques d'hiver. 

Champion du monde, champion olympique 

Le 15 février 1970, Russi, 22 ans, dispute sa première grande course internationale et s’impose en bas de la Sasslong de Val Gardena à la barbe de tous les favoris pour être sacré champion du monde de descente. Il s’apprête dès lors à passer toute la décennie aux avant-postes, partageant les honneurs avec d’autres légendes de son sport, comme l’Autrichien Franz Klammer. Au milieu de ses 28 podiums et de ses 10 victoires en Coupe du monde, il remporte la médaille d’or lors des Jeux Olympiques de Sapporo en 1972 et se classe 2e derrière Klammer lors de ceux de 1976 à Innsbruck, toujours et exclusivement en descente. 

"Mon meilleur souvenir à Sapporo, ce n'est pas le moment sur l'aire d'arrivée, ni celui où j'étais entouré par plein de monde, c'est quand je me suis retrouvé tout seul pour la première fois, dans ma chambre, et c'est là que je me suis rendu compte de ce qui s'était passé," raconte-t-il. "La deuxième fois à Innsbruck, j'avais le dossard N°3. J'ai signé le meilleur temps et j'ai pu attendre, assister au spectacle. J'ai adoré le show. C'était fantastique. Je n'ai pas perdu l'or, j'ai gagné l'argent !" Après un dernier podium à Cortina d’Ampezzo en 1977 à Noël, Bernhard Russi prend sa retraite sportive au terme de la saison. Il ne s’éloignera jamais de sa passion. 

L'architecte des pistes de vitesse olympiques 

"Déjà quand j'étais coureur, comme tous les athlètes j'aimais bien râler, dire ce qui ne marchait pas, et comment faire mieux. Une fois que j'ai arrêté ma carrière, le président de la FIS Marc Hodler m'a appelé et m'a demandé d'aller à Calgary pour lui faire un rapport sur les pistes qu'ils voulaient réaliser pour les Jeux d'hiver de 1988. En rentrant, j'ai dit : "La piste est bonne, mais..." Et je crois que c'est ce "mais" qui m'a fait devenir architecte des pistes. Ce "mais" voulait dire : "Je pense que la montagne est assez bien, mais il faudrait quand même changer certaines choses. La réponse fut : "Montrez-nous ce à quoi vous avez pensé !"

Bernhard Russi devient alors le concepteur patenté des descentes olympiques. Parfois à partir d’un terrain vierge : survol des massifs en hélicoptère, relevés topographiques en main puis skis aux pieds, pour choisir la bonne pente où brilleront les champions, comme à Kvitfjell pour créer l’Olympiabakken, la piste de descente des Jeux Olympiques de Lillehammer 1994 utilisée depuis lors chaque année en Coupe du monde, ou plus récemment à Jeongseon pour concevoir la piste de vitesse des Jeux de PyeongChang 2018. Parfois aussi en imaginant les lignes idéales sur des pistes existantes, comme pour la Face de Bellevarde de Val d’Isère, spectaculaire théâtre des Jeux Olympiques d’Albertville 1992, la Grizzly de Snowbasin sur laquelle la descente des Jeux de Salt Lake City 2002 fut disputée, ou encore la Banchetta de Sestrières pour celle de Turin en 2006.  

Dessiner la piste de vitesse de Jeongseon 

"Je dois aller à la montagne et je dois écouter ce qu'elle me raconte. Je dois comprendre la nature, le caractère de l'environnement, je ne peux pas m'y rendre avec une idée fixe. Je dois étudier la montagne et essayer de trouver le juste équilibre avec les difficultés que nous recherchons et que nous n'essayons pas d'éliminer. Si je laisse les difficultés, cela fait moins de travaux, cela coûte moins cher, et c'est plus sûr puisque le traceur est obligé de créer des points de freinage, ce qui rend le tracé moins dangereux. En fait mon but personnel quand je commence à concevoir une descente, c'est de donner aux meilleurs skieurs du monde la chance de montrer ce qu'ils savent faire."

Ainsi, le processus de création de la piste de Jeongseon remonte au début des années 1990. Bernhard Russi a choisi le bon endroit, s'est baladé dans la nature sauvage, cartes au millième en main. Et s’il avait un conseil à donner aux champions qui vont défendre leurs chances à PyeongChang en 2018, il leur dirait : "Tu dois aimer l'air plus que la neige. Parce que si j'additionne la longueur de tous les sauts, les coureurs vont être dans les airs sur plus de 300 m, soit 10% de toute la course !" 

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