Exclusif | De retour à l'entraînement, Pierre-Ambroise Bosse vise toujours Paris 2024 : « Il faut être joueur ! »
Champion du monde 2017 du 800 m, le Français Pierre-Ambroise Bosse s’est confié à Olympics.com à l’occasion de son récent retour à l’entraînement, après son opération de l’ischio-jambier et sa récidive de blessure qui l’ont éloigné de la piste depuis 2022. Dans cette interview exclusive, il parle de son projet ambitieux de revenir au plus haut niveau pour espérer participer aux Jeux Olympiques de Paris 2024, à domicile.
Pierre-Ambroise Bosse (PAB) avait marqué les esprits en finale du 800 m lors des Mondiaux d’athlétisme 2017, à Londres, au Royaume-Uni, lorsqu’il avait pris les commandes de la course assez tôt pour surprendre les favoris. Et son incroyable coup de poker avait payé !
Champion du monde en 1 min 44 s 67 après avoir échoué au pied du podium aux Jeux de Rio 2016, il a ensuite été éliminé avant la finale aux Jeux de Tokyo. PAB n’a donc toujours pas pu réaliser son rêve olympique mais il a fait des Jeux à domicile son objectif principal.
Victime d’une blessure à l’ischio-jambier en 2022, Bosse a subi une opération en fin d’année. Il avait alors repris la compétition au printemps 2023, mais une récidive l’a de nouveau contraint à s’éloigner des pistes d’athlétisme.
Bien que déterminé à revenir au plus haut niveau cette saison si sa forme le lui permet, il est bien conscient que la concurrence est rude dans sa discipline, notamment en équipe de France. Car lors des Jeux l'été prochain, il ne devrait y avoir que trois Français maximum au départ du 800 m (voir plus bas). Et trois tricolores étaient déjà en demi-finale des Mondiaux 2023 : Gabriel Tual, Benjamin Robert et Yanis Meziane. Lequel de ces quatre mousquetaires ne sera pas aligné à Paris 2024 ?
Avec son nouvel objectif olympique en ligne de mire, PAB s’est confié à Olympics.com lors d’une interview exclusive, évoquant sa forme, sa gestion des blessures, son calendrier, la concurrence et son état d'esprit, qui n'a jamais changé.
Les Comités Olympiques Nationaux (CNO) étant les seules autorités habilitées à déterminer qui représentera leur pays aux Jeux Olympiques, la participation de chaque athlète français aux Jeux de Paris 2024 sera de fait du ressort de la Commission consultative des sélections olympiques (CCSO) du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF), qui sélectionnera sa délégation nationale à Paris.
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Le calendrier sportif de Pierre-Ambroise Bosse jusqu'à Paris 2024
Olympics.com : Dans l'immédiat, quel est votre calendrier pour espérer courir le 800 mètres à Paris 2024 l'été prochain ?
Pierre-Ambroise Bosse : [Rires] Ça ne va pas être facile d'y être, déjà. Donc je vais tout faire pour revenir. Je reviens de blessure, […] d'une opération de l'ischio-jambier assez grave... J'ai même fait une récidive là-dessus, ce qui m'a empêché de faire une saison 2023. Donc ça commence à faire pas mal d'années que je fais, entre guillemets, des années avec peu de compétitions. Ça me manque un peu.
Y a-t-il des courses prévues pour la saison en salle cet hiver ?
Non, je ne pense pas. Je pars de trop loin là... [Rires] Je n'aurai pas le temps d'être [prêt] à ce moment-là.
La gestion des blessures pour la santé mentale, selon Pierre-Ambroise Bosse
Le 10 octobre, c'était la Journée mondiale de la santé mentale. Comment ce type de blessure et de récidive peut être géré au quotidien, après tous ces pépins physiques ?
Ce n'est jamais facile. Après, à un moment donné, c'est ce que l'on appelle la résilience. On y va, on casse des barrières et puis on se plante. On continue à y aller. Forcément, il y a de moins en moins de monde qui y croit. Je ne parle pas forcément de mon cas : je parle des gens qui se blessent et qui, petit à petit, sont de moins en moins vus. On va dire que c'est le quotidien d'une carrière d'un sportif de haut niveau. Il y a beaucoup de blessures. […] En athlé, vous ne verrez pas une seule personne qui ne s'est pas blessée une fois.
Pour moi, les douleurs tendineuses sont [embêtantes] parce que ce sont toujours les mêmes, en fait. Ce n'est pas un muscle, ce n'est pas un os qui se répare vite. C'est un truc qui peut rester très longtemps et quasiment ne jamais partir. Même après une carrière, il y a des gens qui souffrent encore. C'est un peu ça le pépin pour moi depuis quelques années.
Et avec un projet olympique derrière, comment gérez-vous cela ?
Comment ? Je ne sais pas. Moi, je souhaite aux gens d'avoir des amis importants qui les tirent vers le haut et qui n’abandonnent pas. Car même s'il y en a peu, [il faut qu’ils] soient vraiment de tout cœur avec vous. Moi, c'est ça qui m'a sauvé. C'est ça qui fait que je continue encore aujourd'hui. Ce n'est pas forcément un coach mental ou un psychologue ou un truc, c'est plutôt ceux qui sont présents depuis le début et [...] qui me disent ‘Attends, t'arrête pas, hein ! Déconne pas !’
Et il y a une petite voix aussi […] qui est là, toujours. Elle te dit ‘Non, non’. C'est l'ego, quoi ! [Rires] C'est encore possible en fait. Moi, j'ai vécu des choses dans ma carrière qui m'ont fait dire que même en étant nul, on peut toujours faire un truc parce qu'il y a la mémoire du corps. C'est quelque chose d'assez incroyable, en fait, la mémoire du corps : tu t'es entraîné quatre ans, tu peux arrêter deux ans, recommencer un an et puis remettre la même intensité avec le même niveau. C'est un peu comme le vélo. Donc ça nous fait garder espoir ces choses-là.
Pierre-Ambroise Bosse parle d'une « concurrence saine » sur le 800 m en équipe de France
Parmi les amis que vous avez mentionnés, y a-t-il des « concurrents » de l'équipe de France sur le 800 mètres ? Car il y a pas mal de monde qui est déjà en place aujourd'hui.
C'est clair, ils ont un sacré niveau et ça fait plaisir à voir parce que ce sont de bons gars. Les trois ! [Gabriel] Tual et [Benjamin] Robert, j'ai déjà fait des stages avec eux. Ce n'est pas la même génération, on n'est pas [copains] au sens strict du terme. […] J'ai 31 ans, ils en ont 24 ou 25. Donc on n'a pas participé, comme avec certains de mes amis, à des stages quand on était jeune ensemble et tout, mais on s'entend hyper bien.
Je n'ai pas beaucoup suivi les Championnats du monde [2023] mais, par contre, j'ai regardé les 800 [mètres] ! Vous voyez, c'était important pour moi de suivre leur évolution. Bien sûr, il y a une concurrence, mais c'est une concurrence saine. Puisque même si je veux me qualifier aux JO, la majorité de ma carrière est derrière moi.
Yanis Meziane, c'est un [énorme] plaisir de le voir courir aussi vite maintenant. On a fait deux ou trois sessions ensemble il y a deux ans. Il a des étoiles dans les yeux quand il pense athlétisme : ça se voit qu'il a les crocs. Les trois d'ailleurs ! Ils ont les crocs comme je les avais quand j'avais 20 ans. On se revoit aussi un peu là-dedans. Et puis en plus, ils courent avec leurs tripes.
Ils sont de plus en plus durs à battre. [...] Il ne devrait y avoir que trois athlètes au départ du 800 m. [...] Donc si je veux avoir une chance, il faut déjà que je retrouve [le niveau] et puis que je me confronte à eux aux Championnats de France. Voilà. Mais ça nous tirera tous vers le haut, de toute façon. Ce seront les trois plus méritants qui iront au jeu, il n'y a pas de débat.
Voilà, donc peu importe qui sera aux Jeux, même si moi je n'y suis pas, je prendrai plaisir à les voir porter le maillot de l'équipe de France.
Paris 2024 : un enjeu ambitieux et peut-être un nouveau pari pour Pierre-Ambroise Bosse ?
Donc les Championnats de France, les minima qui sont quand même assez hauts aussi (1 min 44 s 70)... C'est un peu ça l'enjeu pour Paris 2024 ?
Oui, mais les minima, normalement, ça va être une formalité pour les trois. Moi, beaucoup moins puisque je ne cours plus beaucoup. Mon problème, c'est qu'à chaque fois que je vais vite, ça repète. [Rires]. Donc ce n'est plus du tout une formalité pour moi.
En gros, si vous me voyez aux JO, ça veut dire que j'ai réussi mon défi de sportif de retrouver un niveau décent. Et puis après, ce ne sera que du bonus. Et de toute façon, c'est que du bonus pour moi maintenant. Si je vais aux Jeux, j'irai avec cette mentalité-là et c'est celle qui m'a fait gagner des courses quand j'étais plus jeune et que je me prenais moins la tête.
Et si vous avez la chance d'être au départ à Paris l’été prochain, allez-vous refaire le même coup de poker qu’à Londres en 2017 ?
Écoutez, il faut être joueur ! [Rires] On court avec ce qu'on a. Avec un 2 et un 7 dépareillés, il faut aller chercher une quinte !
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