Hajos transforme la tragédie en gloire olympique

Étudiant en architecture, le Hongrois Alfréd Hajós est la star incontestée des épreuves de natation des Jeux de 1896. Né à Budapest où il grandit sous son patronyme d’alors, Alfréd Guttman, ses exploits aquatiques puisent leur source dans la tragédie. Il décide en effet de devenir un bon nageur à l’âge de 13 ans, lorsque son père se noie dans le Danube. Il changera même plus tard son nom en Hajós, qui signifie marin en hongrois.

Hajos transforme la tragédie en gloire olympique

Avant les Jeux Olympiques, Hajós a déjà un bon petit palmarès, puisqu’il a enlevé le titre européen du 100 m nage libre en 1895 et 1896, mais il doit malgré tout se battre pour persuader son université de lui accorder du congé pour se rendre à Athènes.

Dans la capitale grecque, toutes les épreuves de natation se déroulent en pleine mer, dans les eaux froides de la dans la baie de Zea en Méditerranée. Luttant contre les éléments – des vagues de 4 m s’abattent tout autour de lui – Hajós, âgé alors de 18 ans, signe des victoires somptueuses sur 100 m et 1 200 m nage libre, respectivement en 1’22’’2 et 18’22’’1, devenant ainsi le plus jeune champion des premiers Jeux Olympiques.

Pour la plus longue des distances, les nageurs sont transportés au large en bateau et ils doivent revenir sur la rive à la nage. Hajós s’enduit le corps d’une fine couche de graisse, mais cela s’avère une bien piètre protection contre le froid. Il confessera d’ailleurs après avoir gagné la course : « Mon désir de survivre était plus fort que mon envie de gagner ! »

Hajós aurait aimé participer à la troisième épreuve de natation au programme, le 500 m nage libre, mais ses espoirs vont être douchés : coincée entre les deux autres épreuves, cette dernière course ne lui laisse pas suffisamment de temps pour se préparer.

Lors d’un dîner donné en l’honneur des champions olympiques, le prince héritier de Grèce demandera à Hajós – surnommé « le dauphin hongrois » par la presse athénienne – où il a appris à nager si bien, et le champion aura ce bon mot : « Dans l’eau, majesté ! »

Le nageur va bénéficier d’une réception bien plus feutrée à son retour à Budapest où le doyen de l’université polytechnique lui dira : « Vos médailles ne m’intéressent pas, mais je suis impatient d’entendre vos réponses lors de votre prochain examen. »

Hajós montre plus tard son extrême éclectisme sportif, en devenant champion de Hongrie d’athlétisme du 100 m, du 400 m et du disque. Il évoluera également au poste d’avant-centre dans le championnat national de football hongrois et sera même sélectionné pour le tout premier match du onze de Hongrie, le 12 octobre 1902 contre l’Autriche. Entre 1897 et 1904, il est aussi arbitre de football, alors qu’en 1906, il deviendra entraîneur de l’équipe nationale de football.

Lorsque les Jeux font étape à Paris en 1924, Hajós est un architecte réputé spécialisé dans les infrastructures sportives, et il s’inscrit dans les compétitions olympiques d’art, qui constituaient à l’époque un élément important du programme. Son projet de stade, conçu conjointement avec son compatriote hongrois Dezso Lauber (qui a lui-même participé aux épreuves de tennis des Jeux de 1908), est récompensé par une médaille d’argent, la plus haute distinction remise alors. Hajós devient alors l’un des deux participants olympiques à avoir gagné des médailles à la fois dans les compétitions sportives et artistiques.

Hajós va d’ailleurs laisser un héritage sportif durable, fait de briques et de mortier, puisqu’il sera le concepteur de nombreux sites et stades de Hongrie, dont le plus célèbre est le complexe nautique de l’île Margaret à Budapest, construit en 1930 et qui porte aujourd’hui son nom. Il servira pour les championnats d’Europe de natation de 1958, 2006 et 2010, ainsi que pour la Coupe du monde masculine de water-polo de la FINA en 2006.

En 1953, Alfréd Hajós recevra le Diplôme Olympique du Mérite, décerné par le CIO.

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