Coupe du monde de sabre à Alger : L’émouvant parcours de Saoussen Boudiaf qui a repris l’escrime pour rendre hommage à sa grand-mère
Saoussen Boudiaf avait annoncé la fin de sa carrière sportive en 2020. Trois ans plus tard, elle est championne d’Afrique et 20e au classement mondial de sabre femmes. Une même motivation lui a permis de renouer avec la compétition et d’obtenir de tels résultats : rendre hommage à sa grand-mère décédée en 2016.
« Elle n'a jamais abandonné, elle ne nous a jamais abandonnés, alors on n’abandonnera pas. »
Saoussen Boudiaf n’a pas l’intention de renoncer à ses rêves de médaille olympique et c’est en grande partie grâce à sa grand-mère.
À chaque fois qu'elle monte sur une piste d’escrime, elle est animée par sa mémoire. Et si la Franco-Algérienne est sortie de sa retraite sportive, c'est pour lui rendre hommage à travers le sport.
La décision de ranger son sabre avait été prise en 2020, en pleine pandémie de Covid-19. Sa sortie de l’équipe de France après une décennie et plusieurs médailles dans des grands championnats sonnait alors la fin de sa carrière sportive. La native de Roubaix n’était plus prête à faire autant de sacrifices alors que sa situation financière devenait compliquée, qu'elle ne pouvait plus s'entraîner à l’INSEP et que les incertitudes se multipliaient.
« Je voulais savoir de quoi allait être fait le lendemain sans me demander si j'allais pouvoir payer le loyer ou avoir assez pour me payer à manger. J'ai décidé de rentrer à Roubaix, commencé à travailler, je me suis mariée et j’ai trouvé la vie stable à laquelle j’aspirais », se rappelle-t-elle dans une interview exclusive à Olympics.com, quelques jours avant de disputer la Coupe du monde de sabre, à Alger, du 9 au 11 novembre.
Son avenir se dessinait alors loin du sport de haut-niveau. Elle tentait de faire le deuil de sa vie d’athlète et avait entamé une formation d’aide-soignante en alternance qui lui permettait de travailler en EHPAD.
Trois ans plus tard, Saoussen Boudiaf est pourtant dans le top 20 mondial de sabre femmes et championne d’Afrique en titre. Sa grand-mère s’est toujours battue, alors elle a décidé d’en faire de même.
LIRE AUSSI - Comment se qualifier aux Jeux Olympiques de Paris 2024 en escrime
Saoussen Boudiaf, endeuillée pendant les Jeux Olympiques de Rio 2016
Depuis 2021, Sousou représente l’Algérie, ce pays dont son aïeule était originaire et dont elle lui a tant parlé durant son enfance. Répondre favorablement aux approches de la Fédération algérienne a été un moyen pour elle d’honorer la mémoire de « la personne la plus influente » de sa vie.
Orpheline à l’âge de six ans, la cadette d’une fratrie de quatre a été élevée par sa tante puis par sa grand-mère. Elles l’ont incitée à démarrer et à poursuivre l’escrime. Ce sport peu répandu dans son quartier ne lui a pas tout de suite plu, mais le fait de pouvoir y battre des garçons l’a rapidement stimulée.
Déjà, la force de caractère dont elle a hérité se révélait au grand jour.
« Ma grand-mère a toujours dû se débrouiller toute seule. Elle a perdu son mari jeune et fait presque la totalité de sa vie sans homme en venant d'Algérie et en s'installant à Paris. Elle était surnommée La capable. Je tiens cette force de caractère d'elle. Elle nous a montrés qu’elle était capable, même en étant seule, surtout en étant seule. Si je dois retenir une phrase de sa vie, c'est que ‘tout passe’. »
Cette philosophie accompagne toujours la sabreuse de 29 ans. Elle lui a permis d’atteindre les sommets de son sport avec une sélection pour l’épreuve par équipes des Jeux Olympiques de Rio 2016.
Malheureusement pour Saoussen Boudiaf, les émotions qui ont accompagné sa découverte des JO n'étaient pas celles prévues. Elle n’a même pas eu l’occasion de fouler la piste de la Carioca Arena avant l’élimination de la France dès le premier tour. La déception n'était encore rien par rapport à la tristesse qui a suivi.
Le lendemain de cette défaite a été encore plus douloureux, avec le décès de sa grand-mère. Toujours au Brésil, elle était absente au moment de cet événement tragique.
« C’est elle qui m'a élevée. C'était ma mère, mon père, ma sœur, tous mes repères. C’était la fin de mon monde et j’avais du mal à faire face », confie Boudiaf. Elle a ensuite pris la décision de faire une première pause d'un an dans sa carrière sportive.
Elle était en colère contre l’escrime, ce sport qui l’avait privée des derniers instants de l’être qui lui était si chère.
Saoussen Boudiaf : « Je me suis raccrochée à tout ce que je pouvais »
Plusieurs années plus tard, la culpabilité d’avoir été absente était toujours présente, mais la chance de représenter l’Algérie lui a offert l’opportunité de faire la paix avec ce moment qui a fait basculer sa vie.
« Je me posais la question : 'qu'est-ce que je pouvais faire pour montrer à quel point elle était importante pour moi, à quel point je l'ai entendue et à quel point elle me manque ?' Je me suis raccrochée à tout ce que je pouvais. Je sais qu'elle aurait aimé me voir en compétition avec l'Algérie alors c'est ce que j'ai fait », explique-t-elle avec émotion.
Le supplément d’âme que lui offre cette motivation la transcende.
C’est bien simple, Saoussen Boudiaf n’a jamais été aussi bien classée que son actuelle 20e place au classement mondial. Elle a aussi gagné deux médailles individuelles aux Championnats d’Afrique, dont l’or en juin 2023. Ce sacre a été obtenu en battant l’Égyptienne Nada Hafez chez elle en finale, comme une preuve supplémentaire de son incroyable force de caractère.
« Je suis très heureuse. Je me savais attendue et j'aime répondre à ce genre d'attentes. J'avais à cœur de montrer que j'ai des ambitions et que je suis conquérante. »
Un tel résultat a fait d'elle la fierté du pays dont sa grand-mère était tellement fière. Ce titre prouve surtout que rien n’est jamais fini avec Saoussen Boudiaf. Elle se battra jusqu’au bout, car elle a ça dans le sang.
Même si des obstacles se présentent devant elle dans sa quête d’un quota olympique pour les Jeux de Paris 2024, penser à sa grand-mère lui permettra de trouver la force de les surmonter.
« Ça aide quand on sait pourquoi on fait ça, pour qui on fait ça. »
LIRE AUSSI - Calendrier des épreuves de qualification olympique d'escrime en 2023