En route pour Tokyo 2020 avec Shivani Charak, rescapée du cancer

Pour la grimpeuse Shivani Charak, le passage de jeune talent à olympienne en herbe a été un peu plus mouvementé que pour la plupart de ses collègues. À l’âge de 10 ans en effet, l’Indienne, qui déborde d’énergie, a appris qu'elle souffrait d'un cancer des ovaires et a dû subir en toute hâte une chimiothérapie intensive.

En route pour Tokyo 2020 avec Shivani Charak, rescapée du cancer

« Quand le cancer a été dépisté, mes parents ne me l’ont pas dit. Ils m’ont emmenée à l’hôpital et ce n’est que sur place que j’ai découvert que j’avais un cancer. J’avais peur, très peur », dit Shivani Charak, qui est aujourd’hui la meilleure grimpeuse indienne. Atteinte de ce cancer, il m’aurait été impossible de penser que je deviendrais olympienne. Je ne pouvais même pas boire de l’eau ou manger une seule bouchée sans vomir. Je ne pouvais pas bouger, mes parents devaient me porter jusqu’aux toilettes. C'était une période horrible. »

Aujourd’hui âgée de 17 ans, Shivani, qui est restée menue, a dû affronter trois ans de traitement et de convalescence, perdant au passage tous ses cheveux. Mais ses proches ne l’ont jamais empêchée de croire qu’un avenir meilleur n’allait pas tarder à poindre à l’horizon.

« Mes parents et mes proches m’ont énormément encouragée et m’ont toujours dit que je guérirais et que j’irais mieux. Lorsque cela s’est produit, j’ai eu l’impression d’une seconde naissance, dit la jeune Indienne en souriant. À partir de là, j’ai voulu faire quelque chose de nature à rendre fiers mes parents et tous ceux qui m’ont aidée. »

Shivani, qui avait passé une grande partie de sa petite enfance à écumer les régions montagneuses de sa région natale de Jammu, a donc choisi l’escalade. Le choix était le bon et ses progrès ont été incroyablement rapides.

En 2018, trois ans à peine après avoir commencé à grimper en compétition, la jeune fille, alors âgée de 16 ans, a remporté trois médailles d’or, deux d’argent et une médaille de bronze lors de neuf compétitions de niveau national. Elle s’est même hissée au sommet des classements indiens à la faveur de sa neuvième place aux Championnats d’Asie juniors 2018, avant de terminer onzième en bloc à la Coupe d’Asie féminine seniors à Bangkok, en Thaïlande. Cette série de résultats l’a conduite dans l’antichambre de ce qui lui paraissait autrefois totalement impossible.

« Je ne tiens plus en place lorsque je pense à Tokyo 2020, dit Shivani, incapable de dissimuler son sourire. Ça trotte en permanence dans ma tête. J’essaie malgré tout d’être très calme et de l’aborder de manière ciblée. Quand j’étais plus jeune, je lisais tout ce que je trouvais sur les Jeux Olympiques et nous les avons étudiés à l’école, mais les derniers Jeux Olympiques (Rio 2016) ont été les premiers que j’ai suivis à la télévision. C’est une très grande opportunité pour moi. »

Shivani Charak pourrait avoir une première occasion d’obtenir une place de quota lors de la deuxième épreuve de qualification olympique de la Fédération internationale d’escalade, qui aura lieu fin novembre à Toulouse, en France. Mais il est plus probable que l’adolescente finira par participer aux Championnats d’Asie 2020 à Morioka, au Japon, sachant qu’une victoire lui permettrait d’aller à Tokyo plus tard dans l’année.

Comme tous les aspirants olympiens en escalade, Shivani fait en sorte d’être polyvalente : une grimpeuse qui peut exceller dans les trois disciplines, la vitesse, le bloc et la difficulté. C’est une tâche qui nécessite un engagement total.

« En début de semaine, je me consacre à une discipline le matin, puis le soir je change de discipline avant de passer à la troisième le lendemain matin, explique-t-elle. Ensuite, je passe trois jours sur chaque discipline. C’est dur, mais c’est sympa. »

L’escalade, qui a fait des débuts spectaculaires aux Jeux Olympiques de la Jeunesse à Buenos Aires en octobre 2018, exige un engagement physique total. Chaque grimpeur doit faire attention à une partie du corps en particulier, les doigts, en faisant fi de la douleur.

« Je me suspends à ma poutre d’entraînement pendant cinq minutes, précise Shivani en riant. J’ai l’habitude maintenant, je suis assez coriace. Et je fais des pompes et des tractions avec un doigt, deux doigts ou trois doigts. J’utilise aussi un exerciseur de préhension à ressort. »

Un tel traitement à répétition nécessite une grande vigilance et des soins importants.

« J’utilise de l’eau chaude salée pour détendre mes mains et mes doigts, afin qu’ils restent en parfait état, explique l’athlète indienne. Et beaucoup de vaseline. Je m’occupe aussi de mes orteils et de mes pieds, toujours avec de l’eau chaude salée, mais ils n’ont pas besoin d’autant d’attention que mes mains. »

L’infatigable Shivani met en exergue un autre aspect de son sport de prédilection qui, selon elle, le place au-dessus de tous les autres.

« Si l’itinéraire est tracé par les ouvreurs de voie, il nous appartient ensuite de décider des mouvements, de la façon dont nous montons et cela se passe en en discutant toutes ensemble, juste avant de concourir les unes contre les autres, explique Shivani. C’est une dimension étonnante de l’escalade, très positive. Tout le monde veut que les autres réussissent. »

Il faudrait chercher loin pour trouver quelqu’un qui ne souhaite pas la réussite de Shivani. À Tokyo 2020, cela fera cinq ans que l’habitante de Delhi a quitté son lit de malade et commencé son parcours en perpétuelle ascension.

« Aujourd’hui, je suis en parfaite santé, se réjouit Shivani. Il n’y a plus aucune trace du cancer. Les médecins m’ont dit que je pouvais avoir des enfants et tout faire, même devenir olympienne. »

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