Dipa Karmakar écrit l’histoire pour la gymnastique artistique féminine indienne
Première gymnaste de son pays à se qualifier pour les Jeux Olympiques, Dipa Karmakar jouera sa chance au saut de cheval à Rio. Elle détaille pour nous qui seront ses principales rivales en août prochain.
Le 17 avril dernier, Dipa Karmakar a écrit une véritable page d’histoire en obtenant sa qualification pour les Jeux de Rio en gymnastique artistique féminine, devenant ainsi la première athlète indienne de son sport à décrocher un ticket olympique, et la première depuis les Jeux de Tokyo 1964 tous sexes confondus. L’ultime tournoi de qualification de la FIG a également servi de compétition test sur le site de l’arène olympique de Rio, dans le cadre du programme « Aquece Rio ».
Là, sur son agrès de prédilection, le saut de cheval, Dipa a tenté et réussi un mouvement nommé « Produnova » (du nom de la championne russe Yelena Produnova qui l’a inventé dans les années 1990), consistant en un saut de mains sur la table de saut, suivi par un double salto avant, et dont le coefficient (7) est le plus haut en terme de difficulté.
Comme le dit la jeune championne de 22 ans originaire du petit état de Tripura (nord-est de l’Inde), « seules cinq femmes dans le monde ont réussi ce saut, et je suis l’une d’entre-elles ». Cela lui a valu la note de 15.600 lors de cette compétition préolympique qualificative, la meilleure des quatorze participantes. Peu importe dès lors qu’elle n’ait pas été en réussite aux barres parallèles, avant de faire bien meilleure figure à la poutre et au sol, elle a obtenu sa place aux Jeux Olympiques 2016 et continue à écrire l’histoire de son pays en gymnastique artistique féminine.
« La moitié des gens en Inde ne savent même pas où se situe le Tripura », a raconté Dipa. « La salle de gym où j’ai démarré n’avait pas les équipements nécessaires, ni même une table de saut. On empilait donc des tapis et on se débrouillait avec ça. La salle était souvent inondée au moment de la mousson. Ce furent donc des débuts difficiles.»
« On me traite comme une star de Bollywood ! »
Mais Dipa a tant et si bien progressé vers le niveau international qu’elle s’est qualifiée en 2014 pour les Jeux du Commonwealth à Glasgow où elle réussit la Produnova au saut de cheval et obtenu une historique médaille de bronze, le tout premier podium d’une gymnaste indienne dans cette compétition multisports qui existe depuis 1930. Continuant à signer des premières pour la gym féminine indienne, elle s’est adjugé sur son agrès le bronze aux championnats d’Asie 2015, et a terminé 5e en finale des Mondiaux FIG de Glasgow la même année.
« Après ma médaille de bronze en 2014, ma vie a changé. Je suis devenue une célébrité. Partout où je vais, on me demande une photo ou un autographe. On me traite comme une star de Bollywood ! » dit-elle. « Depuis que je suis connue dans le Tripura, je sens que je dois donner encore plus à mes compatriotes. Ils m’apportent tellement d’amour ! Je dois les payer en retour. Se battre pour une médaille olympique, ça serait ça ! Pour qu’ils n’oublient jamais qu’il y avait une fille qui se nommait Dipa Karmakar et qui leur a peut-être offert quelque chose que personne d’autre n’aurait pu leur apporter. »
Dipa Karmakar présente les principales concurrentes pour le titre olympique
Le 14 août, prochain, jour des finales olympiques par appareils, Dipa tentera donc sa chance au saut de cheval. Elle détaille pour nous qui sont les principales favorites de cette compétition. Il y a « la Russe Maria Paseka. Elle a gagné le bronze aux Jeux de Londres. Son mouvement au saut est très bon, très propre. Tellement propre que je crois qu’il l’est devenu encore plus aujourd’hui ». Maria Paseka est également la championne du Monde et d’Europe 2015 sur cet agrès.
Il y a aussi : « La Nord-coréenne Hong Hun-Jong qui a pris l’argent lors des derniers championnats du monde et a tellement d’expérience au saut qu’elle a pu réduire son volume d’entraînement, mais elle reste particulièrement performante en compétition », explique Dipa. Hong Hun-Jong avait été sacrée championne olympique en 2008 à Beijing, devenant la première gymnaste nord-coréenne à monter sur un podium olympique dans son sport. Elle s’est également imposée au saut lors des Mondiaux 2014 à Nanning (Chine).
La 3e personne à suivre selon Dipa Karmakar est Oksana Chusovitina : « Elle a 40 ans. Ce seront ses septièmes Jeux olympiques. Elle avait pris l’argent à Beijing en 2008. Elle a récemment réalisé le saut Produnova. Elle a représenté l’Allemagne durant de nombreuses années, mais à Rio, elle concourra pour l’Ouzbékistan. Je crois que personne ne réunit autant que qualités qu’elle, et elle est maman ». Pour compléter les paroles de Dipa Karmakar, il faut rappeler que Chusovitina a remporté le concours général par équipes avec la formation de l’Equipe Unifiée de l’ex-URSS à Barcelone en 1992, et qu’elle battra donc un record à Rio, puisqu’aucun gymnaste n’est arrivé au total de sept Jeux disputés. En août, elle sera âgée de 41 ans et 2 mois, devenant aussi la gymnaste la plus âgée à ce niveau.
Bien sûr, il ne faut pas oublier l’Américaine Simone Biles, reine du concours général individuel, excellente sur tous les agrès, et qui aura sûrement son mot à dire dans cette finale par appareils. Ni la toute jeune (16 ans) britannique Elissa Downie, médaillée d’argent au saut lors des JOJ de Nanjing 2014, médaillée de bronze mondiale en 2015 et vice-championne d’Europe 2016.
La compétition promet d’être passionnante et particulièrement disputée. A son meilleur niveau, Dipa Karmakar aura sa carte à jouer sous les yeux de ses 1 milliard 300 millions de compatriotes.