Coupe du monde de canoë slalom 2023 : Nicolas Gestin, un apprentissage permanent pour bousculer la hiérarchie
Nicolas Gestin entame la Coupe du monde de canoë slalom en tant que tenant du titre. À seulement 23 ans, le Français est l'un des grands espoirs de la discipline grâce à son insatiable volonté d’apprendre. Pour Olympics.com, il revient sur les clés de sa progression ainsi que sur la comparaison avec ses aînés dont Tony Estanguet, triple-champion olympique et président de Paris 2024.
« Je n'ai pas la sensation de défendre un titre. Pour moi, ces étapes de Coupe du monde sont des temps de recherche. »
Remporter le classement général de la Coupe du monde de canoë slalom 2022 n’a pas changé Nicolas Gestin. Au départ de la saison, ce vendredi 2 juin à Augsbourg (Autriche), son objectif sera toujours le même : apprendre. Cette volonté l’anime depuis ses débuts dans son club de Quimperlé et l’a amené jusqu’aux sommets du C1.
Il a appris les fondamentaux de sa discipline avec beaucoup de liberté et d’autonomie. Selon lui, c’est ce qui explique son éclosion précoce. Sa curiosité a été stimulée et l’a rapidement incité à vouloir comprendre comment être performant. Aujourd’hui encore, c’est avec cet état d’esprit qu’il se présente au départ de chaque épreuve.
« Dans ma vision, j'ai besoin de recherches, de me surprendre sur l'eau, de comprendre comment ça fonctionne », explique Nicolas Gestin dans une interview exclusive avec Olympics.com.
Toutes les étapes de sa carrière l'ont aidé à progresser, même quand il s’agissait de faire une croix sur la saison 2017 à cause d’une épaule luxée. Travailler avec des kinés lui a permis d’optimiser sa préparation physique et de mettre en place des protocoles d’échauffement qui lui servent encore aujourd’hui.
Deux ans plus tard, il était champion du monde U23 et se servait de cette expérience pour aborder les sélections nationales 2021 qui lui ont ouvert les portes de l’équipe de France seniors. Un cercle vertueux, chaque succès préparant le suivant...
En 2022, Nicolas Gestin a appris à gagner
L’an passé, une leçon a permis à Nicolas Gestin d’entrer dans une nouvelle dimension. Le Français avait remporté des titres chez les jeunes, mais n’était encore jamais monté sur un podium international chez les seniors.
Après plusieurs finales et notamment une quatrième place aux Championnats du monde 2021, il voulait se prouver que c’était possible.
« L'objectif de la saison, c'était d'apprendre à gagner chez les seniors et de se dire “ok, en fait, j'en suis capable”. Souvent quand on est jeune et quand on n'a pas encore gagné, on peut avoir l'impression qu'on n'est pas fait pour ça ou que les autres ont forcément quelque chose en plus que nous alors que ça n'est pas vrai. »
Sa saison avait commencé avec une élimination en demi-finales des Championnats d’Europe. Après cette déception, la saison de Coupe du monde lui offrait la possibilité de trouver comment gagner du temps pour faire mieux.
Cette recherche a été fructueuse puisqu’elle a débouché sur une deuxième place lors de l’étape inaugurale à Prague (Tchéquie) puis une victoire lors de la suivante à Cracovie (Pologne). Nicolas Gestin y était arrivé, il avait pu se prouver que gagner au plus haut niveau était possible.
En fin de saison, il s’est même offert le luxe de terminer à la première place du classement général. Pour remporter la finale et le titre, le natif de Quimperlé a osé une expérimentation très risquée : changer de matériel.
La décision a été prise après des Championnats du monde décevants terminés à la onzième place. Alors qu’il faut souvent plusieurs mois pour s’adapter à un nouveau canoë, il a inauguré le sien pour la dernière course de la saison, la plus importante.
« C'était très motivant. C'était encore une fois une phase de recherche qui a amené du doute jusqu'au dernier moment. Mais ce doute a amené le côté “Ok, engage toi, prend la main et maintenant, peu importe la forme de bateau, tu vas aller au bout, tu vas aller chercher pendant ton titre sur le classement général”. »
Derrière ce titre, Nicolas Gestin a entamé un nouvel apprentissage en optant pour une navigation plus offensive afin de dompter ce nouveau canoë dont les lignes le rendent plus joueur et plus nerveux.
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Des essais en cours pour briller aux JO de Paris 2024
Ce changement de bateau s’inscrit dans la préparation d’une échéance clairement identifiée : les Jeux Olympiques de Paris 2024. Le céiste de 23 ans tente d’emmagasiner autant d’expérience que possible pour se qualifier aux prochains JO et y prétendre à une médaille d’or. Tous les moyens sont bons, y compris revenir sur des échéances U23 malgré son statut chez les seniors pour construire son programme de la saison 2023.
La Coupe du monde ne sera qu’un objectif secondaire car la sélection olympique se jouera sur deux autres échéances : la finale de la Coupe du monde et les Championnats du monde. Un nouveau challenge pour Nicolas Gestin.
« Il faut trouver comment être fort un jour-J précis dans le calendrier. Car en 2022, notamment aux Championnats du monde, je n’avais pas été très performant sur les jours-J identifiés. J’avais été meilleur sur un temps de recherche comme la Coupe du monde. »
Le Breton a changé certaines choses dans sa préparation pour être prêt lors des échéances qui comptent le plus. Il a notamment revu sa préparation hivernale, restant en France quand les séjours à l’étranger étaient jusque-là la norme. Sa préparation physique a également été différente avec la découverte des entraînements en hypoxie et sa technique s'est perfectionnée en affirmant ses attaques avec des trajectoires plus tendues.
Toutes ces évolutions vont lui permettre de mieux se connaître et si tout se passe bien, de trouver la méthode pour prétendre à une médaille aux prochains JO.
S’il y parvient, il pourrait alors imiter Denis Gargaud-Chanut, champion olympique à Rio 2016 et Tony Estanguet, triple médaillé d’or à Sydney 2000, Athènes 2004 et Londres 2012.
Beaucoup d’inspiration et des comparaisons avec Tony Estanguet
Ces champions d’exception ainsi que d’autres athlètes français comme étrangers ont inspiré Nicolas Gestin. Comme un symbole, il est né en 2000, l’année du premier titre olympique de Tony Estanguet. Cela lui a valu de nombreuses comparaisons avec son aîné.
« Il y en a qui me disent que je suis le futur Estanguet mais moi, je n'ai pas envie d'être le futur quelqu'un. C'est sûr que c'est un parcours super inspirant, que j'ai regardé et qui m'a passionné. Le film de Tony à Londres 2012, je l'ai regardé des dizaines de fois, il m'a fait vibrer, m'a donné la passion et l'envie de participer à un tel événement. Mais la force de mon projet, c'est plutôt d'écrire mon histoire à moi. »
Nicolas Gestin tente quand même de suivre l’exemple du triple champion olympique, surtout quand il utilisait le même matériel que lui. La vitesse de navigation de Tony Estanguet et sa manière de relancer son bateau pour générer de la vitesse sont des pistes pour progresser.
Le jeune céiste souhaite s’enrichir, mais aussi s’affranchir de ce lourd héritage. Il ne veut pas se mettre de pression supplémentaire, seulement profiter des expériences des autres, car elles peuvent autant l’aider que les siennes.
L’équipe de France de canoë slalom a une réputation qui la précède et qui explique aussi pourquoi Nicolas Gestin est toujours dans une posture d’apprentissage. Il a appris à se faire une place aux côtés de véritables références de la discipline, de quoi garder un statut d’espoir malgré un potentiel déjà confirmé par les résultats.
« J'ai l'impression d'être toujours le jeune, un jeune qui essaye de bousculer la hiérarchie plus qu'autre chose. Je ne me sens pas du tout comme un leader qui doit affirmer sa place, mais plutôt comme quelqu’un qui doit vraiment faire sa place jusqu’à Paris 2024 en imposant ma navigation. »
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