Chloé Pelle : tête chercheuse des Bleues et analyste en cybersécurité

Tokyo 2020 a discuté en exclusivité avec Chloé Pelle, pilier de l’équipe de France qui s’apprête à entrer dans le tournoi olympique de rugby à 7. La « cérébrale » des Bleues qui est également analyste en cybersécurité nous livre une belle analyse de son sport et de la sélection française.

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(Photo de Jason McCawley/Getty Images)

Pour Chloé Pelle, ancienne ailière et aujourd’hui pilier droit de l’équipe de France de rugby à 7, tout est propice à l'analyse.

Une coéquipière a le ballon dans une position favorable ? Analyse rapide, elle court vite se placer dans un espace pour offrir la meilleure option. Elle se retrouve, ballon en main, face à une adversaire ? Peu importe, elle a déjà deux coups d’avance et vu l’espace dans lequel elle va pouvoir s'introduire en profitant de sa vitesse. Une adversaire se présente face à elle ? Elle l’a vue venir, prête à en découdre en sachant quels risques éviter.

Il faut dire que lorsqu’elle n’est pas occupée à arpenter les pelouses internationales avec les Bleues, la joueuse professionnelle Chloé Pelle, arrivée dans le rugby sur le tard à 20 ans, est analyste cybersécurité dans une grande banque française. Si elle ne l’exerce que quelques jours dans l’année pendant qu’elle poursuit sa carrière sportive, ce métier s’avère très bénéfique sur un terrain de rugby.

« Ça me sert dans les deux sens », expliquait en juin 2021 la joueuse de 31 ans, qui évolue en club au RC Chilly-Mazarin en Elite 1, dans un entretien exclusif avec Tokyo 2020. « Ma capacité à analyser des informations sous pression quand je suis dans les matchs va m’aider quand je travaille parce que je vais être capable d’analyser des choses sans paniquer. Et inversement, quand je vais devoir analyser plusieurs choses à la fois et prendre en compte plusieurs facteurs de risques, ça va m’aider à prendre en compte plusieurs choses quand je suis sur le terrain. »

Et pour l’instant, la réussite est plutôt au rendez-vous pour Chloé, qui a aussi été ingénieure de recherche en stéganographie – l’art de dissimuler des informations – au CNRS pendant un an. Les Bleues ont en effet disputé la finale du tournoi de Madrid en février avant de remporter le tournoi de Dubaï en avril, celui de Burton en Angleterre en juin et le tournoi de qualification olympique de juin à Monaco. Parfait pour préparer les JO.

Une sérénité de tous les instants

Sur le terrain, donc, son sens de l’organisation a du bon. « Comme les matchs sont très rapides, il y a des moments où je suis un peu plus calme et je vois un peu plus globalement la situation », explique Chloé Pelle, qui compte près de 150 matchs avec le 7 français mais aussi 13 sélections en XV de France. En revanche, l’intéressée avoue aussi que, parfois, elle cogite un petit peu trop, lui faisant perdre de précieuses secondes dans un sport où tout peut basculer en un instant.

« Je me fais deux ou trois coups à l’avance, sauf que des fois, je le fais trop en avance », regrette-t-elle. « Et du coup, le temps que je réfléchisse à tout, forcément la défense a changé. Donc de temps en temps, [mes coéquipières] me disent : "mais arrête de trop réfléchir". »

L’instinct est en effet un élément très important au rugby à 7 puisque l’effectif est réduit sur un terrain aussi grand que pour le rugby à XV. Les espaces s’ouvrent donc très vite, à la moindre hésitation, et cela peut être difficile à rattraper dans un temps de match très court (sept minutes par mi-temps). Les Bleues, évidemment, s’entraînent dur pour éviter que les petites maladresses ne se transforment en erreur irréparable, comme un essai adverse.

L’importance de se serrer les coudes

Ainsi, Chloé explique que les erreurs font partie du jeu, mais que la force du collectif fait qu’une erreur ne coûte pas trop cher. « On part du principe qu’on a le droit de faire les choix qu’on veut et qu’on a le droit de faire les mauvais choix aussi », souligne la vice-championne du monde 2018. « Tant que tout le monde vient, ça peut se transformer en bon choix. C’est quelque chose que j’aime bien avec la philosophie de l’équipe de France. »

« Si par exemple, il y a un grand espace à l’extérieur et que je choisis de rentrer, si celle qui est à mon extérieur vient à mon soutien, on peut finir en coup gagnant parce que tout le monde se sera adapté et tout le monde sera là et respectera les principes », analyse à nouveau celle que son sélectionneur David Courteix appelle « la tête » de l’équipe.

C’est cette solidarité qui devrait être la clé du succès pour les Tricolores lors des Jeux Olympiques où le rugby a fait son retour au programme olympique à Rio 2016. Chloé admet tout de même que, si elle est personnellement beaucoup dans la réflexion, le jeu instinctif est le propre de cette équipe de France.

Une adaptation permanente

« C’est vrai qu’on ne cherche pas à trop programmer. On se base vraiment sur la lecture de jeu, sur l’instinct des joueuses et sur les principes qui font qu’il y aura toujours quelqu’un en soutien. C’est très agréable car on sait que quoi qu’on fasse, on aura toujours les filles qui seront là pour nous soutenir et pour nous épauler, même si on se trompe. »

Pour aller chercher une médaille à Tokyo, la France pourra donc compter sur l’entraide collective, même si le côté imprévisible du sport reste un aspect incalculable pour l’analyste du groupe. « C’est le sport, on ne peut jamais savoir comment ça va se passer. On ne peut pas claquer des doigts pour avoir les bons résultats », déplore-t-elle. « Ça ne m’énerve pas, mais ça me stresse un petit peu, forcément, parce que tu ne peux pas savoir exactement ce qu’il va se passer. Donc il faut savoir s’adapter en temps réel. C’est quelque chose que le rugby m’apprend beaucoup dans mon métier : être capable de m’adapter à n’importe quelle situation à n’importe quel moment. »

Et l’art de l’adaptation, Chloé le cultive chaque jour, que ce soit effectivement dans son métier ou sur les pelouses de l’ovalie.

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