Championnats d'Europe d'athlétisme 2024 : Kevin Mayer explique les difficultés du décathlon, un « ascenseur émotionnel »
Kevin Mayer se présente aux Championnats d’Europe d’athlétisme 2024 avec l’objectif de réaliser les minima olympiques pour les Jeux de Paris 2024.
Peu importe la place, il a besoin de terminer avec 8 460 points au Stadio Olimpico pour cela. Ce résultat est à la portée du double champion du monde de décathlon, mais il relève quand même de l’exceptionnel parce que courir, lancer et sauter dans dix épreuves différentes en deux jours reste une véritable prouesse. Un tel programme est aussi exigeant physiquement que mentalement, mais cela en vaut la peine à en croire le Français.
« C'est dur, il y a plein de moments où j'ai envie de ne pas y aller, mais c'est aussi ce qui fait que je suis fier quand je termine un décathlon. Peu importe la place, tu es toujours fier, parce que tu es passé par plein de moments difficiles. […] D’un coup, tout retombe et tu as l’impression que tout est plus clair, tout est plus rose et c’est beau », explique-t-il dans une interview exclusive avec Olympics.com.
Pour mieux comprendre ce qu'un décathlonien doit traverser pour atteindre cette plénitude, Kevin Mayer vous explique « l’ascenseur émotionnel » que représente chaque compétition.
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Au décathlon, rebondir est le plus important
Entre la « pleine forme » au départ du 100 m et l’arrivée du 1 500 m « sur les rotules », le décathlonien vit deux journées bien chargées. Elles sont tellement riches avec également le saut en longueur, le lancer de poids, le saut en hauteur, le 400 m, le 110 m haies, le lancer de disque, le saut à la perche et le lancer de javelot que le ressenti est parfois deux fois plus long.
La difficulté de décathlon se cache justement dans ce cheminement. Entre la quête de vitesse, de longueur et de hauteur pendant les épreuves, le moral ne doit jamais être ni trop haut, ni trop bas.
« En décathlon, tu ne peux pas rester sur un échec ou sur un succès. Si tu restes sur un nuage trop longtemps ou si tu restes déçu trop longtemps, il y a moyen que tu rates l’épreuve suivante, et celle d’après et puis ça devient un cercle vicieux », analyse Kevin Mayer.
Le recordman du monde de la discipline (9 126 points en 2018) a trouvé une solution pour faire face aux « explosions de joie » qui suivent les réussites et aux « explosions de douleurs » qui accompagnent les échecs.
Il a fait un pacte avec lui-même. Le décathlonien de 32 ans s’autorise dix minutes pour rebondir après chaque épreuve, une approche qui lui permet de préserver autant d’influx nerveux que possible pour aller au bout de son effort. Une telle gestion demande forcément des efforts, mais elle offre aussi une véritable introspection et des leçons de vie.
« J'apprends beaucoup à chaque décathlon. Je pense que la personne que je suis aujourd'hui n'aurait jamais existé sans le décathlon, très loin de là », avoue même Kevin Mayer.
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Kevin Mayer : « Ces difficultés apportent énormément de plaisir »
Il se connaît bien et sait aussi où se trouvent les pièges de sa discipline. Alors qu’il y a le mur du 30e kilomètre en marathon, le natif d’Argenteuil a appris à se méfier du « coup de barre » du saut à la perche en décathlon. C’est à partir de cette épreuve, la huitième, que les ressources mentales sont bien souvent épuisées.
Le médaillé d’argent des JO de Rio 2016 et Tokyo 2020 est particulièrement touché par cette réalité, car il est un des meilleurs perchistes du plateau. L’échauffement laisse alors place à l’attente avant sa première barre, une situation d’autant plus délicate que trois échecs mettent fin à l’aventure.
« C’est horrible parce qu’on sent bien que le nerveux s'en va. Il n’y a plus que l'adrénaline à chaque saut pour vous remettre dedans. Et puis après il y a le javelot et finalement le 1 500 mètres où c'est limite une micro dépression avant le départ. Tu en es à te demander comment tu peux encore aller courir 1 500 m », résume-t-il.
Dans cette ultime épreuve, le plaisir laisse alors place à la douleur. Elle est encore plus importante pour lui qui a vu ses chronos régresser de 30 s à cause du travail pour être notamment meilleur en sprint. Physiquement et mentalement, la course se transforme alors en véritable lutte.
« Tu sais que tu vas exploser, mais tu ne sais même pas quand, parce que tu n'as pas assez de repères, parce que tu n’as pas assez travaillé. Ça, c'est une douleur que je n'aime pas parce que je ne la maîtrise pas. »
Cette ultime souffrance s’efface alors dès la ligne d’arrivée franchie. Toutes les douleurs sont oubliées pour un plaisir et une fierté « incroyables ».
« Ces difficultés apportent énormément de plaisir, c’est là que l'on a la vraie émotion de satisfaction », avoue Kevin Mayer avec le sourire.
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