Cécilia Berder : « éveiller les mentalités sur le long terme »

Journaliste et athlète, Cécilia Berder est engagée partout où elle s’aventure. Elle vient de remporter une médaille d’argent lors de la Coupe du monde de sabre de Budapest (12-13 mars) et s’engage un peu plus sur la route de Tokyo, tout en étant désireuse de faire évoluer les consciences sur l’égalité des sexes dans le sport.

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(Photo de FFE/Augusto Bizzi)

« Il y a du travail ». Au sens propre, comme au figuré.

À cinq mois des Jeux Olympiques de Tokyo 2020, la sabreuse Cécilia Berder espère décrocher sa place dans l’équipe française, déjà qualifiée, qui s’envolera au Japon, et l’entraînement sera chargé pour les semaines à venir, à l’instar des précédentes. Un travail qui a déjà payé avec une médaille d’argent obtenue lors de la Coupe du monde de sabre de Budapest (12-13 mars).

Mais l’un des autres combats que la tireuse française mène ne se situe pas sur la piste. Il est bien plus global : l’égalité des sexes. Un sujet essentiel pour Berder. Elle a d’ailleurs l’occasion d’en parler régulièrement de part son autre métier, celui de journaliste. Toutes les semaines, elle tient une chronique radio (France Info) sur l’olympisme, dans laquelle elle met en valeur des sportifs et des sportives de tous horizons, sans faire de distinction de genre dans la manière de traiter ses sujets.

« J’essaie de parler autant des femmes que des hommes, tout comme les valides et les athlètes handisports », précise la numéro 12 mondiale lors d’une interview avec Tokyo 2020.

« On est mal habitué »

En tant que journaliste, elle sait également que les médias ont une grand rôle à jouer pour atteindre l’égalité des sexes dans le sport. Dans sa chronique du 23 janvier, un jour avant la Journée internationale du sport féminin, elle citait une étude de novembre 2020 de la société YouGov qui concluait que près d’un Français sur deux ne parvenait pas à citer le nom d’une sportive française en activité.

« J’ai fait le test avec mon entourage proche, et ça se vérifie », confie-t-elle. « Quand je leur demandais, ils citaient mon nom ! Il y a un vrai travail à faire. »

Et selon Cécilia Berder, cela passe d’abord par la visibilité du sport féminin et la curiosité du public.

« Il y a un manque de curiosité de la part des gens au quotidien. On parle toujours de football [dans les médias], ce genre d’informations arrivent automatiquement à soi. On n’a pas l’habitude de scroller sur un site d’actualités sportives et de voir des athlètes féminines. Et on se dit que c’est normal car on n’est mal habitué ! »

Si le constat n’est pas des plus positifs, la situation a cependant bien évolué ces dernières années.

Aujourd’hui, on parle des femmes, on parle aussi des règles dans le sport. Il y a 10 ans, ce n’était pas possible. La parole commence à se libérer dans tous les sens, tous les domaines. »

Plus de visibilité aux abords des Jeux

Les Jeux Olympiques et Paralympiques apportent également leur lot d’évolution. Pas seulement via la représentation des athlètes féminines en hausse, qui atteindra 49 % à Tokyo 2020, mais également dans la couverture médiatique des médias sportifs aux abords des Jeux. 

« Avant, pendant et après les Jeux, les médias font les efforts de raconter des histoires [d’athlètes féminines], et les gens sont à fond ! De plus en plus de chaînes sont créées sur Internet, et ça fonctionne. Cela manque un peu de visibilité, mais il faut continuer. »

« Il faut faire éveiller les mentalités sur le long terme. »

Et cette évolution ne doit pas se faire uniquement dans le sens de plus de représentation féminine. Certains sports ne disposent pas de catégorie masculine et selon Cécilia Berder, cette problématique s’inclue totalement dans la recherche de l’égalité des sexes. 

« Il faut que ça aille dans les deux sens. Ça me choque par exemple de ne pas avoir de catégories masculines en gymnastique rythmique ou en natation artistique. Si un homme en a envie, il faut qu’il puisse le faire. Il faut enlever ces barrières. Que ce soit de la danse, du football, du rugby… C’est du sport ! C’est le seul moment où l’on peut faire parler notre corps, sans limite. »

Reprise internationale réussie

Des limites, elle ne s’en fixe pas. Autant dans son engagement en faveur de l’égalité des sexes que dans son sport. Elle rêve de disputer les Jeux Olympiques de Tokyo 2020 et pour y parvenir, il faudra gagner sa place dans l’équipe de sabreuses françaises. La première échéance s’est déroulée du 11 au 14 mars dernier lors de la Coupe du monde de sabre de Budapest. C’était sa reprise internationale après l’arrêt des compétitions entraîné par la pandémie de COVID-19.

Une pandémie qui a redéfini les conditions d’organisation des compétitions, avec notamment des protocoles stricts pour assurer un environnement sécurisé pour les athlètes, comme des tests réguliers et le concept de « bulle ». Des changements qui, selon Berder, se répercutent dans les conditions nécessaires à rassembler pour chercher la victoire.

« Celle qui ira le plus loin à Budapest, ce sera celle qui sera la plus flexible », affirmait-elle avant la compétition.

Autant dire qu’elle était bien placée pour en parler car la championne du monde par équipe 2019 a remporté la médaille d’argent, ne s’inclinant qu’en finale contre Anna Marton, 5e mondiale, après cinq combats maîtrisés.

« C’est beaucoup de plaisir et de bonheur », confie Berder à Tokyo 2020, après la compétition. « Pas de surexcitation, mais j'étais contente de pouvoir m'exprimer sur une si belle piste. L'enseignement majeur, c’est qu'en finale je suis tombée sur quelqu'un de plus fort et de plus maline. À l'avenir, je dois prendre plus de temps pour la déconstruire, garder mon calme, ne pas montrer d'agacement ni abuser des feintes. »

À Rio, on a raté le coche et on veut prendre la revanche à Tokyo.

Une équipe de sabreuses décomplexée

Un résultat plus que positif dans la course à la sélection pour Tokyo 2020, où elle espère aller le plus loin possible si elle fait partie de l’équipe. La prochaine échéance qui comptera dans la sélection devrait se dérouler lors du Grand Prix Séoul (République de Corée), du 23 au 25 avril.

« Pour la selection, on doit attendre encore le mois de mai ou juin. […] Évidemment, à Budapest, cela reste une belle opération. »

À Rio 2016, les sabreuses avaient atteint les quarts de finale, où elles se sont inclinées face à l’Italie. Mais depuis, les Françaises ont remporté un titre de championnes du monde, en 2019 à Wuxi en Chine. Le symbole d’une montée en puissance de l’équipe de France de sabre féminin, désormais plus mature et décomplexée.

« On est plus forte qu’à Rio. On se connaît mieux, et la victoire en Championnats du monde a changé les choses. On a réalisé que l’on était capable de battre la Russie en finale, alors qu’elle nous avait battu sur les dernières éditions. À Rio, on a raté le coche et on veut prendre la revanche à Tokyo. »

Au-delà de la compétition par équipes, Berder espère bien marquer la compétition individuelle de sabre féminin. Après avoir remporté une médaille de bronze lors des Championnats du monde 2017, deux victoires en Coupe du monde (2017, 2019), et cette médaille d’argent à Budapest le week-end dernier, sa légitimité en tant que prétendante au podium ne fait plus de doute.

« Si j’ai la chance d’y aller, j’ai une carte à jouer en individuel aussi. Je peux mettre des atouts au bon moment et je suis curieuse de voir ce que ça peut donner. »

Une curiosité qui pourrait la mener vers la gloire olympique, en équipe et individuel, qui n’a pas été atteinte chez les femmes depuis les titres des épéistes à Atlanta 1996, menées par Laura Flessel qui a également remporté la médaille d’or en individuel.

Et peut-être qu’avec une médaille autour du coup en repartant de Tokyo, ce ne sera plus uniquement son entourage qui citera son nom lorsqu’il s’agira de nommer une sportive française en activité, mais l’autre partie des sondés qui lancerait « Cécilia Berder », parmi d’autres noms…

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