Bjørn Daehlie conclut en beauté à Nagano en 1998
Bjørn Daehlie dispute ses derniers Jeux en 1998 à Nagano. À l'âge de 30 ans, il compte déjà huit médailles dont cinq titres remportés depuis ceux les Jeux d'Albertville 1992. Sur les neiges de Hakuba, il va monter sur quatre nouveaux podiums, dont trois fois sur la plus haute marche, concluant le 22 février, jour de la cérémonie de clôture, par une victoire épique à l'arrivée du 50 km.
Sa première course dans le stade de Hakuba a lieu le 9 février, le 30 km classique disputé sous une épaisse averse de neige mouillée. Il n'est pas à son affaire, perd du temps au fur et à mesure et termine à la 20e place, à plus de six minutes du vainqueur finlandais Mika Myllylä.
Trois jours plus tard a lieu le 10 km classique, qui va laisser une belle trace dans le grand livre des Jeux d'hiver. Dossard n° 45, parti très vite, en tête à tous les chronos intermédiaires, Bjørn Daehlie ralentit un peu dans le dernier kilomètre, mais son avance est telle qu'en passant la ligne d'arrivée, il peut lever ses bras, devançant à ce moment le Finlandais Mika Myllylä de plus de 15 secondes. L'Autrichien Markus Gandler vient ensuite enlever la médaille d'argent à huit secondes. Sa sixième médaille d'or est déjà historique (il devient le fondeur olympique le plus titré), mais c'est ce qui se passe ensuite qui marque durablement les esprits.
Un moment de l'histoire des Jeux dans l'aire d'arrivée du 10 km
En effet, le tout premier athlète kenyan à disputer les Jeux d'hiver, Philip Boit, est le dernier des 97 concurrents à prendre le départ. Il va finir 92e et dernier de la course. Le champion norvégien fait carrément retarder la cérémonie de remise des médailles, pour l'accueillir plus de vingt minutes après sa victoire. Il se tient derrière la ligne d'arrivée, freine l'élan de Philip Boit en attrapant son bras, et l'enlace chaudement. Cette image qui magnifie l'esprit olympique fait bien sûr le tour du monde. Le premier enfant de Philip Boit naît quelques semaines après les Jeux de Nagano et il le prénomme Daehlie.
Les Jeux continuent pour le plus grand fondeur de l'histoire, six fois vainqueur du classement général de la Coupe du monde (de 1992 à 1999), auteur de 46 victoires et 81 podiums, dix-sept fois médaillé aux Championnats du monde FIS, pour neuf titres. Son épreuve suivante est le 15 kilomètres poursuite en style libre dont il est double tenant du titre, et qu'il démarre en première position après sa victoire dans le 10 km.
Son coéquipier Thomas Alsgaard, qui s'était classé 5e, s'élance 24 secondes après lui. Bjørn Daehlie n'est pas rattrapé par Markus Gandler, Mika Myllylä et le Kazakh Vladimir Smirnov qui avaient fini le 10 km devant Thomas Alsgaard, et c'est ce dernier qui arrive à sa hauteur au huitième kilomètre de course puis refuse de prendre le moindre relais, se calant dans son sillage jusqu'à la dernière ligne droite, pour mieux le déborder à moins de 200 m de l'arrivée. Avec la médaille d'argent, Bjørn Daehlie monte sur son dixième podium olympique.
Sa quatrième course est le relais 4 x10 km disputée le 18 février. La Norvège démarre mal avec Erling Jevne qui lance Sture Siversten à la dixième place. Ce dernier remonte au deuxième rang avec 12 secondes de retard sur l'Italie. Bjørn Daehlie est le troisième relayeur de son équipe. Il rattrape l'Italien Fabio Maj, et quand il laisse Thomas Alsgaard conclure, les deux équipes sont à égalité. Ce dernier s'explique avec Silvio Fauner, et tout se joue au sprint dans la dernière ligne droite, Thomas Alsgaard le devance pour 2/10e de seconde. Bjørn Daehlie remporte sa septième médaille d'or.
Au bout de l'effort pour un huitième titre olympique
Enfin, le dimanche 22 février 1998 à quelques heures de la cérémonie de clôture, il dispute sa dernière course olympique, mais il ne le sait pas encore. C'est la distance reine, le 50 km, qu'il a remportée en 1992 à Albertville avant de terminer quatrième devant son public à Lillehammer 1994. Quatre ans plus tôt, la course s'était disputée en style classique, à Hakuba, place au mode libre, en skating. Bjørn Daehlie n'est pas le principal favori sur la distance, où il ne compte qu'une seule victoire internationale (son titre olympique 1992), alors que les deux derniers champions du monde sont l'italien Silvio Fauner en 1995 et Mika Myllylä en 1997, mais ce dernier, vainqueur du 30 km à Nagano, ne s'aligne pas sur la distance.
Le champion né à Elverum (est de la Norvège, sur la frontière suédoise) le 19 juin 1967, porte le dossard n° 3 et démarre lentement sa course, il réalise le 10e chrono au premier intermédiaire, puis il augmente le rythme et pointe au quatrième rang à mi-course. À 10 km du but, il a rejoint le Suédois Niklas Jonsson. Les deux coureurs se relayent en tête un bon moment, puis dans les 2 000 m finaux, Bjørn Daehlie faiblit et Niklas Jonsson se détache. "Ça a sûrement été la course la plus dure de ma vie", confiera-t-il. "Je voyais la médaille d'or s'envoler dans les deux derniers kilomètres et c'était très difficile pour moi de pousser encore plus, car j'étais déjà complètement épuisé." Dans un ultime effort, Bjørn Daehlie termine son parcours avec huit secondes d'avance sur Niklas Jonsson et s'écroule sur la neige en plein milieu de la ligne d'arrivée ; il mettra de longues minutes à récupérer.
Le ski de fond norvégien se professionnalise avec Bjørn Daehlie
Avec son huitième titre olympique et son douzième podium, Bjørn Daehlie devient le sportif le plus décoré aux Jeux d'hiver, mais il ne compte pas s'arrêter là, annonçant son intention de continuer jusqu'aux Jeux de Salt Lake City 2002. Il dispute ainsi une saison 1998-1999 royale, conclue par sa sixième victoire au classement général de la Coupe du monde, agrémentée par sa première place au classement "distance".
Malheureusement, en août 1999, il se blesse gravement au dos lors d'un accident en roller-ski. Il fait tout pour revenir mais devra finalement se rendre à l'évidence, créant une énorme vague d'émotion en Norvège quand il annonce en mars 2001 qu'il met un terme à sa carrière sportive.
Son record de huit titres est égalé par ses compatriotes, le biathlète Ole Einar Bjørndalen en 2014 et la fondeuse Marit Bjørgen en 2018. Ses douze podiums sont dépassés par Ole Einar Bjørndalen à Sotchi (13 médailles), et Marit Bjørgen porte le record à 15 médailles à PyeongChang. Des trois Jeux qu'il a disputés, il a à chaque fois rapporté quatre médailles, mais ce sont ceux de Lillehammer qui restent son plus beau souvenir. "C'était génial. Gagner à la maison, avec toute cette foule qui nous regardait, a été absolument fantastique. En 1988, nous avons appris que nous accueillerions vraisemblablement les Jeux Olympiques de 1994. Ces six années ont été ma meilleure période en tant que jeune coureur. Le développement dans la Fédération norvégienne de ski, tout est devenu plus professionnel. L'ensemble du sport a subi un changement majeur. Nous avons pu organiser des camps d'entraînement partout dans le monde, nous avions des spécialistes du fartage, etc. L'ensemble du sport est devenu plus professionnel." Bjørn Daehlie n'y est pas étranger !