Bienvenue dans le monde spectaculaire du karaté
Douze mois après l'annonce officielle de l’inclusion du karaté dans le programme des Jeux Olympiques de Tokyo 2020, Tokey Hill, champion du monde de karaté 1980 et actuel directeur de l'entraînement de la Fédération américaine de karaté, a bien du mal à cacher son enthousiasme.
« Le simple fait d'en parler me donne la chair de poule. J'en ai les cheveux qui se dressent sur la tête », déclare Hill lorsqu'on l'interroge sur les débuts du karaté aux Jeux Olympiques. « Chaque jour, je me lève pour entraîner des athlètes et je me dis : "Ça y est. C'est arrivé." C'est incroyable. Quelle chance de pouvoir se lever le matin et de se dire que nous allons enfin faire partie de la fête. »
« J'ai dit à mon docteur : "Faites ce que vous voulez, mais gardez-moi en vie pendant les trois prochaines années". » De l'aveu de Hill, le chemin de l'intégration a parfois pris des allures de « combat », « avec ses hauts et ses bas ». En effet, le karaté frappe aux portes du mouvement olympique depuis des décennies. Il a notamment failli intégrer le programme des Jeux de Londres 2012. « En karaté, on ne sait pas ce que signifie l'expression "baisser les bras" », s'amuse Hill.
Ces occasions manquées ont permis au sport de perfectionner sa présentation, mais aussi de diffuser son message au plus grand nombre.
« Le karaté intègre des valeurs et des idées qui ont un impact positif sur le monde », assure Hill. « Il met en avant la confiance, l'estime de soi, la capacité à gérer la pression de ses pairs et le refus de toute forme de drogue – autant d'éléments essentiels pour se construire un caractère. »
Les défenseurs du karaté, au premier rang desquels figure Hill, sont également convaincus que les techniques employées, ainsi que l'utilisation des poings et des pieds dans le décompte des points, font du karaté l'art martial le plus spectaculaire.
Il met en avant la confiance, l'estime de soi, la capacité à gérer la pression de ses pairs Tokey Hill -Tokey Hill
À en croire notre interlocuteur, la décision d'inclure les katas, une démonstration au cours de laquelle chaque athlète doit réaliser une série de mouvements imposés, témoigne de la maturité et de la confiance acquises par le karaté. « C'est un aspect esthétique du sport qui a trop souvent été négligé. La WKF (Fédération mondiale de karaté) a souhaité le mettre au premier plan. » Dix athlètes masculins et dix athlètes féminines participeront aux katas à Tokyo, aux côtés des 60 concurrents du kumite, la discipline de combat en un-contre-un mieux connue des amateurs de sports de contact.
« En observant les katas, on peut voir la connexion entre l'esprit et le corps, le ying et le yang. On peut ainsi appréhender les principes des arts martiaux. En voyant ça, on pense à la beauté, à la grâce... mais quand on mesure la puissance, la vitesse et la technique infaillible de ces personnes, on n'en revient pas. » Le pays hôte des Jeux Olympiques de 2020 a pris l'habitude de s'illustrer dans le domaine des katas, discipline dont Ryo Kiyuna et Kiyou Shimizu sont actuellement champions du monde. Il semble naturel que ce soit au Japon que le karaté fasse ses débuts olympiques.
« Nos premiers championnats du monde ont eu lieu à Tokyo en 1970. La boucle sera bientôt bouclée. Les Japonais ont connu de grands succès dans ce sport, mais ils ont aussi beaucoup travaillé pour révolutionner notre façon de faire et amener le karaté sur le devant de la scène », juge Hill. Pourtant, les Japonais sont loin d'être assurés de récolter toutes les médailles d'ici trois ans. Hill est bien placé pour savoir que l'on trouve des athlètes de grand talent aux quatre coins du monde.
« Le karaté est pratiqué sur toute la planète. Étant membre de la commission technique des Amériques et de la WKF, j'ai pu m'en rendre compte par moi-même. Le karaté n'est plus réservé à certaines régions », estime l'entraîneur de plusieurs athlètes américains qui comptent bien être du voyage à Tokyo. « Par exemple, la Colombie a placé trois ou quatre représentants dans les dernières finales, le Brésil a plusieurs champions [du monde] et les États-Unis ont Tom Scott, le n°1 mondial chez les - 75 kg. »
Si l'on ajoute à cela les investissements significatifs des gouvernements nationaux aux quatre coins du globe suite au passage du karaté dans le giron olympique, tout porte à croire que des nations méconnues pourraient contester la suprématie des habitués de la discipline.
En tant que premier champion du monde américain de karaté (vainqueur des - 80 kg à Madrid), Hill a pu faire l'expérience de ce phénomène. Il espère revivre bientôt les mêmes émotions, par procuration. En effet, sa fille Ashley s'est récemment remise au karaté, attirée par la perspective de participer aux Jeux Olympiques de 2020.
« Elle avait une belle carrière d'actrice qui l'a tenue éloignée des tatamis pendant quatre ans. Aujourd'hui, elle est prête à revenir, pour les Jeux Olympiques », explique Hill. Double médaillée des championnats du monde et multiple championne des États-Unis, Ashley avait troqué son kimono contre une carrière à la télévision et au cinéma qui lui a notamment valu de jouer aux côtés d'Arnold Schwarzenegger. Elle a donc tout abandonné pour reprendre un entraînement à plein temps. La décision n'a pas été facile, mais elle témoigne d'une passion pour le sport dont son père n'est pas peu fier.
« Je peux vous dire qu'elle n'a pas pris cet engagement à la légère. On vient de lui proposer de jouer une scène dans un film. Financièrement, c'était intéressant et ça aurait sans doute été utile pour sa carrière d'actrice, mais elle a refusé », glissait-il.
« Je lui ai dit que c'était son choix : "À toi de savoir ce que tu veux faire dans la vie mais je peux te dire qu'il faut trancher. Autrement, tu ne pourras pas t'impliquer à 100 % et c'est indispensable si tu veux répondre aux critères pour intégrer l'équipe olympique." »
Pour Ashley comme pour son père, une place au sein de l'équipe olympique aurait des allures de rêve éveillé... sans même parler de la possibilité de remporter une médaille. « En ce qui me concerne, les Jeux Olympiques restent le plus grand événement de la planète », lance Hill en guise de conclusion.