Coupe du monde de biathlon 2024/25: Émilien Jacquelin, une passion pour la photographie qui lui a servi « de thérapie »

Émilien Jacquelin se présente à la Coupe du monde de biathlon d'Annecy-Le Grand Bornand en tant que troisième du classement général. Après une période compliquée, le Français revit, bien aidé par sa passion pour la photographie.  

7 minPar Nicolas Kohlhuber
Emilien Jacquelin
(2024 Getty Images)

La Coupe du monde d’Annecy-Le Grand-Bornand n’est pas le premier grand rendez-vous d’Émilien Jacquelin en France cette année.

Très loin de la neige où il est attendu du 19 au 22 décembre, il a exposé une sélection de photos à Paris au printemps. Vingt-cinq de ses clichés ont eu les honneurs de la galerie Trigram, un moment forcément spécial pour ce passionné de photographie depuis l’enfance.

Plus qu’un accomplissement, c’était une expérience inédite pour celui dont la carrière est jugée avec le biathlon comme unique point de vue depuis tant d’années.

« C'était un sentiment assez spécial, assez unique dans le sens où c'est la première fois depuis que j'ai quinze ans que je montre une facette de moi autre que celle de biathlète, que je m’exprime autrement qu'à travers mon sport. Puis ce qui était super chouette, c'est que des personnes aient pris le temps de regarder les photos pour ce qu'elles étaient, sans avoir un avis biaisé par le fait qu'elles me connaissent en tant que biathlète », a apprécié Émilien Jacquelin dans une interview exclusive avec Olympics.com.

Cette exposition intitulée Alter Ego avait aussi une signification particulière pour lui.

Il n’a pas seulement relevé ce défi pour le plaisir de partager ses photos ou pour franchir un cap dans sa passion commencée en piquant l’appareil de la famille. Le natif de Grenoble y voyait un moyen de définitivement laisser derrière lui un moment difficile dans sa vie d'homme et dans sa carrière de biathlète.

« La photographie a été comme une sorte de thérapie. J'avais besoin d'en faire une exposition pour clôturer aussi cette page qui a été compliquée pour moi. En faire quelque chose de partagé et apprécié de l'avis général, ça prouve que d’une période négative, tu peux en faire quelque chose de positif et ça, c'était assez fort. »

Sa passion pour la photographie avait jusque-là été reléguée au second plan. « Mon métier, c'est le biathlon, je n'ai pas le temps pour ça », pensait-il jusqu’à ce que des complications dans sa vie personnelle servent de déclencheur et le poussent naturellement vers la photographie.

L'image est alors devenue un remède qui a eu un impact jusqu'à ses performances en course.

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La solitude, l’appréhension et le doute de l’athlète dans l'objectif d'Émilien Jacquelin

Émilien Jacquelin revient de loin.

Le contraste est saisissant entre son actuelle troisième place au classement général de la Coupe du monde et les deux saisons précédentes qui ont été contrariées, entre un burn-out en 2022-2023 et un compteur de podiums seulement débloqué lors de la huitième étape en 2023-2024. Pendant cette période, l'appareil photo a été un meilleur allié que les skis ou la carabine pour lui.

« J’ai vu que je pouvais m'exprimer à travers ça, pas seulement prendre des photos pour les autres, chercher du beau, mais aussi m'exprimer. C'est vraiment venu comme ça. Et donc à un moment donné, c’est devenu une grosse part de mon quotidien, surtout dans cette période qui m'était plus compliquée sportivement parlant. J'avais toujours mon appareil photo avec moi, que ce soit dix minutes après une Coupe du monde ou dans le bus pour y aller », explique-t-il en avouant un besoin de s’exprimer différemment.

La photographie lui offre la possibilité de « jouer avec une réalité qui l’entoure, avec les émotions qu’il ressent ». Elle a même servi de véritable miroir au biathlète de 29 ans.

Alors qu’il se concentrait sur les émotions des sportifs, Émilien Jacquelin a délaissé la joie du vainqueur. Il s’est concentré sur celles qui rythmaient son quotidien d’athlète à ce moment-là : la solitude, l’appréhension, le doute ou la débauche d’énergie sans garantie d'être récompensé.

« Ces énergies, ces émotions étaient ancrées en moi, c’était bien plus facile via la photographie de les faire résonner en regardant ceux qui m’entouraient. »

Le biathlète de Villard-de-Lans n'a eu aucun mal à les retrouver chez les autres. Il s’est alors employé à faire ressortir les quêtes intérieures des athlètes en immortalisant ces scènes de leur quotidien qu’ils considèrent normales, mais qui n’ont rien de normal.

« Quand je regardais autour de moi, ça me sautait aux yeux très souvent », avoue-t-il en évoquant l'exemple d'Antonin Guigonnat faisant du vélo d'appartement dans un couloir d’hôtel.

Appareil photo en main, le Français a eu une prise de conscience aux airs de dézoom pour trouver un plan large plus pertinent. D’un même monde, Émilien Jacquelin a pu découvrir une nouvelle perspective à travers son objectif.

« C'est incroyable, on est tellement focus sur une chose qu'on en arrive à des situations soit loufoques, soit à se mettre dans des états pas possibles et c'était mon cas en même temps. Je le vivais, je l'expérimentais et en même temps, je le prenais en photo. »

Est-ce que cette introspection et cette passion font de lui un meilleur biathlète ? Il n’y a pas photo selon lui.

« C'est vrai qu'à un moment donné, ça m'a servi à retrouver un peu le chemin pour prendre du plaisir dans le biathlon. »

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Photographie ou biathlon, Émilien Jacquelin a le même style instinctif

L’œil dans l’objectif ou dans le viseur, les réflexes sont les mêmes pour Émilien Jacquelin.

Il déclenche à l’instinct, que cela soit pour blanchir une cible ou saisir une scène du quotidien. Le Français compare la photographie à un tir debout, dégainant sans trop réfléchir pour éviter des crispations ou de laisser filer le momentum.

« J'essaie d'avoir un côté plus instinctif dans la photographie, notamment quand je me balade en ville. J'adore avoir mon appareil avec moi en étant sur le vélo, je me balade et je me laisse porter. Et des fois ça va venir tout seul, il y a une idée qui surgit. Je veux prendre directement la photo, pas essayer de prendre le temps de cadrer ou quoi que ce soit. »

Ces habitudes font écho à la personnalité singulière de celui qui a parfois été qualifié d'enfant terrible du biathlon. Elles rappellent aussi que son retour en lumière en fin de saison dernière avait coïncidé avec une volonté de se retrouver.

Dans l’œil d’Émilien Jacquelin, les points communs entre ses deux passions sont bien plus nombreux que son style de photo qui se rapproche de son style de tir. Les parallèles vont des similitudes entre le déclencheur et la détente aux « instants volés » capturés en photographie de rue et les très bons tirs réussis en étant dans « l’instant présent ».

« On ne peut pas toujours faire la photo comme on a envie de la faire, parce qu'on n'est pas au bon endroit, parce que c'est pas la bonne lumière ou les choses comme ça. Il faut savoir s’adapter en photographie et finalement dans le sport aussi, c'est une constante adaptation pour essayer de tirer le meilleur de l'instant T. Donc oui, je pense que les deux me permettent d'être plus épanoui, pas seulement en tant qu'athlète, mais aussi en tant que personne. »

C’est d’autant plus vrai qu’il a désormais trouvé un équilibre après que la photo ait eu des airs de fuite durant certains stages. Et cela se ressent sur la piste.

Si Émilien Jacquelin prend du plaisir derrière l’appareil photo, il semble s’être aussi beaucoup amuser ces dernières semaines en célébrant devant les flashs des journalistes présents dans l’aire d’arrivée à Kontiolahti ou Hochfilzen.

Avant de remettre ça à domicile ce week-end ?

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