Amy Hunt : Une foulée brûlante pour entrer dans l’histoire
Amy Hunt a inscrit son nom dans les livres d’histoire en juin 2019, en établissant un nouveau record du monde U-18 du 200 m, à Mannheim en Allemagne. Dans une interview exclusive avec Tokyo 2020, la sprinteuse britannique explique pourquoi le report des Jeux pourrait être la meilleure opportunité qui soit.
Une chaleur ardente.
C’est ce dont ce souvient Amy Hunt de la course qui a changé sa vie. Ce ne sont pas ses cent premiers mètres où elle a éclipsé sa rivale située dans le couloir extérieur, ni le virage où sa longue et puissante foulée lui a permis de creuser un écart insurmontable pour ses adversaires, ni son arrivée avec un nouveau record du monde U-20 en 22,42 s. Plus que tout, c’est de la chaleur dont elle se souvient.
« La piste était si chaude ! Lorsque j’étais dans les starting blocks, je sentais le tartan me brûler les mains et je me disais, ‘mon Dieu, comment je vais faire ?’ Je priais pour que le pistolet donne le départ le plus vite possible. Il faisait chaud, tellement chaud » se souvient Hunt. Ensuite, je ne me souviens plus de grand chose ! Au début de la ligne droite, mes pieds étaient en train de brûler… Mes pieds en flamme sont le souvenir qui prédomine. Pendant les 50 derniers mètres, je serrais les dents pour tenir bon. »
Hunt a fait bien plus que tenir bon. Même si elle ne peut pas se souvenir des détails de la course, sa performance a marqué les esprits lui a permis de devenir l’un plus grand espoir du sprint mondial. Elle enregistré un chrono qu’aucune coureuse de moins de 18 ans n’avait pu réaliser dans l’histoire de l’athlétisme. Plus encore, ce chrono de 22,42 s représente le troisième meilleur temps pour une coureuse britannique, tout âge confondu.
Le 200 m ? Pas sa distance favorite
Le plus impressionnant, c’est qu’Amy Hunt ne courrait pas sur sa distance de prédilection. Avant son record du monde, elle n’avait couru que cinq 200 m en extérieur. Et elle n’avait pas aimé.
« Avant mon record, le 100 m était ma distance préférée », explique Hunt. Je n’ai pas couru beaucoup de 200 m l’année dernière, pour la simple raison que je ne prenais pas de plaisir. À la fin des courses, je m’écroulais de fatigue, je titubais, à la limite de tomber dans les pommes. Je n’aimais vraiment pas ça. »
Mais ce jour-là, c’est pour le fun qu’elle et son coach ont décidé de s’aligner sur 200 m. Le reste appartient à l’histoire, comme elle l’explique.
« La seule raison pour laquelle j’ai couru le 200 m, c’est parce j’ai couru les sélections junior sur 100 m. C’était mon objectif pour les Championnats d’Europe junior. Je me suis donc dit, ‘tiens, je vais tenter, pour le fun ! La semaine précédant la compétition, j’avais couru trois 100 m. J’ai donc simplement mélanger tout ça avec un 200 m. »
Au moment où Hunt a fini sa course, ses pointes avaient fondues (vraiment), et elle entrait dans une nouvelle dimension en ayant explosé le record du monde U-20 du 200 m.
« Une fois à l’aéroport, nous avons tous sorti nos pointes car certains d’entre nous avait couru très vite. Nous avons donc comparé nos pointes et lorsque nous avons posé les yeux sur la semelle, toutes les petites bandes en plastique avaient fondu. La piste était tout simplement trop chaude. Pas uniquement pour moi, toutes les semelles avaient fondu. C’était dingue. Mais c’est comme ça que ça s’est passé. »
La talentueuse Mme. Hunt
Amy Hunt a de nombreux talents. Elle n’est pas seulement la détentrice du record du monde U-20 sur 200 m. Elle a également dominé les Championnats d’Europe U-20 à Borås (Suède), en remportant la médaille d’or sur 200 m. Elle a ensuite été nommée « jeune athlète féminine de l’année » par l’associations des journalistes d’athlétismes britanniques.
Vous serez pardonné si vous pensez qu’elle commet un excès de talent. À tout juste 18 ans, Hunt donne l’impression de transformer en or tout ce qu’elle touche. La jeune athlète a été approchée par l’université de Cambridge pour étudier l’anglais, mais elle hésite encore car elle s’entraîne actuellement à Loughborough (la meilleure université britannique en sport). Hunt est également une talentueuse violoncelliste et dirigeait le groupe d’instruments à cordes de son école avant que le confinement soit déclaré dans tout le Royaume-Uni.
Pour le commun des mortels, l’idée de jongler entre l’école, la musique et les entraînements intensifs serait mentalement et physiquement épuisant. Mais Amy Hunt ne fait pas partie du commun des mortels.
« Avec le recul, je me demande comment j’ai fait pour tenir. Mais lorsque j’étais dedans, je n’avais presque pas le choix. Et puis c’est ce que j’aime. J’adore être toujours occupée et active », explique-t-elle avec enthousiasme. C’était presque confortable car c’est ce que j’ai l’habitude de faire. Mais c’est vrai que lorsque je regarde en arrière, je me dis, ‘wow !’ J’étais sous l’eau. C’est fou. »
La vie pendant le confinement
Les habitudes de Hunt ont évidemment changé pendant le confinement suite au coronavirus. Mais elle a affronté cette situation avec l’attitude idéale.
« La transition entre une vie si remplie et plus calme est plutôt agréable. C’est bien de prendre du recul et de se relâcher pour un petit moment. S’allonger et se balader avec sa mère… Je n’ai pas souvent la chance de faire cela. J’ai donc apprécié cette période. »
Elle a tout de même pu maintenir certaines routines d’entraînement en installant une salle de sport dans son garage et en courant dans la nature pour maintenir sa condition physique.
« J’habite a côté d’un grand champ, je m’entrainais là-bas. Et je faisais mes exercices dans les parkings vides. Il y a une colline juste à côté de chez moi, c’était très utile pour faire des séries de sprint en côte. Je ne vais pas si mal en fait. J’ai beaucoup de chance d’avoir tout ça à côté de chez moi. »
Un autre événement qui a également bouleversé sa vie est l’annulation des examens de fin d’année au Royaume-Uni. Elle devait passer son baccalauréat cette année, et elle pourra donc faire toutes les choses qu’elle ne pouvait pas faire cet été. »
« Mon premier examen était prévu la semaine dernière et j’aurais toujours eu cela dans un coin de ma tête et j’aurais été stressée. Mon cerveau aurait été tout le temps sollicité par les révisions et je n’aurais pas pu prendre du bon temps avec mes parents. »
Objectif Tokyo
Maintenant, place à Tokyo 2020. Lorsque le sujet est évoqué, Hunt explique qu’elle ne pourrait pas être plus heureuse qu’avec le report. Pour la sprinteuse britannique, une année supplémentaire pourra lui permettre d’être plus aguerrie et de mieux se préparer pour la plus grande compétition de la planète.
« C’est tellement positif pour moi. Je pense que j’aurais pu être prête cette année mais une année supplémentaire, c’est la meilleure chose qui pouvait arriver. Je serai plus en forme, plus puissante, en meilleure santé et plus rapide : tous les superlatifs positifs ! Donc oui, cela augmente considérablement mes chances d’être très compétitive lorsque je serai à Tokyo. »
Si elle se qualifie pour les Jeux, Hunt sera opposée à plusieurs de ses idoles. Les athlètes qui la fascinaient seront désormais ses concurrentes. Une sensation qu’elle a déjà pu goûter.
« Plus tôt cette année, j’ai eu la chance de pouvoir courir avec Shelly-Ann Fraser-Pryce et c’était l’une des expérience les plus irréelles de ma vie. J’ai vu tellement de ses courses à la télévision et j’étais maintenant à trois couloirs d’elle. »
Même si elle a sa place parmi les plus grandes sprinteuses du monde, elle court également aux côtés des meilleures de sa génération. Et elle n’en revient toujours pas.
« J’ai toujours admiré Dina (Asher-Smith) et Daryll Neita, et je fais désormais partie de leur monde. »
« À Mannheim, Daryll Neita était là et elle m’a fait un énorme câlin à l’arrivée. J’ai trouvé ça tellement bizarre. Je la regarde à la télé et maintenant elle me félicite. »