Yiech Pur Biel, athlète réfugié, prouve que "tout est possible" grâce au sport
À l'occasion de la Journée mondiale des réfugiés, Yiech Pur Biel, membre de la première équipe olympique des réfugiés lors des Jeux de Rio 2016, nous fait revivre le voyage qui l'a conduit jusqu'aux États-Unis et le fait rêver d'une deuxième participation aux Jeux Olympiques à Tokyo l'année prochaine. Il nous rappelle aussi que tout le monde peut aider les réfugiés à améliorer leurs conditions de vie.
Yiech Pur Biel a fui les conflits qui ravageaient le Soudan du Sud en 2005. Il s'est retrouvé dans le camp de réfugiés de Kakuma au Kenya. En 2015, il a révélé ses talents en athlétisme dans le cadre des sélections organisées par la Fondation Tegla Loroupe pour la Paix, et a déménagé à Nairobi pour s'y entraîner. Yiech Pur Biel a été sélectionné pour concourir aux Jeux Olympiques de Rio 2016 sous les couleurs de l'équipe olympique des réfugiés du CIO. Il a disputé le 800 m. Actuellement étudiant au Iowa Central Community College, il est aussi membre du conseil d'administration de l'Olympic Refuge Foundation.
Le samedi 20 juin marque la Journée mondiale des réfugiés. Quel message voulez-vous faire passer aux réfugiés du monde entier ?
Mon message est le suivant : il ne faut jamais avoir honte d'être un réfugié. Notre seul recours est de travailler dur, d'aller à l'école, de nous préparer, d'essayer de changer notre vie grâce à nos compétences ou nos passions, et de trouver un moyen de devenir une meilleure personne. Ne laissez pas le passé vous empêcher d'avancer. Montrez à la société toute entière que nous avons besoin de temps pour changer les choses. Je veux aussi insister sur le fait que l'ONU fait tout son possible pour protéger les réfugiés. Nous devons aussi profiter de cette journée pour remercier ceux qui aident les réfugiés.
Le message de la campagne du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) est que "Chacun peut agir. Chaque geste compte". Qu'est-ce que cela évoque pour vous ?
Je le trouve très positif. Je discute beaucoup avec les jeunes et bon nombre d'entre eux ne savent pas ce qui se passe dans le monde. Ils ignorent même que d'autres jeunes comme eux ont dû abandonner leur foyer. Nous devons leur montrer qu'ils peuvent aider à promouvoir le changement, qu'ils peuvent aider les réfugiés à avoir une vie meilleure en répondant à des besoins tels que l'éducation et le logement. Avec le soutien du CIO et de l'ONU, nous pouvons faire une différence et faire évoluer les mentalités. C'est pour cela que je continue à défendre leur cause. Le sport m'a apporté la sécurité et de nouvelles amitiés. Maintenant, j'essaie de contribuer par le sport.
Parlez-nous de votre parcours jusqu'à présent.
J'ai dû quitter mon pays en 2005 lorsque les troupes gouvernementales ont envahi notre village. J'ai eu de la chance, j'ai fui avec ma mère et mon frère. On a passé trois jours dans la brousse, en mangeant des fruits pour survivre. Après avoir été secouru par les Nations Unies, je suis parti au Kenya avec mon voisin. J'avais dix ans. C'était très dur. Et puis je me suis mis à courir. Je suis devenu bon au 10 km et après les sélections, j'ai été invité à m'entraîner à Nairobi. Je suis devenu l'un de leurs meilleurs athlètes, et j'ai eu la chance de rejoindre l'équipe olympique des réfugiés. À mon retour de Rio, où j'ai concouru dans l'épreuve du 800 mètres, j'ai commencé des études aux États-Unis, et je suis donc actuellement à la fois étudiant et athlète. Je suis très heureux de combiner les deux.
Quelle a été l'importance de la Fondation Tegla Loroupe pour la Paix dans votre développement ?
C'est ce qui a marqué le début de mon aventure. Quand j'ai terminé mes études secondaires en 2015, je me suis dit : "Ça y est, c'est fini", car vivre dans les camps de réfugiés était difficile. Mais la Fondation m'a motivé. Puis les Jeux Olympiques ont été un succès et m'ont donné la chance de poursuivre mes études. Vivre à Nairobi m'a également donné la possibilité de me lancer dans l'action sociale.
Quel est votre souvenir le plus marquant des Jeux de Rio 2016 ?
L'entrée dans le Maracanã [stade de la cérémonie d'ouverture]. Nous étions l'avant-dernière équipe à entrer dans le stade, juste avant le Brésil. Dans la vie, il y a énormément de défis à surmonter. On pleure parfois parce qu'on a perdu un être cher ou parce que la situation dans notre pays est ce qu'elle est. Mais au Maracanã, j'ai pleuré parce que je vivais un véritable tournant. Le président du CIO et le secrétaire général de l'ONU étaient présents et se sont levés pour applaudir les réfugiés. Nous étions les ambassadeurs d'un message d'espoir. Nous avons montré à tout le monde que tout était possible. Nous avons transformé notre situation en quelque chose de positif. Le monde a compris. Je suis réfugié, mais on ne sait jamais quand d'autres personnes peuvent être forcées à leur tour à fuir la guerre ou la persécution. Nous voulions montrer que nous avions répondu positivement à nos difficultés, et j'ai été très heureux de transmettre ce message. Le sport est un facteur d'unité qui permet de créer un monde meilleur.
Comment se passe l'entraînement pour les Jeux de Tokyo 2020 ?
Je suis prêt. Le coronavirus a bouleversé nos projets, mais nous avons l'occasion de travailler dur pour être encore mieux préparés pour 2021. J'espère réussir à intégrer à nouveau l'équipe olympique des réfugiés. De plus en plus de jeunes fuient leurs pays, c'est pourquoi nous devons continuer de transmettre le même message. Et nous voulons que notre équipe aille encore plus loin qu'en 2016. Je pense qu'on peut vraiment accomplir de grandes choses à Tokyo.
Vous faites partie de l'Olympic Refuge Foundation. Dans quelle mesure estimez-vous qu'il est important que les réfugiés aient accès à la pratique sportive ?
Je suis honoré de faire partie de la Fondation. Elle m'a donné une voix pour parler au nom de mes compatriotes réfugiés. Ce n'est pas un travail facile et cela nécessite un grand dévouement. L'objectif de la Fondation est de veiller à ce que les athlètes réfugiés aient accès à des installations sportives sûres, et ce pour deux grandes raisons : encourager les jeunes à se consacrer au sport et leur procurer un environnement sûr pour le faire. L'Olympic Refuge Foundation œuvre partout dans le monde en utilisant le sport pour améliorer le bien-être mental des jeunes réfugiés et pour rapprocher les jeunes déplacés de force et leurs communautés hôtes. Nous devons tenter de faire bouger les choses. Je sais de quoi je parle.
Quel est votre avis sur le pouvoir du sport pour façonner les communautés et améliorer le bien-être ?
Le sport peut être le meilleur des outils parce qu'il a le pouvoir d'unir les peuples. Dans le camp de Kakuma, 19 nationalités différentes cohabitaient et nous avons créé des liens d'amitié et nous nous sommes soutenus mutuellement par le biais du sport. En 2016, l'équipe olympique des réfugiés n'appartenait à aucun pays, et pourtant les dix athlètes ont formé une équipe unie. Le sport est un outil de partage, il assure de meilleures conditions de santé, et c'est pourquoi il est au cœur des valeurs du Mouvement olympique, qui accorde de la valeur aux personnes.
Avez-vous un message de soutien (#StayStrong) pour les personnes qui luttent pendant la pandémie de COVID-19 ?
Tout comme pour les réfugiés, nous devons nous serrer les coudes en tant qu'êtres humains et nous soutenir mutuellement, parce que nous ne savons pas combien de temps durera cette situation. Nous devons aider ceux qui sont dans le besoin. Les réfugiés le savent bien. Nous faisons face à la situation ensemble. Mon message est donc le suivant : ne perdez pas espoir. Puisons dans notre humanité et notre esprit de camaraderie.
Yiech Pur Biel est l'un des 49 athlètes réfugiés bénéficiant d'une bourse du CIO et qui s'entraînent actuellement en vue d'être sélectionnés pour l'équipe olympique des réfugiés aux Jeux de Tokyo 2020. Les athlètes viennent de 18 pays hôtes – de l'Australie au Kenya, en passant par l'Europe et les États-Unis – et représentent 11 sports : athlétisme, lutte, judo, taekwondo, cyclisme, natation, badminton, boxe, tir, karaté et haltérophilie. La première équipe olympique des réfugiés en lice aux Jeux de Rio 2016 a inspiré le monde entier par sa force de caractère. L'équipe olympique des réfugiés formée par le CIO pour les Jeux de Tokyo 2020 continuera d'envoyer un message d'espoir à tous les réfugiés du monde. La composition de l'équipe sera annoncée en 2021.