Lorsqu’il officiera cet été à Rio, William Lee deviendra le tout premier juge de plongeon de Singapour et écrira un nouveau chapitre de l’histoire d’amour que sa famille entretient avec le sport.
Âgé de 52 ans, Lee, qui est vice-président de la section plongeon de l’Association singapourienne de natation, a fait ses premiers pas de juge lors des Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) 2010 qui ont lieu dans son pays natal. Il confie que le « privilège » d’être juge à Rio compensera le fait que ses fils jumeaux, qui représentent Singapour en plongeon synchronisé, ont été contraints de renoncer à la campagne de qualification pour les Jeux de 2016.
Les jumeaux en question, Mark et Timothy, âgés de 21 ans, espéraient bien accompagner leur père à Rio et participer à la compétition de plongeon synchronisé. Mais le service militaire est obligatoire à Singapour, ce qui signifie qu’ils ont dû mettre leurs ambitions sportives entre parenthèses. À la place, c’est leur père qui fera flotter les couleurs de Singapour au bord de la fosse, en étant le premier juge de plongeon olympique de son pays. Il est d’ailleurs persuadé que cet exploit d’avant-garde aura des retombées concrètes sur les sports aquatiques dans la « ville du lion ».
Lee espère apprendre un maximum de choses de ses camarades juges, des entraîneurs de natation et des directeurs d’équipes à Rio 2016, et que ces nouvelles connaissances donneront un coup de fouet au plongeon singapourien qui a entrepris récemment une mutation.
« C’est un immense honneur que d’être appelé à servir aux Jeux Olympiques, dit Lee. Je suis vraiment heureux d’avoir été choisi pour représenter Singapour. C’est aussi une reconnaissance fantastique de la force du développement du plongeon à Singapour. Cela va au-delà de la simple fonction de juge. Cela va être génial d’être parmi les autres juges, mais également de m’enrichir au contact de tous les autres pays. J’ai hâte de pouvoir discuter avec les entraîneurs et les directeurs d’équipes et d’en tirer des leçons. »
Lee, qui officie comme pasteur lorsqu’il n’est pas au bord de la fosse, était déjà un amateur de plongeon convaincu lorsque Singapour a hérité du droit d’organiser les premiers Jeux Olympiques de la Jeunesse en 2010. Lorsque les préparatifs ont commencé en 2009 dans la ville état, Lee s’est impliqué au sein de la direction de l’épreuve et il a finalement entrepris une formation pour devenir juge. Depuis 2012, il est devenu juge en compétition internationale et a officié notamment aux Championnats du monde juniors de plongeon, à la Coupe du monde 2014 et lors des World Series 2015.
En début d’année, il a été choisi par la FINA pour être l’un des 23 officiels du monde entier qui convergeront vers le Centre aquatique Maria Lenk de Rio, aux côtés notamment de représentants de Nouvelle-Zélande, de Cuba et d’Inde.
« Je pense que tout vient simplement de ma passion pour ce sport, explique Lee. Cela a toujours été l’une de mes disciplines préférées. Lors de chaque édition des Jeux, j’ai toujours été captivé devant cette épreuve. Quand Singapour a obtenu les JOJ, nous avons vraiment relancé notre programme et on m’a demandé de l’aide. C’est aussi à cette époque que mes fils ont commencé à plonger. »
Timothy, l’un des fils de Lee, figurait d’ailleurs parmi les plongeurs qui ont participé aux JOJ 2010, tout comme Tom Daley, médaillé de bronze à Londres 2012, et Qiu Bo, champion du monde 2016 de haut vol 10 m hommes. « C’était fantastique, s’enthousiasme Lee. Vous imaginez, le monde entier à notre porte. Cela nous a permis de voir à l’œuvre des jeunes qui malgré leur jeune âge, 17, 18 ou 19 ans, étaient déjà des champions du monde. Même s’ils disputaient seulement les Jeux Olympiques « de la jeunesse », ils étaient déjà champions du monde. Pour Singapour, cela a été une révélation de voir tous ces athlètes de pointe et pour nos plongeurs, une expérience inestimable. »
Les JOJ ont permis la renaissance du sport à Singapour, qui n’avait pas engagé d’équipe de plongeon aux Jeux du Sud-Est asiatique (SEA) depuis dix ans. Depuis, ses fils Timothy et Mark se sont associés sur le tremplin, et ils ont gagné l’argent du tremplin synchronisé à 3 m hommes, l’an dernier aux Jeux SEA, complétant leur moisson impressionnante de médailles entamée il y a à peine six ans.
Aujourd’hui, Singapour entend profiter de Rio comme source de motivation en vue de Tokyo, Lee en tête, pour voir enfin dans quatre ans un plongeur de son pays participer aux Jeux Olympiques. « Nous avons de grands projets pour que nos plongeurs concourent au plus haut niveau en 2020 », précise Lee, en ajoutant qu’il espérait pouvoir s’inspirer des plongeurs de l’élite à Rio. « Les voir à la télévision ou sur YouTube, c’est une chose, mais être sur place avec eux et voir comment ils abordent la compétition, c’est très enrichissant. Il y a dans tous les domaines de précieux enseignements à tirer : son propre comportement en compétition, la gestion de la pression ou la façon dont les meilleurs athlètes se reprennent lorsqu’ils ont manqué un plongeon. »
Tout comme les athlètes, les juges comme Lee s’entraînent d’arrache-pied pour Rio. Sa préparation lui ordonne de suivre un maximum de compétitions et de visionner un maximum de vidéos, pour être certain d’être à son meilleur niveau.
Pour Lee, sa récompense, c’est aussi de voir les jeunes plongeurs qui ont participé aux JOJ 2010 à Singapour, se mesurer aujourd’hui aux meilleurs mondiaux. « Ces garçons s’entraînent des milliers d’heures pour participer aux jeux Olympiques et nous leur devons vraiment, nous les juges, d’être au maximum de nos possibilités, sans quoi ce serait un déshonneur et un très grand manque de respect pour les athlètes et pour les sacrifices auxquels ils ont consenti, déclare Lee. On essaie d’assister à un maximum de compétition et de regarder de grandes quantités de vidéos. Et même lorsque je les visionne, je donne des notes, comme si j’y étais, je compare mon score avec celui qui a été donné, et je me plonge dans les règlements pour être certain que je maîtrise vraiment toutes les règles. »
Lee prendra pour la première fois la direction du Brésil début août, en vue de la première épreuve de plongeon, le 7 août. Parmi les athlètes qualifiés figurent le Chinois Qiu Bo et le Jamaïcain Yona Knight-Wisdom, premier plongeur de son pays à participer aux Jeux.
Pendant ce temps-là, à Singapour, les fils de Lee sont déjà tournés vers le futur. « Ils visent la qualification pour les Jeux de 2020, c’est sûr, dit Lee. Ils ont dû mettre leurs rêves entre parenthèses, mais ce rêve est toujours vivant. »