Virginie Faivre : "Une femme à la tête du comité d'organisation des JOJ de Lausanne 2020, un message très fort"

Virginie Faivre est aujourd'hui la présidente du comité d'organisation des Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) d'hiver de Lausanne 2020 après avoir accompagné le projet depuis la phase de candidature. Elle a auparavant mené une très brillante carrière sportive en ski half-pipe avec trois titres de championne du monde et trois victoires au classement général de la Coupe du monde, tout en étant l'une de celles qui ont fait évoluer la discipline vers la parité hommes-femmes. Elle nous raconte son parcours… et ses combats.

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Virginie Faivre : "Une femme à la tête du comité d'organisation des JOJ de Lausanne 2020, un message très fort"
(2014 Getty Images)

"Une femme en particulier m'a beaucoup inspirée au début de mon parcours sportif et qui est par la suite devenue une amie très proche, il s'agit de Sarah Burke. La pionnière du ski acrobatique féminin, la première à se battre pour que les femmes puissent avoir leur propre catégorie. À l’époque, elle participait aux compétitions avec les hommes. Quand je suis arrivée sur le circuit, nous n'étions pas nombreuses, mais grâce à elle, on a commencé à avoir une catégorie féminine en compétition. Sarah était vraiment quelqu'un qui m'a beaucoup apporté, et qui est malheureusement décédée dans un half-pipe lors d'un tragique accident en 2012. Elle a énormément compté pour moi, elle s'est également battue pour que notre sport devienne une discipline olympique. Nous étions derrière elle pour la soutenir dans ses différents engagements.

Marie Martinod, ma meilleure amie, qui était la seule skieuse acrobatique en Europe, la première que j'ai rencontrée, m'a elle aussi beaucoup inspirée. Il y a eu une émulation commune au sein de ce petit groupe d'athlètes. Nous étions quatre ou cinq à vouloir vraiment avoir un impact, c'est ensuite devenu plutôt commun de voir des filles pratiquant notre sport, ce qui est une belle réussite. C'est gratifiant d'avoir toutes ces jeunes qui pratiquent aujourd'hui nos disciplines.

J'ai rencontré quelques difficultés au départ en tant que femme. Il a fallu que je me fasse une place. Je crois que c'était une question de respect. Essayer de gagner le respect de nos collègues masculins qui représentaient notre discipline. Il s'agissait d'être crédibles et de gérer cette pression pour que nous puissions être reconnues à notre juste valeur, non seulement par nos homologues sportifs, mais ensuite par les fédérations, les différentes organisations afin qu'elles nous laissent la place pour pouvoir exprimer nos qualités d'athlètes.

Je pense que l'admission au programme olympique a beaucoup fait pour notre discipline, mais il ne s'agissait pas d'intégrer une compétition masculine, il fallait que cela soit égal des deux côtés, que nous montrions que nous avions notre place aux Jeux. Les organisateurs d'événements nous ont énormément soutenues, ils ont œuvré pour ouvrir les compétitions au plus grand nombre de participantes. Qu'on ait notre place, c'est une chose, mais s’il n'y a que cinq femmes qui peuvent prendre le départ, et qu'ensuite, les quotas s'ouvrent à une vingtaine d'athlètes, c'est là que le sport commence vraiment à se développer et à prendre toute sa force. L'arrivée de notre discipline aux Jeux Olympiques a clairement été une étape qui nous a permis de concourir sur un pied d'égalité avec les hommes. Aujourd'hui, on fait moins de comparaisons, moins de différences. Chacun à sa place.

C'est important qu'il y ait des modèles. À une époque, nous n'étions que peu de participantes, il fallait convaincre et rassurer les jeunes filles, leur dire qu'elles aussi pouvaient venir dans les snowparks et également participer à des compétitions. Même si elles étaient en minorité, ce qui était le problème. Ce sont des sports assez impressionnants et qui sont majoritairement pratiqués par des hommes. Lorsque l'on rentrait dans un snowpark, que l'on cherchait des yeux une autre fille et qu'il n'y en avait pas, cela pouvait être assez intimidant. Donc, pouvoir leur montrer qu'elles avaient leur place aussi, c'était quelque chose d'important. Pouvoir les inspirer, les accompagner, c'est provoquer un effet boule de neige !

Il y a aussi un problème côté féminin : l'âge de 12-14 ans est une période un peu critique où les jeunes filles peuvent quitter le sport. Elles ne croient pas assez en elles. Il faut leur montrer que c'est un chemin qui n'est peut-être pas conventionnel, qui est difficile, mais qui peut mener à de très belles aventures. Il s'agit d'une magnifique école de la vie. Il faut maintenir un maximum de jeunes filles et de femmes dans la pratique du sport.

De gros progrès ont été faits vers la parité. Au niveau des participantes, des quotas équitables, comme les primes qui ont été adaptées et sont similaires pour presque tous les événements. Mais il reste encore des efforts à faire en raison d'un manque de sportives dans ces disciplines. Les femmes manquent encore un peu de visibilité. On met en avant les hommes et je pense que les médias ont leur rôle à jouer en montrant le même nombre de photos, en donnant plus de visibilité aux athlètes féminines. Il reste du travail à accomplir au niveau sportif, et je pense également au niveau administratif et en dehors des terrains. Cela se passe aussi sur le plan de l'éducation, avec les parents ou les entraîneurs. Je pense qu'il y a encore trop peu d'entraîneurs femmes. Il y a peu de femmes à la tête des institutions sportives.

Quand plus de femmes se trouveront à des positions stratégiques, elles donneront l'élan nécessaire pour ouvrir la voie à l'équité. C'est en train d'arriver. J'ai remarqué les énormes progrès accomplis entre mes débuts dans le sport et aujourd'hui. Je crois que l'on peut citer à ce titre l'exemple des JOJ de Lausanne 2020 qui vont avoir une égalité totale des sexes avec le même nombre de participants garçons et filles dans nos épreuves. On peut toujours faire mieux, mais il y a déjà de très belles choses qui sont faites, et il faut le souligner.

Il est important également d'insister sur l'importance des efforts du CIO. L'arrivée de nos disciplines aux Jeux Olympiques a eu beaucoup d'impact. Le Mouvement olympique fait incontestablement de gros efforts pour inclure les femmes. Il est là pour montrer l'exemple, avec des signaux très forts qui soutiennent le sport au féminin et je pense que les Fédérations Internationales suivent le mouvement. Nous avons la chance d'avoir un Mouvement olympique qui montre la voie.

Le fait qu'une femme soit à la tête du comité d'organisation des JOJ de Lausanne 2020 est un message très fort. C'est amener un point de vue différent, complémentaire. Apporter une touche féminine, c'est un atout qui donne un élan positif pour ces JOJ. J'ai eu beaucoup de chance, je n'avais jamais imaginé que je pourrais mener une carrière sportive professionnelle. Participer à l'évolution de son sport, c'est quelque chose d'exceptionnel. Ensuite, il y a ma "deuxième carrière", qui me permet de rester dans le milieu sportif et de pouvoir partager mon expérience pour la meilleure conduite de cet évènement. Je suis ravie de pouvoir redonner au sport ce qu'il m'a donné."