Thubron lâche ses chevaux-vapeur entre gloire et polémique

« Des nombreuses épreuves organisées par l’Association olympique britannique, celles-ci furent les plus malchanceuses en raison de la météo », écrit le rapport officiel à propos des compétitions de motonautisme, sport olympique pour la première et unique fois en 1908.

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Thubron lâche ses chevaux-vapeur entre gloire et polémique

C’est sur cette scène qu’Ernest Blakelock Thubron, courant pour la France sous le prénom d’Émile, va entrer dans la légende olympique, presque par forfait. Thubron est un autre exemple de ces concurrents d’âge mûr, puisqu’au moment de Londres 1908, il a 47 ans et est un pilote expérimenté. Il a gagné le trophée Harmsworth de motonautisme en 1904 et possède ses propres chantiers de construction de bateaux à moteur au Caire. Ce n’est pas le genre de sportif qu’on associerait aujourd’hui à la compétition olympique ni le genre d’épreuve qu’on s’attendrait à voir aux Jeux, et ce n’est pas vraiment une surprise de voir l’épreuve disparaître sans faire de bruit à l’issue de cette Olympiade.

« La mer démontée a transformé la course en une entreprise considérablement risquée et l’a dépouillée de tous ses attraits, sauf pour ses partisans les plus farouches, poursuit le rapport. Que des concurrents se soient quand même élancés témoigne fortement de leur courage et de leur détermination. » Un certain espoir mêlé d’enthousiasme s’est fait jour autour du bateau britannique, Wolesley-Siddely, dont le retour d’Amérique est à l’origine du report de la compétition, de juillet à août. On ne peut certainement pas reprocher aux organisateurs britanniques leur envie d’organiser l’épreuve, eux qui entendent par bateaux à moteur « des bateaux propulsés au moyen de moteurs à combustion interne ».

Le parcours couvre 40 milles nautiques, les embarcations devant boucler cinq fois un circuit de huit milles nautiques. L’épreuve de la classe A, disputée individuellement plutôt que par équipes, est recourue après que les conditions météorologiques ont fait craindre le pire. Thubron et son bateau Camille s’élancent dans la course en eau libre face au Wolesley-Siddely, piloté par le Duc de Westminster, et un autre bateau britannique, Daimler II. La situation ne semble guère brillante pour Thubron, dont le bateau se retrouve rapidement à la traîne de ses deux adversaires. Pire, il se fait prendre un tour par le Wolsesley-Siddely, avant qu’un coup de vent ne se lève une fois de plus. On assiste alors à un revirement lorsque Daimler II est contraint à l’abandon et que le bateau du duc s’échoue sur Hamble Spit, un banc de sable proche de Southampton, la ville la plus proche du lieu de l’épreuve. Cela signifie que Camille a la victoire en poche dans une course qui « s’est avérée la plus décevante, tant sur le plan des performances que sur les points de vue spectaculaires », même si le rapport officiel fait contre mauvaise fortune bon cœur en émettant l’opinion que cela a permis de « fournir un autre exemple de ce qu’il est possible de tirer des bateaux modernes lorsqu’ils sont pilotés avec talent, audace et détermination ».

Thubron mourra en 1927 après avoir été victime d’un accident de voiture en Nouvelle-Zélande. Sa nationalité restera un sujet de discorde après sa participation aux Jeux, certains suggérant que son bateau de conception française constituait son seul lien avec le pays et qu’il avait couru sous le drapeau tricolore afin d’apporter un zeste de piment supplémentaire à la compétition. Quelle que soit la vérité, la sienne sera un héritage olympique aussi inattendu que permanent, dans une épreuve peut-être mal engagée dès le départ.