Stade départemental Yves-du-Manoir : un saut dans le temps

Par Pierre Sarniguet
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Photo de Getty Images 2024

Le stade départemental Yves-du-Manoir va rentrer cet été dans un cercle très fermé, celui des sites de compétition ayant connu non pas une mais deux olympiades. Un siècle tout pile après avoir accueilli les Jeux de Paris 1924, l’enceinte située à Colombes va de nouveau ressentir le frisson olympique en recevant les tournois de hockey sur gazon.

Photo de Getty Images 2024

À l’image de Roger Lebranchu qui, à 102 ans, nous a irradiés de son énergie en allumant le chaudron au pied du Mont Saint-Michel le 31 mai dernier, c’est un autre centenaire en pleine forme qui va accueillir des épreuves lors des Jeux de Paris 2024 ! Et oui, le stade départemental Yves-du-Manoir s’est refait une beauté afin de garantir des conditions de jeu optimales aux 24 équipes (12 féminines, 12 masculines) qui évolueront sur sa pelouse synthétique. Avec près de 100 millions d’euros d’investissement, le stade s’est mis à l’heure olympique, comme il l’avait fait il y a 100 ans en accueillant la cérémonie d’ouverture, les épreuves et également le tout premier village olympique de l’histoire. Pour cette XXXIIIe olympiade, c’est un complexe sportif flambant neuf qui a été livré : 2 terrains synthétiques pour le hockey sur gazon ; un terrain olympique de hockey sur gazon avec sa tribune historique de 6 000 places remise aux normes (qui deviendra un terrain de foot et de rugby après les Jeux) ; 2 bâtiments neufs avec locaux administratifs et techniques, vestiaires, salles de réunion, salles de réception et salles de musculation ; 4 terrains de football ; 3 terrains de rugby ; 1 nouvel anneau d'athlétisme de 200 mètres. Ces travaux ont offert une nouvelle jeunesse à l’enceinte qui, au-delà de devenir le repaire du hockey français, sera également un terrain d'exercice idéal à différentes activités sportives, à l’image de ce qu’il fut durant la première partie du vingtième siècle.

Des Jeux plus responsables

La rénovation de l'un des stades les plus mythiques du sport français s'inscrit dans la vision de Paris 2024 pour organiser des Jeux plus responsables, avec pour objectif de diviser par deux ses émissions carbone par rapport aux éditions précédentes.
Du côté de Colombes, c'est la pelouse de l'entreprise Polytan qui attire l'attention. Non pas par sa couleur mais pour ses qualités techniques et durables, il s'agit du premier gazon bas carbone. Composé à 80% de matériaux d'origine biologique (issu d’un sous-produit de la transformation de la canne à sucre), il évite l'émission de 73 teq (tonne équivalente) CO₂ par rapport à la production d'une même surface avec un gazon traditionnel, tout en conservant un niveau de performance optimal répondant aux exigences de la Fédération Internationale de Hockey sur Gazon.
Enfin, cette pelouse se veut aussi économique en eau, une réduction d'eau de près 40% pour son entretien.

Mais au fait, qui es-tu Yves ?

Yves du Manoir, né en 1904, s’est d’abord illustré dans le domaine universitaire en obtenant un baccalauréat en mathématiques élémentaires puis en intégrant l’École polytechnique. Cette dernière lui ouvre les portes d’une carrière militaire dans l’aéronautique mais Yves du Manoir est avant tout un sportif dans l’âme. Repéré puis recruté en 1923 par le club de rugby parisien, le Racing Club de France, il gravit rapidement les échelons et se retrouve international avec le XV de France. Athlète talentueux, accompli et apprécié du grand public, il excelle également en natation et en tennis. Une polyvalence et une appétence pour le sport en général qui ne sont pas sans rappeler l’histoire du stade de Colombes. Épreuves équestres, athlétisme, rugby, football, boxe, l’enceinte alors appelée stade olympique de Colombes a toujours possédé une vocation omnisports évidemment illustrée par les Jeux Olympiques de 1924 mais aussi dans la manière dont sa rénovation en 2023 a été réalisée. Pour en revenir à Yves du Manoir, c’est malheureusement dans des conditions tragiques que son nom est donné à l'enceinte sportive en 1928. Alors seulement âgé de 23 ans, il meurt dans l'accident de son avion, provocant une vague de tristesse dans tout le pays. Du côté de Colombes, cet hommage apparaît comme une évidence.

Un bon dans le temps

Jeux Olympiques, deuxième épisode !

Elles ne sont pas nombreuses les enceintes sportives à avoir eu le l'honneur de vivre deux olympiades. Pour être exact, le stade départemental Yves-du-Manoir sera seulement le quatrième site olympique à réaliser cette prouesse. Les trois premiers étant le stade Wembley à Londres (1948 et 2012), le stade national de Tokyo (1964 et 2021) et le Los Angeles Memorial Coliseum qui aura, lui, le privilège de connaître ses troisièmes Jeux en 2028 (après 1932 et 1984). En ce qui concerne les 37 sites olympiques de Paris 2024, seul le stade départemental Yves-du-Manoir bénéficie de cette faveur.

À jamais le premier

Le second honneur que le stade départemental Yves-du-Manoir gardera pour l’éternité, c’est d’avoir accueilli le premier village olympique de l’histoire des Jeux modernes. Un défi logistique relevé avec brio puisque c’est seulement un an avant le début de la compétition que le comité d’organisation apprend qu’il a la charge de loger les 3 000 athlètes venus de 44 pays différents. Stade et village sont ainsi construits en quelques mois sur les plans de l’architecte Louis Faure-Dujarric. La ville de Colombes où se situe le stade se retrouve alors dotée du tout premier village olympique constitué de baraquements en bois. Les athlètes y auront à disposition un bureau de change, un salon de coiffure, un bureau de poste, un kiosque à journaux, des services de blanchissage et de garde des objets de valeur mais surtout, une cantine servant trois repas par jour.

Pour en savoir plus sur le Village olympique et paralympique de Paris 2024

Mais aussi

  • En 1924, le village olympique accolé au stade Yves-du-Manoir était constitué de 66 baraquements de bois disposés sur un terrain de 150 sur 60 mètres. Mais les femmes n’y étaient pas logées. Elles résideront séparément des hommes jusqu’aux Jeux de Melbourne en 1956.

  • En 2024, les deux tribunes du stade seront complétées par plusieurs tribunes provisoires autour des terrains. Au total, 13 500 personnes pourront assister simultanément aux matchs de hockey sur gazon !

  • En 1883, la première vocation du site est équestre puisque c'est la société des courses de Colombes qui exploite l’espace de 35 hectares. Pendant près de 20 ans, les pistes accueilleront de nombreuses courses plates, de haies et de steeple chase.

  • Cette enceinte sportive a changé plusieurs fois de nom au fil des années :
    - stade du matin 1907 - 1919
    - stade de Colombes 1919 - 1924
    - stade olympique de Colombes 1924 - 1928
    - stade olympique Yves-du-Manoir 1928 - 2002
    - 2002 - stade départemental Yves-du-Manoir