« Nous utilisons le basketball comme catalyseur, comme un moyen de faire grandir ces jeunes à la hauteur de leur potentiel. »
Voici comment El Kabir Pene résume la philosophie de la SEED Academy dans une interview exclusive à Olympics.com.
L’ancien international sénégalais est le manager général de cette institution, qui rassemble 20 garçons et 20 filles au Centre National d'Éducation Populaire et Sportive du Sénégal (CNEPS) à Thiès.
Sur ce campus situé à une cinquantaine de kilomètres de Dakar, les élèves de la sixième à la terminale poursuivent leurs rêves. Non seulement dans les gymnases, mais aussi dans les salles de classe. Les emplois du temps sont organisés pour qu’ils puissent s’entraîner au moins deux heures par jour en parallèle à leur cursus scolaire.
Certains sont hébergés en famille d’accueil quand d’autres dorment dans les dortoirs situés à quelques mètres des terrains. Dans tous les cas, la grosse balle orange n’est jamais loin, qu’elle soit dessinée sur les murs des bâtiments ou à portée de main dans les chambres des apprentis basketteurs.
Les heureux élus qui viennent de toute l’Afrique ont été sélectionnés par un processus qui symbolise le double projet vanté par l’établissement sénégalais. Au menu des tests d’admission, on retrouve du basket, mais surtout du français, de l’anglais, des mathématiques et parfois des matières scientifiques. Tout au long de leur scolarité, le sportif et l’éducation sont liés.
La possibilité de s’entraîner est notamment conditionnée par l’obtention de bonnes notes. L’équipe pédagogique a fait ce choix pour une bonne raison : à la SEED Academy, le sport est surtout un moyen de former les « leaders africains de demain ».
« Le basket n'est qu'un prétexte. En réalité, les études sont prioritaires. Nous voulons développer la réussite de ces filles et de ces garçons. On veut les former pour qu’ils puissent être des leaders un peu partout », résume Alioune Chimère Diouf, le responsable académique de la SEED Academy.
La SEED Academy pour intégrer de prestigieuses universités américaines
Les étudiants adhèrent à cette manière de concevoir leur parcours.
« L'académie est une très bonne opportunité pour les jeunes, ici au Sénégal, de pouvoir montrer leur talent, d'avoir des opportunités pour voyager et d'apprendre beaucoup de choses », annonce Fatou Faye Sané, dont la facilité à répondre aux interviews fait oublier son jeune âge.
« Il faut avoir de bonnes notes, travailler à l'école comme sur le terrain. Pour venir ici, il faut bosser. C’est comme si on est à la maison : les cahiers, les leçons, tout est surveillé », explique Saran Tohonamou, originaire de Guinée qui perçoit son séjour sénégalais comme un tremplin vers les États-Unis.
De nombreux élèves ont pour objectif de traverser l’Atlantique et les cours sont faits pour les y préparer. D’un point de vue scolaire, mais aussi en termes de savoir-être ou de savoir-vivre. Des séances de tutorat sont organisées lors des après-midi libres pour valoriser leurs compétences dans de nombreux domaines, dont la communication. Lors des entraînements, la vie en communauté leur permet de se tirer vers le haut et potentiellement de progresser jusqu’à décrocher une bourse universitaire.
En poursuivant les mêmes buts dans leur vie professionnelle, les basketteurs qui partagent le terrain et la même passion forment bien plus qu’une équipe.
« J’ai appris des valeurs et quelque chose de plus important que jouer au basketball. J’ai connu une deuxième famille ici. Ce n’est pas juste une équipe qui s’entraîne et joue, mais 20 filles qui vivent ensemble, qui ont les mêmes opportunités et les mêmes aspirations. On est resté en contact, car c’est un lien qui dure pour toujours », explique Mame Fatou Konaré, ancienne élève et nouvelle responsable communication de la SEED Academy.
Son parcours est une grande fierté pour ses anciens enseignants. Il est surtout la preuve que les plus grandes réussites ne sont pas forcément celles qui font la une des médias sportifs.
Alioune Chimère Diouf tient à rappeler que « ceux qui ont réussi en-dehors du basket sont bien plus nombreux et pèsent plus dans la balance ».
« Tu peux faire le tour du monde, tu as besoin de revenir ici pour partager tes connaissances »
El Kabir Pene, le manager général, salue aussi les hommes et femmes qui brillent loin des parquets. « Je retiens les réussites humaines et sociales des jeunes qu’on a pris alors qu'ils étaient dans la rue. Certains étaient des jeunes désœuvrés et maintenant, ils ont des responsabilités dans des banques ou entreprises à l’échelle internationale ».
Les élèves de la SEED Academy courent après leurs rêves autant qu’après le ballon. Et comme sur le terrain, le collectif est mis en avant. Le giving back est l'un des piliers de l’institution et revient dans de nombreuses discussions. Il est affiché dans le bureau de manager général et rappelé avec le portrait de certains anciens dont Gorgui Dieng, qui termine sa dixième saison en NBA, mais reste proche de l’académie qui lui a permis d’intégrer l’Université de Louisville.
« Ce qui compte, ce n'est pas la performance sportive, mais l'impact que vous avez sur les gens qui vous entourent », explique Mame Fatou Konaré. Comme dans n’importe quelle famille, les aînés conseillent les plus jeunes et les aident à se préparer aux défis qui se profilent, notamment en déménageant dans un nouveau pays.
Ibrahima Sankaré a étudié aux États-Unis, est devenu basketteur professionnel et a intégré l’équipe nationale sénégalaise. Mais il revient s’entraîner régulièrement au CNEPS de Thiès pour partager son vécu.
« La meilleure chose que vous puissiez faire, c’est ramener cette expérience et conseiller ces jeunes qui ont les mêmes rêves que vous. Ils m’ont posé plus de 50 questions sur mon parcours », se Sankaré, qui considère aussi la SEED Academy comme une famille. Les anciens gardent le contact et entretiennent un cercle vertueux à l’image de Matar Mbodj qui entraîne là où il a étudié.
« Tu peux faire le tour du monde, tu as besoin de revenir ici pour partager tes connaissances et leur donner la possibilité de jouer partout dans le monde et d’être de meilleures personnes. »
Une comparaison entre la SEED Academy et la philosophie Ubuntu
El Kabir Pene résume cet état d’esprit par la philosophie Ubuntu. Chaque membre de la SEED Academy participe à quelque chose de plus grand que lui, un objectif qui est le même depuis plus de deux décennies.
Le nom et le logo de l’institution rappellent cette volonté et le manager général en est un des garants.
« Seed, c'est la graine. Et cette graine croît et s'agrandit jusqu'à être un baobab, cet arbre gigantesque qui plonge profondément ses racines dans la terre où reposent nos valeurs. Son tronc noueux et majestueux symbolise tout ce qu'on met en place autour de ce projet. Et on dit que chacune de ses branches prépare dans ses bourgeons naissants la nouvelle génération qui continue de perpétuer cette tradition. Cette transmission est la sève qui doit permettre à SEED de durer aussi longtemps qu'un baobab, c'est-à-dire des siècles. »
La SEED Academy a déjà contribué à la réussite sportive ou professionnelle de nombreux jeunes en Afrique, et ce n’est que le début.