Paris 1900 : des Jeux Universels

Paris accueille les Jeux Olympiques pour la troisième fois en 2024. Nous revenons à cette occasion sur les deux précédentes éditions organisées dans la capitale française. Les Jeux de la IIe Olympiade sont très particuliers, en ce sens qu'ils se déroulent sur une période de cinq mois dans le cadre de l'Exposition Universelle de Paris 1900. Beaucoup d'athlètes ayant participé aux "Concours internationaux d'exercices physiques et de sports" organisés dans et autour de la Ville Lumière ignoreront qu'ils ont disputé les Jeux Olympiques. Ils restent cependant historiques pour la première participation des femmes.

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Paris 1900 : des Jeux Universels
(IOC)

Les Jeux Olympiques de 1900 sont attribués à Paris en même temps que ceux, inauguraux pour l'ère moderne, d'Athènes 1896 à l'occasion du premier Congrès Olympique qui se déroule à la Sorbonne, Paris, du 16 au 23 juin 1894. Le Comité International Olympique est fondé à cette occasion par Pierre de Coubertin, et la date du 23 juin traversera les siècles en tant que "journée olympique" célébrée à travers la planète. Les Jeux de Paris vont se dérouler en même temps que l'Exposition Universelle dans la capitale française, sur les mêmes cinq mois, de mai à octobre 1900.

Comme l'a raconté Pierre de Coubertin,  "En ce temps-là rien n’était plus malaisé que de grouper de nombreux spectateurs autour d’une réunion sportive. L’attraction demeurait faible. Seuls, les vélodromes attiraient parfois des foules". L'Exposition Universelle est à l'époque un évènement beaucoup plus important que les Jeux Olympiques tout juste rénovés, et même si la première édition à Athènes en 1896 a rencontré un beau succès populaire, Coubertin doit se battre avec les organisateurs de l'Exposition Universelle pour faire reconnaitre leur qualité olympique aux "Concours internationaux d'exercices physiques et de sports" qu'ils mettent sur pied dans et autour de la capitale. Il n'empêche que le statut olympique des différentes épreuves sera si peu mis en avant que beaucoup d'athlètes y participant ignoreront pour certains jusqu'à leur décès qu'ils ont disputé les Jeux Olympiques.

Alvin Kraenzlein et Raw Ewry, des noms à retenir, la natation en vedette

Il y a 19 sports en compétition aux Jeux de Paris 1900, pour un total de 95 épreuves, certaines resteront ou redeviendront olympiques (athlétisme, aviron, cyclisme, escrime, football, golf, gymnastique, natation, rugby, équitation, tennis, tir, tir à l'arc, voile, water-polo), d'autres non (cricket, croquet, jeu de paume, pelote basque) ou ne seront pas considérées par le CIO comme des concours officiels (pêche à la ligne, boule lyonnaise, pétanque, cerf-volant, pigeon-voyageur, sauvetage, hurling etc…). 24 CNO ont envoyé leurs athlètes à Paris, ils sont presque 1000 en tout.

Il n'y a pas à proprement parler de cérémonie d'ouverture des Jeux de Paris, mais un défilé des gymnastes dans le vélodrome de Vincennes lors de la fête fédérale de l'Union des sociétés de gymnastique de France le 3 juin 1900. Pierre de Coubertin préside personnellement aux épreuves de "courses à pieds, sauts, lancers", c'est à dire l'athlétisme, au bois de Boulogne en juillet 1900. Deux athlètes américains s'y font un nom : Alvin Kraenzlein, vainqueur du 60 m, du 110 m haies, du 200 m haies et du saut en longueur, soit un exploit unique dans son sport : quatre médailles d'or en trois jours ! Et Raw Ewry, "l’homme caoutchouc" qui se couvre d'or dans les sauts sans élan : la hauteur, la longueur et le triple saut.

La natation qui se dispute sur la Seine entre Courbevoie et le Pont d'Asnières, rencontre un beau succès populaire, et sera le théâtre d'une large représentation internationale, ainsi que de l'apparition d'une technique inédite introduite par les australiens : le crawl, c'est à dire de nos jours, la nage libre. La gymnastique et le cyclisme qui se déroulent dans le Vélodrome de Vincennes construit pour l'occasion sont les autres spots vedettes de ces Jeux. C'est enfin l'escrime qui connait la plus large participation internationale, avec notamment 155 tireurs dans l'épreuve d'épée.

Dans de nombreux sports comme en polo, voile, athlétisme, aviron ou encore en tennis, des médailles sont par ailleurs remportées par des équipes composées d’athlètes de différentes nationalités, alors qu'en escrime, des maitres d'armes sont opposés à des élèves et en général, s'imposent. Les Jeux de Paris 1900 ont aussi leur "champion inconnu", un jeune français appelé en renfort pour barrer en aviron dans le deux avec barreur néerlandais qui l'emporte : on le voit sur la photo de remise des récompenses en l'estimant âgé de "7 à 12 ans" mais on n'a jamais retrouvé son nom. Autre particularité, le saut à la perche est à l'époque une épreuve de gymnastique, comme le lever de pierre de 50 kg ou la montée à la corde lisse. Ces deux dernières sont appelées à disparaitre, et le saut à la perche à devenir la discipline d'un autre sport !

Charlotte Cooper et Margaret Abbott, premières pour l'éternité  

Les Français se taillent la part du lion dans ces Jeux, avec pas moins de 94 médailles dont 25 en or, mais rien d'étonnant : ils sont les seuls engagés dans plusieurs concours ! De ces Jeux qui se déroulent dans l'ensemble devant un public clairsemé à une époque où le sport de loisir et de compétition est à des années lumières de l'importance qu'il va prendre dans les décennies suivantes, on retiendra surtout la participation des femmes, pour la première fois aux Jeux Olympiques. Ainsi, les premières à entrer en piste sont Madame Brohy and Mademoiselle Ohnier, deux Françaises qui disputent l'épreuve de croquet.

L'histoire retient avant tout le nom de Charlotte Cooper, la meilleure tenniswoman de son époque, qui le 11 juillet 1900, sur les courts en terre battue de l'Ile de Puteaux au milieu de la Seine, remporte la finale du simple dames en battant la Française Hélène Prévost, 6/1, 6/4. Une date historique, puisque la championne britannique est la première femme à inscrire son nom au palmarès olympique dans une épreuve individuelle ! Elle avait quelques jours plus tôt gagné le double mixte avec R.F. Doherty, vainqueur pour sa part de trois médailles.

Et puis il y a Margaret Abbott, la jeune étudiante en arts de Chicago, venue à Paris avec sa mère Mary pour visiter l'Exposition Universelle. Toutes deux s'inscrivent au "tournoi international de golf" organisé sur le parcours de Compiègne. Le 4 octobre, Margaret réussit le meilleur score (47 points) sur les 9 trous de la compétition et remporte la médaille d'or. Elle est la première championne olympique américaine, la seule titrée dans son sport pour les 116 ans à venir, mais elle ne le saura jamais, jusqu'à son décès en 1955.

Toutefois, ce début du XXe siècle est l’époque du progrès triomphant. Automobile, aviation, cinéma sont autant de domaines naissants qui promettent un fabuleux développement. Tout comme les Jeux Olympiques nouvellement restaurés dans leur forme moderne. En cette Belle Epoque bouillonnante, les Jeux de 1900 ont su apporter leur contribution à la grande et à la petite Histoire malgré l’ombre faite par l’Exposition universelle.

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