De non-classée jusqu'aux Jeux Olympiques : comment Emma Meesseman a mené la résurrection de l’équipe de basketball belge

En 2016, l’équipe belge de basketball féminin n’était pas dans le classement mondial. Demain, elle rencontrera Porto-Rico pour leur deuxième match des JO de Tokyo 2020.

Meesseman_Tokyo
(Photo de Gregory Shamus/Getty Images)

Le 9 février 2020, dans la petite ville côtière de Ostende, l’équipe féminine nationale Belge de basketball est entrée dans l’histoire.

Elle s’est qualifiée pour ses premiers Jeux Olympiques.

Le buzzer final de leur victoire 61-53 face à la Suède lors du Tournoi de qualification olympique (TQO), synonyme de qualification pour les Jeux de Tokyo 2020, marquait le point culminant de l’incroyable transformation de cette équipe féminine. Alors qu’elles étaient hors du classement, les Belgium Cats, comme elles sont surnommées, sont passées des abimes du basket féminin international aux sommets des Jeux Olympiques.

Aujourd’hui, la Belgique est 6e au classement mondial et dispute le tournoi olympique des Jeux de Tokyo 2020.

Lors du premier match contre l'Australie, mardi 27 juillet, la nation s'est imposée contre l'Australie sur le score de 85-70. Un match lors duquel Meesseman a inscrit 32 points et pris 9 rebonds défensifs.

Demain (vendredi 30 juillet), la Belgique rencontrera Porto Rico à 10h (heure locale).

Pour comprendre cette incroyable évolution de l’équipe féminine, nous avons parlé avec la star de la joueuse de WNBA, d’Euro Ligue et star de Belgique, Emma Meesseman.

Emma Messseman : la star belge

Bien qu’on ne puisse pas attribué les mérites de cette ascension à une seule joueuse, ce serait une erreur de sous-estimer l’impact qu’Emma Meesseman a eu sur l’évolution du basketball Belge.

À seulement 28 ans, Meesseman, qui est partiellement sourde et joue avec des appareils auditifs, a déjà un palmarès incroyable que la plupart des joueurs ne peuvent que rêver d’avoir.

  • Championne WNBA 2019 et MVP de la finale
  • All-star WNBA 2015
  • Quadruple championne d’Euro Ligue et MVP Final Four d’Euro Ligue 2018
  • MVP des Championnats d’Europe U18 en 2011
  • Joueuse de l’année FIBA 2011 chez les jeunes
  • Championne de la Ligue de Belgique 2011 et MVP du championnat
  • Double Joueuse de l’année Belge
  • Sextuple championne de Ligue Nationale Russe
  • Victorieuse en Coupe de Russie 2017

Quand on lui demande de quel exploit elle est la plus fière, Meesseman a du mal à choisir, et cela se comprend.

« Je suis plutôt fière de tout. Jouer pour l’équipe nationale est toujours un peu plus spécial parce que j'ai grandi avec mes partenaires », expliquait Meesseman à Olympics.com. « Nous nous connaissons depuis de nombreuses années et nous avons le même rêve depuis tant de temps, mais tout ce que nous avons fait jusqu’à présent a toujours été des premières fois. »

« Pour notre premier Championnat d’Europe, nous avons remporté la médaille de bronze, c'était une première. Jouer aux Championnats du monde ? Une première aussi. Se qualifier pour les Jeux Olympiques ? Encore une première. Donc je ne dirais pas que ce moment [la qualification pour Tokyo 2020] soit le plus important, mais je me souviens quand même de ce que j’ai ressenti quand nous nous sommes qualifiées, c’est une journée qui reste spéciale et chargée d’émotions. »

Meesseman est née à Ypres, où elle a également grandi. Elle a commencé à jouer en club à 16 ans. Sa mère, Sonja Tankrey, est une ancienne basketeuse, nommée Joueuse de l’année en Belgique en 1983. Malgré son héritage impressionnant, Meesseman explique que sa mère ne l’a jamais poussée à faire du basket.

« Le plus important pour mon frère et moi c’était de faire du sport. Mais en grandissant, je pense que mon talent pour le basket a commencé à se voir de plus en plus, donc c’était un choix plutôt simple pour moi de devenir basketteuse. Mais ce n’est pas parce que ma mère m’a poussée à faire du basket, elle me laissait toujours le choix. Et puis, après un moment, j’ai voulais juste devenir meilleure que ma mère ! »

En 2013, après avoir fait sensation durant l’EuroCup en Belgique et en France, Meesseman a été la 19e sélectionnée par les Mystics de Washington durant la draft de WNBA. Mais au départ, elle appréhendait l’idée de s’installer aux États-Unis.

« Je n’avais jamais vu de match de WNBA. Je connaissais quelques joueuses, mais c’était [la WNBA] très loin de moi », se souvient-elle.

« Je n'étais pas sûre d'y aller, j’avais 19 ans à ce moment là et j’avais peur. »

Mais après un appel avec l’entraineur et manager général des Mystics, Mike Thibault, Meesseman a décidé de saisir l’occasion.

« Au début, je ne croyais pas que j’allais y arriver [en WNBA]. C’était un gros changement, mais j’ai compris qu’ils [les Mystics], m’avaient choisi pour mon style et ma manière de jouer. Donc j’ai décidé de continuer comme cela, sans changer ma manière de jouer. »

Ces décisions ont payé pour Meesseman, qui a été sélectionnée pour les All-star WNBA 2015. Elle a remporté le championnat avec les Mystics en 2019 (la première de la franchise), année durant laquelle elle a aussi été nommée MVP des finales.

Meeseman, comme beaucoup d'autres joueuses de haut niveau en WNBA, joue aussi en Europe durant l'inter-saison, où elle continue d'enchainer les succès. En tant que pensionnaire de l’UMMC Ekaterinburg, l'ailière de 1,93 m a remporté la ligue nationale de Russe en 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020, ainsi que l’EuroLeague en 2016, 2018, 2019 et 2021.

Alors que Meesseman continuait de remporter des titres et des récompenses en WNBA et en Europe, la jeune femme de 28 ans a également mené la Belgique vers les sommets de la scène internationale.

La montée en puissance du basket belge

Il y a six ans, la Belgique n’apparaissait pas dans le classement mondial de la FIBA, et à juste titre.

À ce moment là, l'équipe féminine n'avait pas réussi à se qualifier pour les Championnats du monde et les Jeux Olympiques, et sur les dix Championnats Européens auxquels la Belgique s'était qualifiée, sa meilleure place fût 6e.

Alors, quand les Championnats d’Europe 2017 ont commencé, personne n’attendait des résultats de la Belgique.

Mais les Cats n’étaient pas là pour faire de la figuration. Après avoir battu leurs adversaires durant les phases de groupe, la Belgique s’est imposée face à l’Italie en quarts de finale avant de perdre sa demi-finale face à l’Espagne, futur vainqueur du tournoi. Mais, rien qu’en atteignant cette demi-finale, la Belgique s’était assurée sa toute première qualification pour les Championnats du monde 2018. L’équipe belge a fait une ultime démonstration de force en battant la Grèce de 33 points, remportant ainsi la médaille de bronze.

Remporter le bronze aux Championnats d’Europe était déjà une belle victoire, mais dans la perspective des Championnats du monde 2018 qui se profilaient, une question se posait : la Belgique est-elle une menace sérieuse ?

Les Cats ont répondu à cette question de manière catégorique en terminant premières de leur groupe et en battant les Françaises, n°3 mondiales, en quarts de finale avant de s’incliner face aux États-Unis en demi-finale. La Belgique s’est classée 4e, une belle performance pour sa première participation au tournoi mondial.

En 2019, la Belgique partait en quête de la qualification olympique pour Tokyo 2020. Cette mission a débuté par les Championnats d’Europe et contrairement à l’édition deux années plus tôt, les Cats sont entrées en lice en attirant l’attention, mais il n’y eu pas de surprise cette année-là.

La Belgique s’est classée 5e de l’Euro, sécurisant sa place pour l’un des trois Tournois de qualification olympique, qui se déroulaient en février 2020.

Ostende a été choisi comme ville hôte du tournoi et le groupe de la Belgique était composé du Canada, du Japon et de la Suède.

Pour s’assurer une place aux Jeux Olympiques, la Belgique devait terminer dans les deux premières places de ce tournoi. Une tâche qui en apparence semblait simple. Mais après la défaite des Belges face aux Canadiennes dès le premier match, le rêve olympique semblait être menacé.

Une grosse victoire face au Japon a redonné un nouveau souffle à la Belgique, qui s’apprêtait à jouer le match le plus important de l’histoire du basket féminin Belge face à la Suède.

Gagner et aller à Tokyo.

Dans la salle comble du Dôme d’Ostende, la Belgique s’est montrée à la hauteur de l’événement, battant la Suède 61-53 avec une Meesseman des grands jours : 24 points, 5 rebonds, 4 passes et 3 interceptions.

La Belgique, ce petit pays de seulement 11,5 millions d’habitants, qui n’était pas dans le classement mondial en 2016, venait d’accomplir leur mission de qualification pour Tokyo.

« Se qualifier devant notre public était un sentiment incroyable », expliquait Meesseman. « Mais cela fait tellement longtemps que nous sommes qualifiées que notre participation à Tokyo 2020 semble toujours irréel. Une fois que je serai au Japon et que je verrai tout cela de mes propres yeux, je me dirai "Oui, nous sommes bien aux JO". »

En parlant de l’ascension de l’équipe, Meesseman expliquait :

« Je pense que c’est un mélange de pleins de choses. Avant cette évolution, nous changions de coach ou de staff tous les ans, et ces personnes avaient des idées différentes. C’est presque impossible de construire quelque chose dans ces conditions. Donc quand nous avons commencé avec coach [Philip] Mestdagh en 2015, nous avions aussi un bon mélange de joueuses nouvelles et anciennes dans l’équipe. C’était comme un gros puzzle et chaque pièces s’imbriquaient. »

« Ils avaient aussi changé le planning pour les Championnats d’Europe. Avant, je devais choisir entre jouer avec l’équipe nationale et la WNBA, et d’autres personnes avaient d’autres obligations. Mais après ce changement, tout le monde était disponible et à partir de ce moment là, le puzzle était complet et nous avons commencé à jouer un très beau basket. »

Se faire plaisir aux Jeux Olympiques

Alors, quel est l’objectif de Meesseman pour sa première participation aux Jeux Olympiques ?

« Et bien, pour moi personnellement, et je pense parler au nom de toute l’équipe, le but principal est de se faire plaisir. Je vais simplement profiter des Jeux et me souvenir du chemin qui nous a amené ici. Bien entendu, nous donnerons notre maximum sur le terrain, mais je pense que si nous apprécions le simple fait d’être là et que nous vivons pleinement cette expérience, il sera plus facile pour nous de jouer notre jeu et de faire du basket sans la pression que nous avons eue jusqu’ici. »

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