Nathalie Péchalat : "L'émotion du sport n'est pas que dans la victoire"

Trois fois olympienne, double médaillée aux championnats du monde et deux fois championne d'Europe en danse sur glace avec son partenaire Fabian Bourzat, Nathalie Péchalat est heureuse de pouvoir transmettre son expérience et ses valeurs aux jeunes athlètes en compétition aux JOJ de Lausanne 2020. Elle nous explique pourquoi ce rôle d'athlète modèle lui tient à cœur.

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Nathalie Péchalat : "L'émotion du sport n'est pas que dans la victoire"
(Getty Images)

Quel est votre premier souvenir olympique ?

Mon premier souvenir marquant des Jeux remonte à notre sélection pour les JO de Turin en 2006. Cela a été, je pense, le point culminant de ma carrière, du moins jusqu'à ce moment. J'ai voulu faire de la danse sur glace quand j'ai découvert Isabelle et Paul Duchesnay aux JO d'Albertville en 1992. Je m'en souviens parfaitement, j'avais 9 ans, et c'est là que je me suis dit "je veux faire de la danse sur glace", j'avais plutôt commencé par le patinage artistique individuel. Ce que je voulais, c'était avoir une veste "équipe de France" et représenter mon pays à l'étranger. Donc, pour moi, aller aux Jeux, c'était le graal. Je ne pensais ni aux résultats ni aux médailles, ce n'était pas cela qui me poussait à me lever le matin. C'était le fait d'aller aux Jeux, de participer aux championnats d'Europe et du monde, et d'être fière de représenter la France.

Vous terminez votre carrière à Sotchi en 2014…

À nos troisièmes JO avec Fabian, à Sotchi en 2014, nous y allons pour gagner. Et nous finissons quatrièmes. En amont, il y avait eu comme toujours des remises en question, et cette optique de progresser, de ne pas nous endormir sur nos acquis. Nous avons donné le meilleur de nous-mêmes, il n'y a aucun regret, nous avions mis toutes les chances de notre côté. Nous avons fini au pied du podium, car le sport, c'est cela aussi. Le résultat ne dépend pas uniquement de la capacité et de la performance, mais aussi de celle des autres, d'un chronomètre ou d'un jugement. On contrôle ce que l'on peut mais on n'a pas tous les leviers en mains. Et voilà comment ça s'est passé.

Quel a été le sommet de votre carrière sportive ?

Je ne sais pas si j'ai connu un sommet dans ma carrière. J'ai l'impression qu'elle n'a été qu'une suite de hauts et de bas, des bons souvenirs, d'autres un peu plus compliqués à digérer sur le moment. Mais chaque étape a son intérêt. Comme disait Nelson Mandela : "Dans la vie, je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j'apprends". On a besoin de se prendre des claques, d'être blessé, d'avoir de mauvais résultats pour pouvoir rebondir. Si on fait du sport, c'est pour ressentir des émotions, et on ne les trouve pas uniquement dans la réussite et la victoire. C'est l'adversité et le goût de l'effort qui font qu'on peut apprécier son parcours. Je ne retiens pas que les victoires, j'aime tout, j'aime le changement, tout n'est pas écrit, tout n'est pas linéaire.

(Getty Images)

Aujourd'hui, est-ce important pour vous de transmettre votre expérience ?

Oui, c'est d'ailleurs ce que je fais aujourd'hui. Mes activités consistent à intervenir dans des stages, des regroupements fédéraux, des stages de ligue auprès des jeunes. Et également à donner des conférences en entreprise pour transmettre. Mon sujet de prédilection est le doute, le bénéfice du doute… Et je travaille aussi comme consultante pour le média Eurosport, afin de mettre en lumière les autres sportifs d'hiver et de faire des portraits pour les découvrir au-delà de leurs performances. 

Être une athlète modèle aux JOJ de Lausanne, cela compte pour vous ?

Je n'ai pas eu la chance de participer aux JOJ, ils n'existaient pas à mon époque. Je suis très contente de découvrir cet univers. Ce qui est bien avec les plus jeunes, c'est qu'il y a une ouverture d'esprit, une curiosité, ils sont friands de tout, à l'écoute, en plein apprentissage. C'est le moment où l'on se pose le plus de questions, mais c'est comme cela que l'on trouve des réponses. C'est la période idéale. Être une athlète modèle est pour moi un véritable honneur. C'est quelque chose qui colle bien avec mes différentes activités, mon envie d'être utile, de transmettre ce que j'ai pu apprendre tout au long de ma carrière, c'est pour moi une démarche très cohérente. Je suis très contente d'aller à Lausanne pour les JOJ de 2020.

Comment envisagez-vous votre rôle ?

Je me suis entretenue avec un membre du CIO qui m'a expliqué ce que nous allions faire. Je n'ai encore jamais porté cette casquette-là. Mais j'ai l'intention et la volonté d'être disponible à 100 % entre le 9 et le 13 janvier où je serai sur place. Ce sera surtout des échanges avec les jeunes, les rassurer quand ils se plantent, les féliciter quand ils gagnent, leur dire que la route est sans fin, du moins jusqu'au jour où l'on raccroche les patins. C'est une étape intermédiaire, ce n'est pas parce que l'on gagne aujourd'hui que l'on ne gagnera pas demain, ce n'est pas parce que l'on échoue qu'on ne gagnera pas ensuite. C'est vraiment une phase d'apprentissage. Mon rôle consistera à essayer de leur transmettre des valeurs, et peut-être juste à les rassurer sur leur parcours, leur donner une impulsion, une motivation pour continuer, avec les bonnes clés.

Si vous deviez décrire au mieux la danse sur glace, que diriez-vous ?

C'est un sport à part, parce qu'il est d'expression artistique, et il y en a peu. C'est un sport très exigeant. Hier encore, on parlait de notes artistiques et de notes techniques. Aujourd'hui, c'est plus objectif, plus transparent. On a des moyens de progresser avec un peu plus de détails quand on consulte sa notation. Mais surtout, c'est une discipline qui nécessite une préparation mentale, un suivi, des domaines qui prennent de plus en plus d'importance. L'intérêt de la danse sur glace, c'est de pouvoir exprimer qui on est. On n’est pas le même que le concurrent d’à côté, pas le même que celui qui gagne, on est soi et c'est justement le côté positif de la discipline, alors que l'on parle souvent de l'aspect négatif, c’est-à-dire le jugement humain. Mais il faut l'accepter pour pouvoir s'exprimer et faire ce que l'on aime sur la glace, au-delà des points. Toute la beauté de ce sport est dans la créativité. La danse sur glace allie la performance sportive et la création artistique. Si on ne considère que le côté stratégique, il vaut mieux faire du saut à la perche !

Quel est votre message pour les jeunes athlètes ?

La compétition, c'est contre soi-même. La concurrence est une saine émulation. Cela peut donner des pistes mais pas forcément toutes les directions. Il y a des hauts, il y a des bas, des blessures, des victoires, il y a de tout, mais c'est ce qui rend le sport savoureux. On est traversé par des doutes en permanence, même les plus grands champions doutent tout le temps, mais c'est justement cela qui permet d'obtenir des résultats, de devenir fort dans sa discipline et en tant qu'être humain. C'est vraiment une école de la vie pour l'après : travailler, aimer l'effort, aimer être différent, montrer sa différence, respecter l'adversaire, respecter le jugement, et avancer du mieux que l'on peut quand on peut. En une phrase : quand on fait ce que l'on peut, on fait ce que l'on doit. Que chacun fasse la plus belle performance possible, la route est longue, ça n'est que le début. Prenez-vous la tête, mais de manière positive !"