Mathilde Gros : la piste littéralement dans la peau...

Mathilde Gros a débuté le cyclisme sur piste en 2015. Trois ans plus tard, elle devenait championne d’Europe. Une consécration pour la jeune athlète de 21 ans qui entre en lice à Tokyo 2020 ce mercredi 4 août dans un pays qu’elle connaît et qu’elle aime. 

Mathilde Gros
(Photo de Bryn Lennon/Getty Images)

Les Jeux Olympiques ont toujours été un rêve pour Mathilde Gros. Mais en 2008, c’était plutôt le basket qui la faisait rêver, elle et son papa devant la télé.

« J’ai commencé le basket à l’âge de trois ans, et c’était ma passion. Je vivais basket », raconte à Tokyo 2020 l’actuelle double championne d’Europe en titre de keirin.

« À Pékin 2008, quand j’ai vu les Américaines remporter la médaille d’or, mon père était assis à côté de moi et je lui ai dit : "Papa, je veux faire les Jeux. Dans n’importe quel sport, mais je veux faire les Jeux !" Il a rigolé. »

À l’époque, la réaction de son père pouvait se comprendre. La jeune fille passait le plus clair de son temps sur les terrains de basket provençaux, son rêve était de devenir basketteuse professionnelle. De là à l'imaginer aux Jeux Olympiques, qui plus est sur un vélo, qu'elle détestait lorsqu'elle était jeune, il y avait de quoi rire.

« À ce moment-là, j’étais montée une seule fois sur un vélo. Et c’était un VTT. J’ai détesté et je n’en ai plus jamais refait ! »

Un vélo d’intérieur qui change la vie

La jeune athlète poursuivait son aventure sportive en rejoignant le pôle espoir de basket d’Aix-en-Provence en 2012, dans le but de faire de sa passion son métier. Mais pendant la deuxième année, elle a eu, par hasard, l’occasion de monter sur un vélo d’intérieur. Une expérience anodine qui allait changer sa vie. Littéralement.

« Les données qui en sont ressorties étaient impressionnantes, de par mon âge et mon inexpérience en vélo », se souvient-elle.

Une aisance naturelle hors du commun qui, au fil des discussions entre coachs, allait remonter aux oreilles de Justin Grace, l’entraîneur olympique de cyclisme sur piste de l'équipe de France de l'époque.

« Finalement je n’ai pas pu continuer en basket car je n’étais pas assez grande et je n’avais pas le niveau », admet Mathilde Gros. « Puis j’ai reçu un appel de Justin Grace qui m’a proposé d’intégrer l’INSEP en cyclisme sur piste. »

Mon objectif, c’était de faire les Jeux Olympiques et de les gagner. 
J’ai donc pris la voie du sport de haut niveau en cyclisme sur piste.

Trois ans plus tard, direction le Japon

Elle intègre donc l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance en septembre 2015, pour se lancer dans une vie rythmée par un sport qu’elle ne connaît pas encore. Un peu moins de trois ans plus tard, elle est quintuple championne d’Europe junior et quintuple championne de France chez les séniors.

Elle reçoit ensuite un nouvel appel. Du Japon cette fois. C'est Benoit Vêtu, l’entraîneur français de l’équipe japonaise de cyclisme sur piste, qui lui propose d’intégrer l’équipe 'athlètes étrangères' pour disputer la tournée internationale de keirin pour le printemps 2018. Un honneur réservé à une poignée de pistards.

Le keirin est une discipline de cyclisme sur piste née au milieu du XXe siècle au Japon, introduite aux Jeux Olympiques pour les hommes à Sydney 2000 et pour les femmes à Londres 2012. Au Japon, les compétitions de keirin sont des événements très populaires, dotées d’un circuit professionnel. Certains athlètes internationaux triés sur le volet sont invités à disputer le championnat. Mathilde Gros a fait partie de ces chanceux, alors qu’elle venait tout juste d’atteindre sa majorité.

Des rencontres exceptionnelles

« Je ne m’attendais vraiment pas à ce qu’ils m’appellent », raconte-t-elle. « J’avais 18 ans et je n’avais aucun palmarès international chez les seniors en keirin. »

Elle est donc partie à l’autre bout du monde pour deux mois et demi, « sans famille et sans staff », disputer le championnat japonais de keirin aux côtés des plus grandes stars locales ainsi que d’autres pistardes internationales, comme la championne du monde de keirin 2018 belge Nicky Degrendele, la Néo-zélandaise Natasha Hansen, ou encore l’Australienne Stephanie Morton.

« Elles sont toutes devenues des amies », confie-t-elle.

Elle a également rencontré ses homologues nippones. Un premier rapport avec le Japon qu’elle n’oubliera jamais, tant l’expérience était extraordinaire, « l’une des meilleures de ma vie » abonde-t-elle, mais également par la qualité des liens tissés avec les Japonaises.

« On ne parlait pas japonais et les Japonaises avec qui nous étions ne parlaient pas très bien anglais, alors on avait des traducteurs et on arrivait bien à communiquer. Elles étaient très curieuses par rapport à nous, étrangères, et nous posaient beaucoup de questions. J’ai tissé de vrais liens avec ces filles, on est toujours en contact aujourd’hui même si ça fait quelques temps que je ne suis pas retournée au Japon. »

Un séjour au Japon salvateur

L’été de la même année 2018, elle se rendait aux Championnats d’Europe de cyclisme sur piste à Glasgow. Elle y remportait une médaille de bronze en vitesse, mais surtout sa médaille d’or internationale. En keirin, évidemment.

Pour y parvenir, le voyage au Japon lui a servi. Car il lui a permis d’éliminer un blocage délicat.

Lors de la manche polonaise de Coupe du monde 2017-2018, en novembre 2017 à Pruszków, l’athlète française a subi une lourde chute en finale de l’épreuve de keirin, à plus de 60 km/h, lui causant une luxation acromio-claviculaire avec une déchirure de plusieurs ligaments de son épaule. « C'est grâce aux compétitions de keirin au Japon que j’ai réussi à vaincre mes peurs de chute », explique-t-elle.

Herman Terryn, mon entraîneur, me regardait 
et se demandait ce qu’il allait faire avec moi

Mathilde Gros a failli tout arrêter

D'ailleurs, c’est également par une chute qu’avait commencé l'aventure en cyclisme sur piste. Mathilde est en effet tombée lors de son premier jour à l’INSEP, en septembre 2015. Quelques mois plus tard, elle vivait sa première compétition où elle... tombait de nouveau. Une succession de mauvaises fortunes qui a bien failli lui faire abandonner ce sport parfois ingrat.

« La première fois que j’ai testé le vélodrome de l’INSEP, je suis tombée et une grosse écharde s’est plantée au niveau de la fesse. Herman Terryn, mon entraîneur, me regardait et se demandait ce qu’il allait faire avec moi », sourit-elle.

« J’ai mis un mois et demi à remonter sur la piste car j’avais peur. Pour ma première compétition, le mois de janvier qui suivait, je suis tombée deux fois en 15 minutes, avec encore des échardes partout. J’ai failli abandonner le cyclisme sur piste. Je me suis même allée à la gare pour rentrer chez moi dans le sud de la France, mais je me suis finalement ravisée. »

Un deuxième titre de championne d’Europe de keirin à l’expérience

Une décision qui lui a donné raison puisque aujourd’hui, elle est double championne d’Europe de keirin en titre (2018, 2019). Un deuxième titre conquis après une nouvelle expérience au Japon, où elle a disputé une tournée internationale de keirin. Un voyage qui lui a donné plus de maturité également, lui permettant de gagner la médaille d’or européenne sans même être au top de sa forme.

Deux jours avant l’épreuve de keirin aux Championnats d’Europe, Mathilde Gros dispute l’épreuve de vitesse, où elle se fait éliminer en quart de finale. « Grosse déception. La réalité m’a rattrapé. »

Lors de l’épreuve de keirin, elle est éliminée en qualifications alors qu’elle est championne en titre et doit passer par les repêchages. Elle parvient finalement à se qualifier pour les demies, puis la finale, où elle n’a plus rien à perdre.

« Je n’étais pas favorite, compte tenu de mes performances et mes sensations. Je me suis dit que j’allais courir autrement que l’année dernière, où j’avais pris la tête des courses et gagné. D’autres filles étaient plus fortes cette année. Je me suis faite enfermée en troisième position à un tour de l’arrivée et je me suis dit : bon, on verra bien. Mais ça roulait très fort et la fille devant moi a lâché et moi, qui n’avait fait aucun effort, j’ai tout donné dans le dernier virage et la dernière ligne droite. Je ne sais pas d’où j’ai sorti tout ça mais je suis remontée et sur la ligne, j’ai jeté le vélo. Inconsciemment, j’ai senti que j’étais devant et ça a été l’explosion de joie. »

Décrocher l’or olympique, 21 ans après

Elle n’a pas pu tenter de conquérir un troisième titre lors des Championnats d’Europe 2020 au mois de novembre en Bulgarie puisque la Fédération française de cyclisme avait décidé de ne pas envoyer de délégation en raison de la pandémie de COVID-19. La prochaine grande échéance internationale pour Mathilde est donc ce mercredi 4 août à Tokyo.

Ayant décroché un quota français dans l’épreuve du keirin et de la vitesse individuelle grâce au classement mondial, elle va tenter de réaliser son rêve de devenir championne olympique. Un rêve qui paraissait improbable lorsqu’elle regardait les basketteuses américaines lors des de JO Pékin 2008.

Elle est donc de retour dans un pays « magnifique, avec des gens très avenants et respectueux », pour rouler dans le Vélodrome d’Izu, où elle se « sent bien » et tenter de décrocher l’or olympique. Une double chance de redorer la piste française, 21 ans après les deux légendes Florian Rousseau et Félicia Ballanger à Sydney 2000.

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