Martin Fourcade au panthéon du sport français !
Il avait été battu d'une spatule par le Norvégien Emil Hegle Svendsen à l'arrivée de la Mass-start de Sotchi en 2014, il bat l'Allemand Simon Schempp d'une spatule à l'arrivée de celle de PyeongChang 2018 ! Photo-finish et incroyable dénouement pour le patron du biathlon mondial Martin Fourcade, qui devient le Français le plus titré aux Jeux d'hiver avec quatre médailles d'or. Derrière Schempp en argent, Emil Hegle Svendsen gagne le sprint pour la médaille de bronze à 11 secondes des deux premiers.
Exceptionnel Martin Fourcade : au terme d'une mass-start à couper le souffle et irrespirable jusqu'au bout, le Français de 29 ans a dominé dimanche au sprint et d'une courte spatule l'Allemand Simon Schempp pour entrer dans les annales du sport français avec une quatrième médaille d'or olympique.
L'Histoire retiendra que c'est grâce à l'aide de la photo-finish que le Pyrénéen a écrit une nouvelle page de sa légende. Mais ces quelques millimètres qui l'ont séparé de Schempp à l'arrivée font toute la différence : Fourcade est désormais un géant parmi les géants et son 4e sacre, aussi étroit soit-il, restera à court sûr dans toutes les mémoires et le place désormais au même niveau que les escrimeurs Christian D'Oriola et Lucien Gaudin au sommet du palmarès olympique français.
Jean-Claude Killy, avec qui le sextuple tenant de la Coupe du monde partageait l'honneur d'être le plus titré des sportifs français aux Jeux d'hiver, est bel et bien dépassé et l'aura du tout nouveau quadruple champion olympique surpasse maintenant largement le cadre de son sport et des disciplines sur neige.
La course des rois, comme on surnomme la mass-start dans le petit monde du biathlon, a couronné un athlète d'exception sur un scénario qui a rappelé étrangement celui de 2014 à Sotchi quand le Norvégien Emil Hegle Svendsen avait battu Fourcade sur le fil. Sauf que cette fois, c'est le Français qui en est sorti vainqueur. L'espace d'un instant, Fourcade a d'ailleurs bien cru revivre le mauvais film de Sotchi, tapant de rage son bâton dans la neige. Avant la délivrance.
"C'est beaucoup de bonheur. C'est une sensation tellement bizarre parce que j'ai cru tellement avoir perdu ce sprint. C'est génial. On ne mérite pas un titre olympique, ça se gagne. J'ai vu Tony (Estanguet, triple champion olympique du canoë slalom) et on m'a parlé de Jean-Claude Killy. C'était confortable de marcher dans leurs pas. Je ne me suis jamais battu pour ça, je ne rêve pas d'écrire l'histoire. Je ne suis pas un cannibale de ça. Ce n'était pas un rêve de gosse. Je rêve de faire mon sport et de le faire bien."
Dénouement incroyable
Il fallait tout de même un mental de champion pour résister à la pression des derniers jours et à cet échec incompréhensible lors de l'Individuelle (5e), perdue le 15 février sur ses deux derniers tirs alors que ce record tant espéré lui tendait les bras. Mais comme après sa 8e place sur le sprint quand il avait trouvé les ressources mentales nécessaires pour aller chercher l'or de la poursuite 24 heures plus tard, il a su réagir avec cet orgueil qui fait toute sa force.
Durant cette mass-start, un départ catastrophique (une erreur au tir couché) et une petite chute auguraient pourtant du pire. Mais Fourcade a réussi à revenir sur la tête de la course après avoir refait un retard de plus de 20 secondes, pour ensuite se débattre avec deux Allemands des plus coriaces, Schempp et Benedikt Doll.
À l'issue du 4e et ultime passage au pas de tir et malgré une nouvelle faute, Fourcade et Schempp se sont retrouvés seuls à se battre pour la victoire. Jusqu'à ce dénouement incroyable, qui restera à jamais gravé dans les souvenirs du Français et sera l'une des images fortes de ces Jeux. "Il y a huit ans à Vancouver, j'avais pris la médaille d'argent de la mass-start. Il y a quatre ans à Sotchi, j'avais perdu pour 3 centimètres", a expliqué à chaud Martin Fourcade. "Donc, durant tout le dernier tour, je me suis dit "non, ça ne va pas recommencer". J'attends encore que l'on me dise que je suis second ! Quand je jette mon ski sur la ligne, j'ai bien l'impression que je suis derrière". La photo-finish révèlera qu'un bout de la chaussure de Fourcade et passée sur la ligne devant celle de Schempp. "C'est magique ! J'ai grandi en regardant les Jeux à la TV, je suis un fana de sport. Être sur le podium avec Simon et Emil, ça ne pourrait pas être plus beau. Je suis très ému."
Simon Schempp et Emil Hegle Svendsen heureux de monter sur le podium
Simon Schempp n'est pas déçu de cette courte défaite. "Je suis si content ! J'ai attendu longtemps ici, aux Jeux, et finalement je gagne ma médaille dans la dernière course individuelle, je suis donc très satisfait de moi-même. Dans le sprint final, j'ai choisi mon couloir très tard, parce que je savais que si Martin me voyait partir à droite ou à gauche, il changerait de couloir. J'ai choisi au dernier moment, j'étais derrière lui en entrant dans la ligne droite. Ma vitesse était bonne dans le rush final, mais la ligne d'arrivée est sans doute arrivée 5 m trop tôt. L'attente pour la photo-finish n'a pas été trop dure, parce que quand on a une médaille assurée, il y a de quoi être content d'être parmi les trois qui montent sur le podium dans une course où il y a tant d'excellents athlètes !".
Le vainqueur de Sotchi 2014 Emil Hegle Svendsen est lui aussi très satisfait. "Ça veut tout dire ! Ces Jeux ont été très compliqués pour moi. Je n'ai pas disputé les courses comme je le souhaitais, alors gagner une médaille à la dernière épreuve individuelle, ça a été dur, mais c'est un grand frisson !" Svendsen a en effet réussi à prendre le meilleur sur l'Allemand Erik Lesser dans un ultime effort sur la ligne d''arrivée.
Le grand rival de Martin Fourcade, Johannes Thingnes Bø, lauréat de l'Individuelle 20 km, avait lui rendu les armes depuis bien longtemps avec 3 erreurs sur son 2e tir couché. Le Norvégien, à qui on prédisait un nouveau duel au sommet avec Fourcade, a finalement terminé 16e.
Le héros du jour avait lui bien préparé son coup. "Il n'était pas tendu, c'était le mec appliqué, il avait bien récupéré," a expliqué Franck Badiou, l'entraîneur de tir des Français. "L'individuelle avait fait du mal. C'est fabuleux, on aura eu le plaisir de croiser son parcours, c'est un mec remarquable. Le fait de savoir réagir, c'est sans doute un de ses moteurs les plus importants. Mais c'est aussi aller dans l'excellence. Il sait où est son niveau, faire des choses pleines, utiliser sa science de la discipline, pour être là où il doit être." Fourcade est bel et bien unique.